Une indispensable consolidation


Une indispensable consolidation
Secteur en croissance, réglementation, numérisation des métiers... la gestion de l’épargne en France poursuit sa mue. Motivée notamment par la recherche de synergies, elle suscite désormais l’intérêt des grands fonds d’investissement.
Depuis des années, le secteur de la gestion de patrimoine est en ébullition. Si certaines opérations remontent à près de dix ans, d’autres sont plus récentes. Plusieurs facteurs sont à l’origine du mouvement. « L’entrée en vigueur de plusieurs réglementations comme MiFID II en 2018 ou, plus récemment, SFDR, a clairement été un élément d’accélération, explique Julien Séraqui, président de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine. Cette inflation réglementaire a eu un coût auquel les acteurs ont répondu par une logique de synergies. » Et c’est compter sans la numérisation des services et métiers qui compte aussi pour beaucoup dans la volonté de rapprochement des acteurs.
Verticaliser les savoir-faire pour horizontaliser le service clients
Autre accélérateur de particules, l’arrivée plus récente des fonds d’investissement sur le marché hexagonal. « L’intérêt des fonds de private equity (PE) pour le secteur tient aux fondamentaux de croissance et de résilience des sociétés de ce secteur, souligne David Salabi, fondateur de Cambon Partners. En France, les capitaux levés par les fonds de PE ont représenté 21 milliards d’euros en 2023 – contre 8 milliards en 2013 – et de plus en plus sont fléchés vers les services financiers, notamment vers les conseillers en gestion de patrimoine. Le taux de croissance annuel moyen des investissements sur le secteur est le plus élevé [22% par an de 2016 à 2022]. » Un intérêt qui, de par les flux de liquidités qu’il génère, rend la valorisation des acteurs du secteur d’autant plus attractive. « Ce mouvement de consolidation et la création de grands groupes de CGP répondent à un besoin de verticalisation des savoir-faire pour horizontaliser les services aux clients », résume Julien Séraqui.
Des rapprochements multiples
Un constat qui explique aussi la multiplicité des opérations de rapprochement. D’une façon générale, celles-ci tendent à se réaliser entre acteurs de même nature. C’est le cas pour les CGP, dont le secteur a récemment été animé par une fusion d’envergure entre le groupe Cyrus et la Maison Herez. « Les causes de la consolidation du secteur sont multiples, expliquent Meyer Azogui et Patrick Ganansia, coprésidents de Cyrus Herez. Cela tient au mille-feuille réglementaire qui a poussé les banques à se désengager du secteur, à l’intérêt des fonds d’investissement pour un marché de l’épargne en croissance chaque année, à l’industrialisation et la professionnalisation du secteur, mais aussi à sa numérisation et à l’élargissement de l’éventail de produits financiers. » Des conditions particulières qui, conjuguées au mouvement de consolidation, commandent aux acteurs d’être plus visibles et de renforcer leur expertise. « Le rapprochement entre nos groupes s’est réalisé sur la base d’une confiance réciproque et d’une complémentarité des synergies, commentent Meyer Azogui et Patrick Ganansia. Disposer en interne d’une expertise d’asset financier, immobilier ou sur les produits structurés, c’est aussi miser sur une diversification nécessaire à la création de valeur pour nos clients. » Autre combinaison, l’union entre deux sociétés de gestion. Pour celles-ci, la consolidation semble n’en être qu’au début. Contrairement aux CGP, « le mouvement est plus industriel et tient au fait que les petits acteurs sont aujourd’hui contraints de gagner en taille afin d’absorber les coûts réglementaires, mais aussi les pressions sur les marges et sur les prix, estime Christophe Tapia, directeur général de Sunny AM. Ceux qui ont aujourd’hui entre 200 et 300 millions d’euros d’encours vont inévitablement devoir trouver un partenaire. » Sa société a ainsi fusionné l’an dernier avec SPPI Finance pour renforcer son savoir-faire en gestion obligataire. « Cela nous a permis aussi de diversifier nos actifs avec la gestion privée et d’aborder une typologie de client différente. »
Une valeur ajoutée pour tous
Mais la consolidation du secteur peut aussi prendre d’autres formes. Comme celle d’un rapprochement entre un CGP et une société de gestion. Cela a, par exemple, été le cas l’an dernier entre Astoria Finance et Groupe Patriam, qui détenait la société de gestion Sapienta. « Nous étions l’un des derniers grands acteurs à ne pas l’avoir fait et cela répondait à une logique de valeur ajoutée pour nos clients et nos collaborateurs, détaille Malcolm Vincent, directeur général d’Astoria Finance. Etant donné que la valeur d’un CGP est d’aller chercher le meilleur fonds pour la meilleure allocation, nos conseillers doivent continuer à réaliser des allocations en architecture ouverte. » Une stratégie de croissance externe qui répond à la fois à un maillage territorial et à une exigence en matière de relation client. Au-delà, « il paraissait indispensable d’internaliser l’expertise d’un asset manager, poursuit Malcolm Vincent. Intégrer une société de gestion va nous permettre également de récupérer la gestion des PEA de nos clients ». Des intérêts stratégiques qui peuvent parfois donner lieu à des opérations de rapprochement d’un autre genre. « Nous projetons de renforcer nos expertises maison avec la création de notre société de gestion immobilière en partenariat avec le groupe BMF, relève ainsi Yann Pelard, directeur des opérations du Groupe Premium, en charge de l’activité CGP. En créant, à partir de 2021, une branche gestion de patrimoine, gestion de fortune et institutionnelle, ce dernier a cherché à diversifier son offre pour une clientèle plurielle. « Aujourd’hui, nous ne sommes ni un courtier, ni une société de gestion, ni un CGP, nous sommes un groupe de gestion de patrimoine. »
Chez Cambon Partners, David Salabi résume ces tendances : « Secteur de l’épargne en croissance, marché atomisé, récurrence des revenus assortie d’un très bon rapport rendement-risque dans le contexte actuel, ‘‘ESG compatible’’... Tous ces ingrédients expliquent l’intérêt grandissant des investisseurs pour la gestion de patrimoine en France. » Celui de protagonistes comme Blackstone ou Goldman Sachs laisse à penser que la consolidation est loin d’être achevée.
Par Gaël Vautrin
Numéro Spécial Gestion de Patrimoine 2024 - Challenges & Club Patrimoine - 25/09/2024
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