Investir au milieu d’une bulle (Edmond de Rothschild AM)

Analyses de marchés

La visibilité sur l’économie américaine est aujourd’hui particulièrement réduite. Nous n’avions, par le passé, jamais observé un tassement des créations d’emplois sans ralentissement concomitant de la croissance, ce qui soulève de nombreuses interrogations. Le shutdown le plus long de l’histoire a, de surcroît, interrompu la publication d’indicateurs clés, tout en générant une série d’effets techniques ponctuels, d’abord négatifs puis positifs, qui invitent à interpréter les prochaines statistiques avec davantage de prudence. Par ailleurs, si les tarifs douaniers ont eu des effets récessifs nettement moins marqués qu’anticipé, leur diffusion dans l’économie a été plus lente que prévu. Il convient donc d’attendre encore avant de se prononcer de manière définitive, d’autant que la Cour constitutionnelle pourrait prochainement décider d’annuler ces tarifs. En revanche, le relâchement budgétaire prévu pour l’an prochain demeure à l’ordre du jour, mais son ampleur reste incertaine. Au-delà du Big & Beautiful Bill, M. Trump évoque la possibilité de restituer aux ménages une partie des recettes douanières au moyen d’un chèque de 2 000 dollars, ce qui représenterait entre 1 % du PIB, si la mesure est réservée aux ménages gagnant moins de 100 000 dollars par an, et 2 % du PIB.

Malgré ce brouillard, l’environnement américain n’apparaît pas plus inquiétant que d’habitude. Ni les bilans des agents privés ni la dynamique des marges des entreprises ne signalent de risque de récession. Le principal danger réside plutôt dans un éventuel retournement des investissements massifs dans l’intelligence artificielle, dont les effets sur la croissance sont estimés à environ un point de PIB. Un tel retournement provoquerait sans doute un repli marqué des marchés actions, des effets richesse négatifs et une consommation plus faible.

Les analogies entre la flambée actuelle des valeurs liées à l’IA et la bulle internet sont nombreuses. Le rôle central du momentum, des valorisations excessives, une participation élevée des particuliers dans les flux boursiers et l’apparition de méga-deals circulaires entre OpenAI, Nvidia et Oracle, où le fournisseur prête à son client pour lui permettre de passer commande, rappellent la fin des années 1990, lorsque Cisco, Lucent et Nortel avaient prêté à leurs clients télécoms, conduisant à des infrastructures surdimensionnées. La question centrale demeure la capacité des acteurs américains à monétiser leurs investissements, dans un contexte de concurrence intense entre hyperscalers américains et face aux acteurs chinois. De nombreuses enquêtes auprès d’utilisateurs d’IA soulignent par ailleurs l’absence fréquente de résultats tangibles issus de ces investissements.

Deux obstacles supplémentaires émergent quant au développement de l’IA aux États-Unis. Le premier concerne une insuffisance de l’offre d’énergie face à une demande en forte hausse, entraînant une flambée des prix de l’électricité. Le second tient à l’apparition d’incidents dans la sphère du private credit, dont l’essor a été particulièrement rapide ces dernières années. Selon certaines projections, ce segment serait appelé à financer environ la moitié de la création des data centers d’ici 2030.

Aucun élément ne permet de prévoir quand cette bulle pourrait éclater. Certains indicateurs suggèrent même que les excès observés en 2000 n’ont pas encore été atteints. Si cette bulle a été alimentée par un excès de liquidités, l’annonce de la fin du quantitative tightening par la Réserve fédérale ne constitue pas en soi une menace immédiate. On notera toutefois que certains grands acteurs ayant accompagné la montée en puissance de l’IA, tels que SoftBank ou Macro LLC de Peter Thiel, ont récemment cédé des actions Nvidia.

L’investisseur de long terme est néanmoins averti du caractère hautement spéculatif de ce segment de marché. Dans ce contexte, une sous-pondération marquée des Magnificent 7 est maintenue. Les résultats du troisième trimestre des entreprises américaines montrent d’ailleurs une évolution notable : la croissance bénéficiaire n’est plus principalement tirée par les Magnificent 7, ce qui renforce l’intérêt d’une diversification des thématiques au-delà de l’intelligence artificielle.

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