Elections américaines : une course serrée avec des implications potentiellement importantes (Ofi Invest AM)

La polarisation extrême de l'électorat américain rend la course à la présidence très serrée. La répartition du Congrès est également très importante, car de nombreux textes législatifs nécessitent un accord bipartisan pour être adoptés.
Parmi les nombreuses différences entre Donald Trump et Kamala Harris, trois axes principaux nous semblent particulièrement différenciants dans les programmes des deux candidats : les droits de douanes, les impôts et l’immigration.
Droits de douane et inflation
Les droits de douane représentent environ 2% des revenus de l’État et Donald Trump les considère comme une priorité, puisqu’il a déclaré vouloir remplacer les recettes issues de l’impôt sur le revenu par les droits de douane et vouloir imposer des droits de douane à 60% sur toutes les importations chinoises (actuellement un peu plus de la moitié des importations américaines en provenance de la Chine sont soumises à aucun droit de douane) et à 10% sur toutes les autres importations. Rappelons que le président des États-Unis peut imposer unilatéralement les droits de douane, sans besoin de l’approbation du Congrès. Les États-Unis sont une économie relativement fermée, seulement 10% de la consommation américaine reflète le coût des importations de biens finaux ou intermédiaires1. Sous l’hypothèse d’une mise en place complète des droits de douane annoncés, le droit de douane moyen sur les biens importés aux États-Unis, actuellement d’environ 2,5% (cf. graphique), pourrait augmenter à environ 16% et l’inflation américaine pourrait augmenter d’environ 1,4% (sous l’hypothèse que les entreprises répercutent entièrement les hausses de prix sur les consommateurs finaux et d’absence de représailles de la part des partenaires commerciaux). Au-delà de l’horizon sur lequel les hausses des droits de douane seront répercutées sur les prix finaux, l’effet inflationniste devrait se dissiper et se transformer en effet désinflationniste en raison de l’impact négatif sur la demande d’une hausse des prix.
Droit de douane moyen sur les biens importés aux États-Unis

1 Federal Reserve Bank of San Francisco, “How Much Do We Spend on Imports?”, 7 janvier 2019.
Droits de douane et croissance
À cet égard, les recherches mettent souvent l’accent sur l’inflation, mais l’effet baissier sur la croissance ne doit pas être négligé. Ce choc inflationniste aurait un impact baissier sur le PIB d’environ 1% via une baisse mécanique du pouvoir d’achat des ménages et donc de leur consommation (par rapport à un scénario sans augmentation des droits de douane), avec une répartition du coût inégale selon les classes de revenus. À ce canal s’ajouterait l’incertitude liée à une guerre commerciale, particulièrement défavorable à l’investissement des entreprises et qui a beaucoup pesé en 2018-2019 (cf. graphique). Ces deux canaux seraient seulement partiellement compensés par les revenus douaniers et la balance commerciale, ce qui aurait un effet net globalement baissier sur la croissance américaine.
Incertitude sur le commerce mondial

Géographie des importations américaines de biens
Quid du reste du monde ? Les États-Unis importent un peu plus de 500 Md$ de la zone Euro et un peu plus de 400 Md$ de Chine, soit respectivement 16-17% et 13-14% des importations américaines totales de biens (cf. graphique). En supposant une élasticité unitaire du commerce aux droits de douane2, les moindres importations américaines pourraient engendrer une baisse de l’activité économique d’environ 0,3% du PIB en zone Euro et 1,2% du PIB en Chine. Cet effet négatif ne serait que légèrement compensé par une hausse des exportations dans ces zones liée à une politique budgétaire américaine plus expansionniste.

2 Dans ce cas, une hausse de 10% des droits de douane engendre une baisse de 10% des importations. Les élasticités obtenues dans la littérature varient beaucoup. Cf. Boehm, Levchenko, Pandalai-Nayar, “The Long and Short Run of Trade Elasticities”, AEA Annual Meeting, January 3, 2021.
Impôts et politique budgétaire
Le programme de Donald Trump met en exergue le renouvellement des baisses des impôts pour les particuliers, actées en 2017 par le TCJA (« Tax Cuts and Jobs Act 2017 »), et la baisse des impôts pour les entreprises de 21% à 15%, tandis que Kamala Harris propose d'augmenter le taux d'imposition des sociétés de 21% à 28 % (improbable si le Congrès est divisé), de renouveler les réductions d'impôts pour les ménages gagnant moins de 400 000 $, un programme de crédits d'impôts et de nouveaux investissements.
Une analyse récente du Comité pour un Budget Fédéral Responsable (Committee for a Responsible Federal Budget) montre que, depuis 2001, la responsabilité de l’augmentation de la dette publique est équirépartie entre Républicains et Démocrates : les réductions d'impôts sont responsables d’une augmentation de 37 points de pourcentage de la dette dans le PIB, les dépenses discrétionnaires de 33 points de pourcentage et les mesures de réponse à la crise financière et à la Covid de 28 points de pourcentage. Quel que soit le président, la politique budgétaire devrait rester un soutien à la croissance. Toutefois, si la volonté de réduire les impôts peut être saluée positivement par les marchés, il faut souligner que la littérature montre que le multiplicateur fiscal d'une baisse des impôts sur les sociétés est parmi les plus faibles3.
3 “The Fiscal Multiplier and Economic Policy Analysis in the United States”, Working paper series, CBO, 2015 ; Chodorow-Reich, Zidar, Zwick (2024), “Lessons from the Biggest Business Tax Cut in US History”, Journal of Economic Perspectives.
Immigration et croissance
L’immigration est devenue un enjeu important pour les États-Unis. Les prévisions officielles du CBO (Congressional Budget Office) montrent que, dans tous les cas, l’immigration nette devrait diminuer aux États-Unis par rapport au pic atteint en 2023/2024 (cf. graphique). La mise en œuvre du programme complet de Donald Trump, à savoir une immigration humanitaire nette nulle, le retour à l'immigration légale de 2019 et la déportation de 1,3 million d’immigrants, pourrait faire baisser la population active (par rapport au scénario du CBO), donc la croissance de 0,3% par an sous le prochain mandat.

Au-delà de ces trois axes principaux, d’autres aspects pourraient impacter les marchés et les secteurs de manière très différente en fonction du résultat électoral. Par exemple, en matière d’énergie, le candidat républicain prône l’indépendance énergétique des États-Unis en augmentant la production nationale de pétrole et de gaz. Donald Trump pourrait financer une partie des réductions d'impôts en supprimant certains investissements et aides environnementales du plan IRA (Inflation Reduction Act) de Joe Biden, contrairement à une probable situation de continuité sous une présidence de Kamala Harris. Le sujet des géants de la tech n’est pas au premier plan de la campagne électorale. Néanmoins, si Kamala Harris travaillera probablement dans la continuité de la réglementation démarrée par Joe Biden, la position des républicains est moins claire. Toutefois, le colistier de Donald Trump a déclaré soutenir les mesures antitrust. Le débat est encore ouvert, mais le sujet des lois anticoncurrentielles pour encadrer les plus grosses entreprises reviendra sur la table de la prochaine administration.
En conclusion, une victoire de Donald Trump serait théoriquement plus favorable aux actions, notamment en raison des baisses d'impôts. À l'inverse, une victoire de Kamala Harris serait a priori moins inflationniste et donc moins pénalisante pour les obligations. Cela dit, un scénario à plein régime de Donald Trump à plus long terme pourrait s’avérer moins favorable aux actions et plus aux obligations en raison des freins à la croissance, du protectionnisme et d'une moindre immigration.
N’oublions pas, enfin, que le nouveau ou la nouvelle présidente américaine jouera toujours un rôle clé dans un équilibre géopolitique mondial d’ores et déjà instable.
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Par Ombretta Signori, Ofi Invest AM
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