Résultats des élections américaines 2024 : Large victoire de Donald Trump, en route pour un Red Sweep ?

Analyses de marchés
Rémy Gicquel
trump président 2024

Harris et Trump, deux visions pour une Amérique divisée

Hier, des millions d’Américains se sont rendus aux urnes pour élire leur 47e président et renouveler une grande partie de leur Congrès (un tiers du Sénat et l’intégralité de la Chambre des représentants). Dans une Amérique toujours plus polarisée, deux idéologies opposées se sont présentées aux électeurs.

D’un côté, Kamala Harris, vice-présidente et candidate démocrate héritière du mandat de Joe Biden. Considérée comme progressiste, elle défendait un programme axé sur une hausse des impôts pour les ménages les plus fortunés ainsi que pour les entreprises. Fervente défenseuse du droit à l’avortement, elle proposait plusieurs mesures sociales pour améliorer l’accès aux soins et renforcer les aides à la petite enfance.

De l’autre, Donald Trump, ancien président conservateur soutenu par le mouvement MAGA (Make America Great Again). Rescapé d’un attentat survenu en juillet dernier, le candidat, reconnu coupable de 34 chefs d'accusation criminels, propose un programme en ligne avec ceux de ses précédentes campagnes présidentielles : réduction des impôts, dérégulation accrue, contrôle renforcé de l’immigration et augmentation des tarifs douaniers. Climato-sceptique, il a promis de mettre fin au volet environnemental de l'IRA (Inflation Reduction Act), bien que cet acte bénéficie principalement aux États républicains.

Un seul point commun entre ces deux candidats : aucune volonté affichée de contrôler le déficit et la dette galopante des États-Unis.

Large victoire de Donald Trump, la course pour la Chambre des représentants reste indécise

Après un premier mandat suivi d’un échec à sa réélection, le peuple américain a choisi de donner une seconde chance à Donald Trump. Il devient ainsi le deuxième POTUS (President of the United States) à servir deux mandats non consécutifs, après Grover Cleveland (démocrate) à la fin du XIXe siècle. Clin d’œil de l’histoire, Cleveland a présidé les États-Unis durant le Gilded Age, une période marquée par une croissance économique rapide et une forte concentration des richesses aux mains des premiers magnats américains, tels que John D. Rockefeller, Andrew Carnegie, et Cornelius Vanderbilt.

Alors que les sondages annonçaient une élection serrée, Donald Trump a remporté une victoire confortable en termes de grands électeurs. Selon les estimations actuelles, il aurait sécurisé 312 grands électeurs, soit 42 de plus que le seuil nécessaire pour revendiquer la victoire. Les sept État-pivots (« Swing States ») ont largement penché en faveur de Trump, offrant un écart significatif que l'on n'avait pas vu depuis l'élection de 2012 entre Obama et Romney. Le vote populaire, initialement vu comme acquis pour Kamala Harris, semble également être remporté par Donald Trump avec 51% contre 47%, marquant ainsi une victoire claire pour le candidat républicain.

La situation est similaire au Sénat, qui a basculé rapidement en faveur des Républicains au cours de la soirée. Au moment de la rédaction de cet article, l'issue reste incertaine pour la Chambre des représentants. La majorité dans cette chambre est cruciale pour les marchés. Si elle demeure sous contrôle républicain, le Grand Old Party (GOP) contrôlera les trois branches du gouvernement, une situation rarement vue, observée seulement cinq fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

Réaction positive des marchés : les « Trump trades » en vogue

Bien que l'éventualité d'une victoire de Donald Trump ait déjà été partiellement anticipée par les marchés, l'effet Trump se renforce ce matin avec la perspective d'un "Red Sweep" (la victoire simultanée des Républicains à la présidence et au Congrès). Les contrats à terme sur le S&P 500, un indice majeur de la bourse américaine, affichent une hausse de 2 %. Parallèlement, ceux sur le Russell 2000, qui regroupe des petites et moyennes entreprises plus sensibles aux fluctuations de l'économie américaine, montrent une progression notable de 5 %. Le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans atteint un pic à 4,4 %. Parallèlement, le dollar s'apprécie de 1,3 % contre un panier de 16 devises et le Bitcoin atteint un niveau record à 75 000 dollars (+9%).

Ces mouvements de marché réagissent à l'anticipation d'une administration Trump potentiellement plus inflationniste, notamment due aux promesses répétées du candidat républicain de baisser les impôts tant pour les entreprises que pour les particuliers. Ces initiatives pourraient limiter la marge de manœuvre de la Réserve fédérale américaine (FED) pour réduire les taux d'intérêt.

Donald Trump a également promis de démanteler les aspects environnementaux de l'Inflation Reduction Act (IRA). En dépit de cette position, les actions de Tesla cotées à Francfort ont grimpé de plus de 14 % à l'ouverture ce mercredi. À la suite de son soutien affirmé à Donald Trump, Elon Musk est pressenti pour jouer un rôle déterminant dans la nouvelle administration. Il a même été évoqué pour des postes tels que « ministre de la réduction des dépenses » ou « Secretary of cost-cutting », un domaine où il excelle, comme en témoigne la réduction drastique de la masse salariale de Twitter de près de 80 % depuis son acquisition.

Le prix du pouvoir : comment l’argent façonne les élections américaines

Dans l'élection de 1896, Mark Hanna, le directeur de campagne de William McKinley, a prononcé cette phrase mémorable : « Il y a deux choses importantes en politique. La première, c'est l'argent, et je ne me souviens plus de la deuxième. »

Open Secrets, une organisation dédiée à la transparence du financement politique et des dépenses électorales, projette que près de 16 milliards de dollars ont été dépensés pour les élections américaines de 2024. Ces dépenses marquent une augmentation par rapport aux 14,5 milliards de dollars de 2020 et aux 6,5 milliards de dollars de 2016. Typiquement, 35 à 40 % de ces montants sont destinés à l'élection présidentielle, le reste étant consacré aux élections du Congrès. La répartition exacte de ces milliards reste difficile à préciser. On estime cependant que 60 % de ces fonds sont utilisés pour des publicités, le reste couvrant divers frais de campagne, tels que les salaires, les événements et les déplacements.

2020,record elections us

En comparaison, Emmanuel Macron a dépensé 16,7 … millions d’euros pour sa campagne de 2022. Collectivement, les dépenses des candidats à l’élection présidentielle française s’élevaient à 83 millions d’euros, soit une fraction de ce qui est dépensé aux États-Unis—175 fois moins.

Plusieurs facteurs contribuent à l'augmentation du coût des élections présidentielles américaines. Le principal semble être la révolution numérique et l'omniprésence accrue des réseaux sociaux depuis la pandémie. La facilité croissante des dons en ligne et l'explosion des inventaires publicitaires disponibles sur les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans cette augmentation.

Il est tout aussi complexe de déterminer la composition de ces levées de fonds historiques. Selon Open Secrets, 20 % des fonds proviendraient de petits dons (moins de 200 $), 40 % de grands dons (entre 200 $ et 3 300 $, la limite maximale), 30 % des PACs et Super PACs, 8 % des réserves des partis politiques, avec le reste provenant de dons anonymes.

Il existe deux types de PACs : les PACs traditionnels, qui peuvent contribuer directement aux campagnes des candidats et sont soumis à des limites de contributions, et les Super PACs, qui, bien qu'ils n'aient pas de limite de collecte, ne peuvent ni contribuer directement aux campagnes ni coordonner avec les candidats. Selon US News, le plus grand PAC a dépensé 172 millions de dollars pour soutenir le candidat républicain, tandis que le PAC soutenu par Elon Musk se classe troisième avec 133 millions de dollars.

Comme l'a noté Mark Henna, la course aux donations est essentielle pour les politiciens américains. Historiquement, il existe une corrélation élevée entre les dépenses et les victoires électorales aux États-Unis, avec plus de 90 % pour le Sénat et entre 75 à 85 % pour la Chambre des représentants.

Marchés financiers sous la nouvelle administration Trump: la gestion active sera primordiale

Les élections américaines de 2024 sont terminées, marquant le début de la période de transition de plus de deux mois, nécessaire à la certification des résultats et au vote des grands électeurs du Collège électoral. Comme le veut la tradition, Donald Trump prêtera serment lors de la cérémonie d’investiture du 20 janvier sur les marches du Capitole, siège du Congrès américain.

La période de campagne cède maintenant place à celle de la gouvernance. Quelle que soit la composition finale du Congrès, il est essentiel que le pouvoir exécutif et le législatif collaborent étroitement pour résoudre la question du déficit budgétaire, qui atteint 6,3 % et qui est incontrôlé depuis la pandémie de 2020. Pour l'année fiscale se terminant en septembre, les dépenses fédérales ont représenté 23,3 % du PIB, alors que les recettes n'ont été que de 17 %. Pour équilibrer le budget, il faudrait soit augmenter les impôts de 37 %, soit réduire les dépenses de 28 %, une prouesse qui n'a pas été réalisée depuis l'administration de Bill Clinton en 2001. La possible participation d'Elon Musk auprès de la nouvelle administration pourrait-elle être déterminante pour surmonter ce défi budgétaire ?

La solidité actuelle du dollar et des taux d’intérêt souverains à 4,4 % pour le bon du Trésor à 10 ans suggère une relative confiance des marchés financiers. Cependant, la hausse de l’or (+35 % YTD), en tant que valeur refuge et du Bitcoin (+70 % YTD) interroge. L’extrême concentration des contributions à la performance du S&P 500 reste également préoccupante, car ce phénomène est historiquement éphémère.

market cap

L'essor de la révolution digitale initiée aux États-Unis dans les années 90 devrait non seulement se maintenir mais s'accélérer avec les avancées en intelligence artificielle. Les systèmes éducatifs et financiers favorisant la prise de risque et l'innovation resteront en place après cette élection.

Bien que les bases soient solides pour que le marché américain conserve son leadership boursier, la normalisation de cette concentration pourrait complexifier la génération de performance. Plusieurs membres du club des « sept magnifiques » ne sont pas vraiment appréciés par une majorité des Républicains. Avec la perspective des trois branches du gouvernement dominées par les Républicains, une gestion active, assurée par des spécialistes des marchés mondiaux, sera cruciale pour continuer à générer de l’alpha sous la nouvelle administration de Donald Trump.

Par Rémy Gicquel, CFA

Sources :

https://www.theguardian.com/us-news/2024/nov/01/election-campaign-spending-breakdown

https://www.fec.gov/data/candidates/president/presidential-map/

https://www.opensecrets.org/news/2021/02/2020-cycle-cost-14p4-billion-doubling-16/

https://www.usnews.com/news/national-news/articles/2024-11-01/16-billion-will-be-spent-in-the-2024-election-wheres-it-all-going

https://www.usnews.com/news/elections/articles/2024-11-05/the-biggest-political-donors-of-the-2024-election

https://edition.cnn.com/2023/04/12/tech/elon-musk-bbc-interview-twitter-intl-hnk/index.html

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