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Epargne

Faut-il craindre les primes manifestement exagérées en assurance-vie ? Clémence Rytlewski, Associée gérante du cabinet Ambacia Patrimoine

5
May
2022

Longtemps il a été considéré comme une certitude en application stricte de l’article L132-12 du code des assurances que l’assurance-vie devait être traitée hors succession. Les souscripteurs assurés seraient donc libres de désigner qui bon leur semble sans que cela puisse être remis en cause.

Malgré l’existence de l’article L132-13 du code des assurances, qui dit que l’article précédent est valable dans un cadre qu’il reprécise « Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. » D’aucuns considèrent que la question des primes manifestement exagérées en assurance vie n'en est pas vraiment une, et qu’à moins d’être manifestement excessif il n’y a aucunement lieu de s’inquiéter.

Mais à l’heure où les contentieux relatifs à cette question se multiplient, il nous a paru intéressant de l’approfondir. En effet, la profession des conseillers en gestion de patrimoine à laquelle nous appartenons est connue pour être très favorable à la commercialisation de contrats d’épargne en assurance-vie et préconise très souvent cette enveloppe auprès de ses clients.

Nous avons donc souhaité forger notre propre opinion en analysant dix années d'arrêts de cours de cassation relatifs à cette question (2010-2020) afin de voir dans quels cadres la sanction était tombée.

Au total, nous avons étudié au total 60 dossiers de procédure dans le cadre desquels les plaignants ont poursuivi la procédure jusqu’en cours de cours de cassation, après l’avoir défendu au Tribunal de grande Instance et auprès de la Cour d’appel.

Sur 60 dossiers, la prime manifestement exagérée a été retenue pour 20 d’entre eux soit 30 %.

La plupart du temps, on peut considérer que dans les arrêts pour lesquels la prime manifestement exagérée n’a pas été retenue soit :

-      La charge de la preuve n’est pas apportée

-      La donation indirecte n’est pas démontrée

-      Les appelants ne sont pas héritiers réservataires et sont déboutés

-      Le souscripteur-assuré est jeune et en bonne santé

-      Les versements sont cohérents par rapport aux revenus.

En revanche, les principaux griefs relevés par les magistrats de la Cour de cassation dans le cadre de la prime manifestement exagérée concernent :

- Le montant des sommes versées au regard du patrimoine ou des revenus du souscripteur-assuré au moment du versement des primes

- L’utilité future des sommes versées sur le contrat d’assurance-vie

- L’âge du souscripteur ou son état de santé

Nous conseillons à nos clients de faire preuve d’une grande vigilance dans les cas suivants qui ont été relevés dans le cadre de ce travail de recherche :

- Volonté libérale d’affecter des sommes différentes aux membres d’une même fratrie

- Existence d’enfants du premier et du second lit

- Enfants du premier lit et second mariage et / ou vie maritale

- Volonté de gratifier une association en présence d’enfants réservataires

- Souscription d’assurance-vie simultanément à la réception d’aides sociales

En matière de conseils indispensables que nous pourrions donner à ses clients, nous pourrions choisir par ordre d’importance et en fonction des constats effectués à la lecture de la jurisprudence récente les motifs utilisés par la Cour de cassation.  Comme nous l’avons vu précédemment, celle-ci se base sur un faisceau d’indices.

- Justifier l’utilité du contrat d’assurance vie (pertinence de cette enveloppe)

- Éviter la souscription tardive ou en mauvaise santé d’un contrat d’assurance vie

- L’intérêt économique du contrat d’assurance vie

- La conservation de pièces justificatives qui permettent de préciser l’intention originelle du souscripteur assuré

- le recours à une  enveloppe fiscale autre que l’assurance vie

Nous pensons globalement qu’il ne faut pas avoir exagérément peur d’un risque de contentieux au motif que les primes versées sur un contrat d’assurance-vie seraient manifestement exagérées car les cas pour lesquels la prime manifestement exagérée a été reconnue par les juges de la cour suprême ne sont pas si nombreux. En revanche, il faut faire preuve de vigilance s’il existe un conflit au sein des héritiers réservataires du souscripteur-assuré ou si celui-ci souhaite désigner majoritairement un des enfants au détriment d’un autre ou une association au détriment de ses héritiers ou s’il a souscrit ce contrat tout en ayant bénéficié d’aides sociales.

Dans ces cas, les juges de la Cour de cassation prennent des décisions qui reviennent à modifier l’intention de départ du de cujus et le CGP ainsi que tous les acteurs professionnels concernés au moment de la souscription peuvent jouer un rôle positif pour prévenir de futurs contentieux judiciaires. Cela est particulièrement important pour les jeunes dirigeants personnes physiques qui sont amenés à souscrire des assurances-vie, fortune faite, à l’issue d’une cession d’entreprise et dont les ayants droits pourraient se manifester très longtemps après la mise en place des contrats.

A Paris, le 29 avril 2022

Clémence RYTLEWSKI,

Associée gérante du cabinet AMBACIA PATRIMOINE

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