Rupture entre dollar et taux US, vers une nouvelle logique de marché ?


De la fuite vers la qualité, à la qualité de la fuite
Historiquement, le dollar suit les mouvements des taux à 10 ans
Petit rappel introductif : l’indice DXY est un indice qui mesure la valeur du dollar américain par rapport à un panier de 6 devises. Sa composition est de l’ordre de 58% d’Euro, 13% de Yen, 12% de Livre Sterling, 9% de dollar canadien, 4% de couronne suédoise et 4% de franc Suisse. Il permet donc de mesurer l’appétit pour la devise américaine contre toutes ces devises. Depuis un certain nombre d’années, le DXY était plutôt bien corrélé aux mouvements des taux à 10 ans américains. Mais surprise, depuis le « liberation day », cette relation semble s’être retournée :

Pourquoi cette corrélation historique ?
Nous y trouvons deux facteurs principaux :
Le différentiel de taux et l’attractivité des actifs en dollars
Si les rendements américains augmentent plus vite que ceux d’autres grandes économies (zone euro, Japon, Royaume-Uni…), le différentiel devient plus favorable au dollar. Les flux de capitaux internationaux se tournent donc vers les obligations américaines, ce qui implique une demande plus forte de dollars. La réciproque est valable.
Les anticipations de politique monétaire de la Fed
Lorsque les marchés anticipent que la Réserve fédérale va relever ses taux directeurs ou rester plus longtemps en zone restrictive, les rendements à long terme (T-Bond 10 ans) tendent à monter par réaction : les investisseurs peuvent exiger une prime de rendement plus élevée si la trajectoire des taux courts monte. Cette perspective de politique monétaire « hawkish » attire les capitaux vers le dollar. La réciproque est valable.
Le « flight to quality », l’une des raisons de la rupture de corrélation
Pourtant, parfois, cette corrélation se rompt. Et la première des raisons à ce mouvement est le mécanisme plus connu sous le nom de « flight-to-quality » ou en bon français « fuite vers la qualité ». Les meilleurs exemples sont ceux des crises financières systémiques. Septembre 2008 ou mars 2020, en sont les témoins : dans ces phases, les investisseurs fuient les actifs risqués et se réfugient à la fois dans le dollar (devise refuge mondiale), donc hausse du DXY, et dans les Treasuries américains (jugés ultrasûrs), ce qui fait baisser leurs rendements. En conséquence : DXY et taux à 10 ans évoluent en sens opposé (corrélation négative).
Une rupture plus dure : la perte de confiance
La rupture constatée depuis le 2 avril et l’annonce de droits de douanes en forte augmentation est un bon exemple de ce type de phénomène. Cette décision a instantanément fait craindre une détérioration rapide de la croissance américaine (ralentissement des échanges, hausse des coûts pour les entreprises exportatrices/importatrices). Au lieu de se renforcer face à la montée des rendements obligataires, l’indice DXY a chuté de plus de 7% entre le 2 avril et fin mai, car les investisseurs ont jugé que l’économie américaine prendrait ces droits de douane comme un signe de fragilité structurelle qui pourrait entraîner une stagflation. Mais au-delà de ça, et pour les lecteurs assidus de notre Fundesys Hebdo, vous savez que nous expliquons aussi qu’au-delà des « tariffs », la problématique de la dette américaine fait peur. Le premier signal, bien qu’au fond pas très étonnant, a été la dégradation de la note de la dette souveraine par Moody’s. Puis, l’adjudication de dette à 20 ans qui s’est mal passée courant mai. Les investisseurs ne sont plus prêts à prêter sans conditions et réclament une prime de rendement… À ceci s’ajoutent les pressions politiques sur la Fed de Donald Trump qui multiplie les critiques publiques envers Jerome Powell, faisant douter de l’indépendance monétaire. Il n’en faut pas plus pour que les intervenants vendent de la dette souveraine américaine et donc du dollar : la boucle est bouclée.
Quand la hausse des rendements ne soutient plus le dollar
Ainsi, paradoxalement, alors que la demande de « refuge » habituelle en Treasuries aurait dû faire baisser les taux, les rendements 10 ans sont montés (de ~4,16% à ~4,42%). Les flux de portefeuille se sont retirés du dollar pour se repositionner dans des actifs plus « déconnectés » de l’économie américaine (euros, yen, francs suisses, or). D’où une dépréciation simultanée de l’indice DXY alors que les taux longs progressent…
Par Gérald Grant, Fundesys
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