“Trésor américain : comment ses choix façonnent les marchés” Eric Lafrenière, Sunny AM

Analyses de marchés
Podcast Eric Lafrenière Sunny AM, Club Patrimoine

Des marchés résilients malgré un shutdown historique

Alors que le shutdown américain entre dans son deuxième mois, menaçant de battre des records de durée, les marchés actions conservent leur dynamique positive. La semaine dernière, le S&P 500 a progressé de 0,7 % et le Nasdaq de 2,2 %, stimulés par l’enthousiasme autour de l’intelligence artificielle, la détente entre Washington et Pékin, et la baisse de 0,25 % des taux directeurs décidée par la Fed.

Cette semaine, les investisseurs surveilleront le rapport ADP sur l’emploi privé, attendu mercredi, ainsi que les débats de la Cour suprême sur la légalité des tarifs douaniers instaurés sous l’administration Trump. Parallèlement, la saison des résultats du troisième trimestre reste solide : près des deux tiers des sociétés du S&P 500 ont publié, avec plus de 80 % dépassant les attentes sur les bénéfices et le chiffre d’affaires.

Le rôle du Trésor américain dans la stabilité des marchés

Après plusieurs semaines dominées par la Réserve fédérale, l’attention se tourne vers le Trésor américain, dont la gestion de la dette influence directement les marchés. Alors que la Fed temporise sur une nouvelle baisse de taux, la structure des émissions du Trésor agit comme un assouplissement quantitatif indirect.

En privilégiant les bons du Trésor à court terme au détriment des obligations longues, le gouvernement favorise la baisse des rendements à dix ans, référence pour les crédits immobiliers. Cette stratégie allège les conditions financières sans intervention directe de la banque centrale.

Autre facteur clé : la demande croissante des stablecoins. Tether, par exemple, détient plus de 100 milliards de dollars en bons du Trésor. Ces achats massifs réduisent les rendements de 14 à 16 points de base selon les analystes. Si la part des T-bills atteint 27 % du marché d’ici 2028, les taux longs pourraient encore baisser de 10 à 20 points supplémentaires.

Mais la dette fédérale dépasse déjà 38 000 milliards de dollars, avec un déficit annuel proche qui pourrait atteindre 2 000 milliards sur la décennie. Cette dépendance croissante aux titres courts pourrait devenir problématique si les taux courts venaient à remonter rapidement.

Enfin, la Cour suprême doit se prononcer sur la légalité des tarifs douaniers de l’ère Trump. Une éventuelle annulation pourrait contraindre le Trésor à rembourser certaines entreprises, pesant sur la trésorerie fédérale et, par ricochet, sur les rendements obligataires.

La stratégie du Trésor, un levier invisible pour la politique monétaire

Le pilotage de la dette américaine agit aujourd’hui comme un instrument parallèle à la politique monétaire. En modifiant la maturité de ses émissions, le Trésor contribue à stabiliser les conditions financières et à soutenir les marchés sans modifier les taux directeurs.

Cette complémentarité avec la Fed souligne une tendance structurelle : la politique budgétaire devient un acteur central du financement de l’économie, notamment à travers la gestion fine de la courbe des taux.

Une explosion des investissements mondiaux dans l’intelligence artificielle

En 2024, les investissements privés dans l’intelligence artificielle ont atteint 252 milliards de dollars, soit une hausse de 45 % sur un an. Les géants américains – Microsoft, Amazon, Google et Meta – accélèrent leurs dépenses d’infrastructure pour 2025 et au-delà.

Longtemps financées sur fonds propres, ces dépenses reposent désormais sur un modèle mixte associant trésorerie interne, capital-risque, private equity et émissions obligataires. En 2025, Meta Platforms a levé 30 milliards de dollars en dette pour son centre de données IA, Oracle a émis 18 milliards pour son infrastructure cloud, et Alphabet prévoit 3,5 milliards d’euros d’obligations en Europe dans le cadre d’un programme d’investissement total de 91 à 93 milliards de dollars.

L’endettement, nouveau moteur du financement de l’innovation IA

Face à l’ampleur des projets, la dette devient un levier incontournable. Les entreprises combinent leurs flux de trésorerie avec des financements externes pour soutenir la croissance du secteur.
L’État joue aussi un rôle de dérisqueur via des partenariats publics-privés, soutenant la recherche fondamentale sans financer directement toutes les infrastructures.

Cette nouvelle architecture financière marque un tournant : la révolution IA repose désormais sur un modèle hybride où la capacité à lever des fonds, gérer l’endettement et attirer le capital privé devient aussi stratégique que la maîtrise technologique elle-même.

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