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Analyses de marchés

Perspectives des marchés obligataires internationaux. (J.P. Morgan AM)

25
Apr
2023

Thèmes et implications, par le Comité d’investissement trimestriel Obligations internationales, devises & matières premières

Synthèse

  • La récession demeure notre scénario central auquel nous attribuons une probabilité de 60 %. Dans ce scénario, les banques centrales affirment qu'elles lutteront énergiquement contre l'inflation. Nous avons abaissé la probabilité du scénario de Crise à 5 % et relevé celui de Croissance inférieure à la tendance à 35 %. Ces ajustements traduisent notre prise en compte de la résilience de l'économie mondiale.
  • Le resserrement monétaire le plus rapide depuis 1981 fragilise certaines composantes de l'économie, mais son impact plus large est atténué par la solidité financières des entreprises, le rattrapage de l'activité post-Covid, la réouverture de la Chine, et surtout l'épargne encore abondante résultant des mesures de relance excessives prises durant la pandémie.
  • L'économie est menacée par la redoutable spirale prix-salaires. Les marché sont intégré la poursuite du resserrement monétaire, mais jusqu'où la Réserve fédérale pourrait-elle aller ? Pour l'instant, nous anticipons des hausses de 25points de base pour atteindre 5,5 %. Cependant, des taux directeurs de 6 % ou plus ne sont pas à écarter mais feraient plonger les marchés d’actifs risqués.
  • Alors que nous nous dirigeons vers une contraction, notre meilleure idée consiste à renforcer les obligations de grande qualité sur la partie courte des courbes des taux, telles que les obligations d'entreprise investment grade de maturités courtes et les crédits titrisés. La dette émergente en devises locales et les titres adossés à des créances hypothécaires émis par des agences constituent également des segments d'opportunité.

Quel choc de taux ?

Notre Comité d’investissement trimestriel s'est tenu au mois de mars dernier à New York dans la foulée de l'intervention du président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, devant le Congrès. Alors que les marchés tentaient de comprendre la persistance des chiffres étonnamment solides sur l'emploi et d'une inflation durable malgré le resserrement agressif de la Fed, Jerome Powell a délivré un message clairement restrictif. Peut-être qu’il a été frustré (comme nous) par les rares signes témoignant d’un impact de son resserrement monétaire.Peut-être s'est-il impatienté de ne pas encore voir les effets longs et variables du resserrement monétaire. Cela étant, il a entre-ouvert la porte à une réaccélération des relèvements de taux de 50 points de base, perspective de nature à faire trembler le marché.

Le groupe a consacré beaucoup de temps à étudier les données économiques et de marché, en essayant de comprendre l'équilibre des risques. Nous constatons que, le resserrement le plus rapide des conditions monétaires depuis 1981, est entrain de fragiliser certains domaines, en particulier les composantes de l’économie sensibles aux niveaux des taux d'intérêt. Mais un taux de chômage très bas, la solidité des entreprises américaines, le récent retournement à la hausse de l'inflation et une épargne excédentaire toujours abondante nous ont amenés à nous poser la question suivante : les 450 points de base de relèvements de taux à ce jour constituaient-ils un choc suffisant pour faire reculer la croissance et l'inflation ? Si des hausses pour un total de 450 points de base en moins de 12 mois n’ont pas été suffisants, peut-être qu'un taux des fonds fédéraux supérieur à 6 % est désormais envisageable.

Environnement macroéconomique

Il apparaît clairement que la politique monétaire est en train de freiner les marchés immobiliers, de durcir les conditions de prêt et de ralentir les investissements des entreprises,en particulier dans les pays les plus endettés. Mais les marchés du travail résistent étonnamment bien jusque-là,même après prise en compte des décalages dans le temps.Apparemment, l'impact du resserrement a été amorti par l'excès d'épargne et le rattrapage post-pandémie en cours dans certains secteurs mais qui devrait s'estomper avec le temps.

La réouverture de la Chine et l’hiver clément qui touche à sa fin en Europe soutiennent également la croissance mondiale. La réouverture de la Chine permet d’augmenter la consommation mondiale, tandis que l'hiver doux en Europe a apporté aux consommateurs un surcroit de ressources à dépenser.

En fin de compte, pour les banques centrales, tout tourne autour de l'inflation. Ont-elles suffisamment avancé vers leur objectif de 2 % pour se permettre de faire une pause et de relâcher la pression sur les marchés ? Nous pensons que laclé réside dans le ralentissement des marchés du travail. Si la Fed parvient à ramener les hausses de salaires à 3,5 % - 4 %,l'inflation sous-jacente devrait finalement revenir vers 2,25 %. Mais les faibles niveaux de chômage laissent penser qu'il pourrait être très difficile de ralentir les hausses de salaires.Bien entendu, le moyen le plus simple de faire baisser les salaires est d'augmenter le chômage, mais cela accroît considérablement le risque de récession et d'atterrissage brutal. Pour l'instant, la Fed devrait relever ses taux par paliers de 25 points de base, jusqu'à atteindre 5,5 %.

Il a été difficile de comprendre pourquoi le cycle de resserrement le plus agressif depuis des décennies a eu apparemment peu d'impact sur la croissance et les pressions inflationnistes. Même si nous sommes conscients qu'il
faut plus d'un an pour que les changements de politique monétaire aient un réel impact sur l'économie réelle, nous nous attendions à ce stade à voir plus de signes tangibles d’un tel resserrement.

Nous en avons conclu que l'excès de relance monétaire et budgétaire durant la pandémie est toujours présent dans le système et amortit l'impact du resserrement monétaire initié par la Fed.

L'excès d'épargne semble être le cœur du problème. Nos données propriétaires de Chase montrent que les soldes des dépôts sont toujours supérieurs à leurs niveaux pré-Covid, même pour les personnes appartenant aux tranches de revenus les plus basses. Les entreprises américaine sont accumulé des financements à faible coût au cours des dernières années et se sont préparées à une éventuelle récession. L'examen des finances des États et des collectivités locales montre également que les liquidités de précaution sont proches de leur niveau record.

Apparemment, l'excès d'épargne compense la hausse de l'inflation et des coûts de financement. Il permet ainsi aux entreprises et aux ménages de continuer à dépenser. Un marché du travail tendu permet au consommateur de continuer à exiger des augmentations de salaire, ce qui entraîne et valide des niveaux de prix plus élevés. Il s’agit bien de la spirale prix-salaires que toutes les banques centrales tentent pourtant d'éviter.

Prévisions en termes de scénario

La récession demeure notre scénario central et sa probabilité est restée inchangée à 60 %. Les banques centrales sont désormais dans un mode de lutte résolue contre l'inflation. Les taux monteront aussi haut que nécessaire et déclencheront finalement l'ajustement douloureux que nous espérions tous éviter.

Nous avons réduit la probabilité de notre scénario de Crise(à 5 % contre 10 % auparavant) et augmenté celle d'une Croissance inférieure à la tendance (à 35 % contre 30 %auparavant) pour tenir compte de la résilience de l'économie mondiale. Un atterrissage en douceur, comme en 1995, est-il encore possible ? Cette éventualité parait ambitieuse.

Nous avons laissé inchangée la probabilité d’un scénario de Croissance supérieure à la tendance (à 0 %). Les banques centrales affirment en effet qu'elles seront impitoyables pour ramener l'inflation à leur objectif, même au détriment de l’activité économique.

Risques

Le principal risque qui pèse sur nos prévisions est le suivant :
si les banques centrales ne parviennent pas à faire baisser l'inflation de manière significative, elles pourraient s'impatienter de ne pas voir l'impact cumulatif et décalé de leur resserrement monétaire, et ainsi continuer à relever leurs taux bien au-delà des attentes du marché. Le temps qu'elles marquent une pause,les effets de leur politique se feront douloureusement ressentir et une récession d’ampleur s'en suivrait.

Alors que les marchés ont déjà intégré de nombreux relèvements de taux directeurs, si la Fed les faisait passer à 6 % ou plus et la BCE au-delà de 4 %, cela constituerait des chocs qui provoqueraient probablement une chute des prix des actifs. Cela nous paraît-il invraisemblable ? Des risques d'inflation à la hausse subsitent pourtant si la réouverture de la Chine continue de s'accélérer et/ou si la guerre entre la Russie et l'Ukraine génère un nouveau choc sur le coût de l'énergie et des produits agricoles.

Implications en matière de stratégie

L'achat d’obligations à taux fixe de grande qualité sur la partie courte des courbes est la principale idée qui est ressortie de notre réunion. Les bons du Trésor américain à deux ans,rapportant 5 %, et les contrats à terme sur les fédéraux, à5,625 %, anticipent de nouveaux resserrements d’ampleur et induisent un portage significatif pour les titres d’échéances courtes. L'ajout d’obligations d’entreprises investment grade et de crédits titrisés peut porter les rendements court terme à6-7 %. Ces niveaux rendent très improbable l ’obtention d’une performance négative sur le reste de l'année.

La dette émergente a également suscité beaucoup d'intérêt. Le resserrement agressif des banques centrales des pays émergents, qui a commencé début 2021, a été impressionnant et les rendements réels sont désormais très élevés sur ces marchés. En outre, un pic du dollar américain renforcerait l’attractivité de la dette émergente en devises locales.

Enfin, les titres adossés à des créances hypothécaires émis par des agences apparaissent bon marché. Après une année douloureuse liée à la convexité négative (notamment avec l'allongement de la duration), l’absence d’achats parles banques et la fin du soutien de la Fed, le marché semble épuisé. À l'aube d'une contraction, un emprunt d'État à rendement élevé pourrait constituer l’investissement idéal.

Conclusions

Entre les relèvements de taux de la Fed et la récession finale, l'économie traverse une période qui ressemble à un atterrissage en douceur, comme ce fut à chaque fois le cas dans le passé. Depuis 1981, le délai moyen entre le dernier relèvement de taux et la récession a été de 13 mois. Cela suggère qu'une pause de la Fed au deuxième trimestre 2023pourrait ne pas déclencher de récession avant le milieu de l'année 2024. Pendant cette période d'attente, le camp de l'atterrissage en douceur, celui de la récession et celui de l'atterrissage brutal peuvent tous prétendre avoir raison. De notre point de vue, la guerre de la Fed contre l'inflation signifie qu’une récession et un choc plus important sur les taux pointent à l’horizon. Nous veillons à ce que nos portefeuilles y soient préparés.

Probabilités des scénarios et implications en termes d’investissement : T2 2023

Chaque trimestre, les gérants de portefeuille principaux et les spécialistes sectoriels du pôle obligataire, matières premières et devises de J.P. Morgan se réunissent afin de formuler notre point de vue commun à l’égard de l’évolution à court terme(sur les trois à six prochains mois) des marchés obligataires.

Au cours d’échanges sur une journée, nous avons passé en revue l'environnement macroéconomique et les analyses sectorielles basées sur trois éléments clés de recherche :
les fondamentaux, les évaluations quantitatives et les facteurs techniques d'offre et de demande (FQT). Le tableau ci-dessous synthétise nos prévisions sur un éventail de scénarios possibles, notre évaluation de la probabilité de chacun d’entre eux et leurs implications macroéconomiques,financières et de marché.

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