Stratégie IA : la Cour des comptes valide les progrès de la France mais alerte sur un suivi lacunaire

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Un bilan globalement positif pour la stratégie IA lancée en 2018

La Cour des comptes publie un rapport qui dresse un bilan largement positif de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle initiée en 2018 par Emmanuel Macron et Cédric Villani. Pierre Moscovici évoque une « dynamique réelle » et « de belles réussites », soulignant que la France, contrairement aux grandes ruptures technologiques passées, a su se positionner très tôt sur le terrain de l’IA. Le premier volet du plan, mené entre 2018 et 2022, a permis de structurer une politique publique dédiée à l’IA, de développer la recherche, de créer des pôles d’excellence et de déployer les premières infrastructures de calcul indispensables au développement d’un écosystème technologique performant.

Cette phase a également favorisé l’émergence des premières start-up françaises spécialisées dans l’IA, ce que confirme l’analyse de la Cour. Pour autant, l’institution pointe un suivi lacunaire des investissements, des moyens hétérogènes répartis entre une multitude d’acteurs et une mise en œuvre incomplète de certaines priorités essentielles, notamment l’accompagnement des entreprises et l’adaptation du marché du travail aux mutations induites par l’intelligence artificielle.

Une montée en puissance portée par la recherche et l’écosystème entrepreneurial

La France occupe désormais une position de premier plan au niveau international. Le pays se situe cinquième du Global AI Index et troisième en matière de recherche et de formation, ce qui traduit l’impact des investissements dans la recherche publique et la montée en puissance des instituts et laboratoires spécialisés. La tenue du Sommet pour l’action sur l’IA à Paris en février 2025 a consolidé cette visibilité internationale, montrant la volonté de la France de contribuer au débat diplomatique et géopolitique autour de l’IA.

L’écosystème entrepreneurial illustre également cette progression. Plus de mille start-up françaises sont actives dans l’IA en 2025, et les levées de fonds ont atteint près de deux milliards d’euros en 2024. La trajectoire ascendante de Mistral AI, première décacorne française et unique entreprise européenne positionnée sur les grands modèles de langage, renforce ce constat. Ce dynamisme témoigne de l’efficacité des investissements réalisés, même si la Cour souligne que ceux-ci demeurent inférieurs d’un tiers aux montants initialement annoncés pour la période 2023-2025.

Un déploiement freiné par un budget réduit et un démarrage trop lent

La deuxième phase de la stratégie, engagée à partir de 2023, a été directement percutée par l’essor de l’IA générative, qui a bouleversé les priorités et les besoins. La Cour note que le budget alloué, de 1,3 milliard d’euros, demeure inférieur aux engagements initiaux et que seulement 35 % des crédits avaient été consommés au 30 juin, en raison d’un déploiement trop lent de plusieurs dispositifs. Les auteurs du rapport estiment qu’il est encore trop tôt pour mesurer pleinement les effets de cette phase, mais ils rappellent que sa mise en œuvre a pâti d’une gouvernance trop complexe et d’un pilotage insuffisamment coordonné.

L’accompagnement au déploiement de l’IA dans les entreprises reste également en retrait. Les dispositifs destinés à soutenir la demande en solutions d’intelligence artificielle sont jugés trop limités, freinant la capacité de l’écosystème à s’appuyer sur des carnets de commandes solides. François Kruger, rapporteur du texte, regrette que l’État n’adopte pas encore un véritable réflexe de commande publique innovante et souligne que l’administration a parfois tendance à chercher à recréer des solutions déjà existantes plutôt que d’appuyer les acteurs privés français.

Des priorités encore insuffisamment prises en compte

La Cour des comptes souligne que plusieurs chantiers structurants n’ont pas été suffisamment traités. La formation et l’adaptation des compétences, tant à l’école qu’à l’université, restent en retrait des ambitions initiales. Les mutations de l’emploi liées à l’IA n’ont été abordées que partiellement, tout comme l’intégration de l’IA dans les services publics. Les enjeux de souveraineté des données, de production de composants électroniques, de sécurité ou encore de durabilité ne font pas encore l’objet de politiques suffisamment coordonnées.

L’institution insiste sur la nécessité d’un pilotage renforcé et d’une stratégie globale pour accompagner la troisième phase lancée en février 2025, centrée sur la diffusion de l’IA dans les entreprises. Elle appelle ainsi à la création d’un secrétariat général dédié, rattaché au Premier ministre, doté d’un budget propre et responsable de l’ensemble des décisions transversales en matière d’intelligence artificielle. Selon Pierre Moscovici, les premières réponses reçues par la Cour tendent vers une décision favorable dans ce sens.

Une France bien positionnée, mais confrontée à un impératif d’accélération

Malgré les lacunes relevées, la France apparaît « en tête du peloton européen » et capable de se comparer à ses concurrents internationaux, à l’exception des États-Unis et de la Chine. Les progrès réalisés depuis 2018 témoignent d’un mouvement déjà bien engagé. La Cour estime toutefois que l’effort doit impérativement se poursuivre pour éviter qu’un retard ne s’installe dans ce secteur décisif pour la compétitivité économique et la souveraineté technologique.

Pierre Moscovici conclut que la période budgétaire actuelle ne doit pas conduire à ralentir les investissements, mais au contraire à les orienter vers les technologies d’avenir. Selon lui, la réussite de la France dans l’IA dépendra de sa capacité à maintenir, coordonner et amplifier les efforts engagés depuis sept ans.

Sources : Challenges, Franceinfo

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