L'argent : le métal stratégique qui défie l’or et les marchés

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Argent métal précieux, or et marchés

Des performances spectaculaires depuis le début de l’année

Porté par des fondamentaux solides et une dynamique industrielle sans précédent, le cours de l’argent a progressé de près de +30 % en euros et +46 % en dollars depuis le début de l’année. Moins réputé que l’or mais plus accessible, l’argent combine potentiel de performance et assurance d’un actif physique, à l’instar du métal jaune. Alors que l’or enregistre lui aussi des records historiques, l’argent attire une attention grandissante des investisseurs, séduits par sa double dimension d’actif refuge et de métal industriel.

Un actif accessible pour diversifier son patrimoine

Moins cher que l’or, l’argent permet d’entrer sur le marché avec des montants plus modestes. Il s’adresse aux investisseurs à la recherche d’une exposition tangible à la réindustrialisation mondiale et aux secteurs de pointe. Son rôle est complémentaire de l’or : ce dernier conserve sa fonction de valeur refuge, tandis que l’argent offre une volatilité plus élevée mais un potentiel de performance supérieur. Cette combinaison séduit notamment les investisseurs déjà exposés à l’or et désireux de diversifier leurs positions pour capter un rendement supplémentaire.

Des conditions favorables à la revente

Avec des cours élevés, la revente des produits en argent peut s’envisager avantageusement. La démarche est simple, sans délai ni procédure complexe, et peut se faire partiellement. Il est toutefois recommandé de comparer les offres, notamment au sein des réseaux physiques spécialisés, afin d’obtenir le meilleur prix. L’état du produit joue également un rôle clé : une pièce bien conservée, accompagnée d’une facture ou d’un certificat, sera mieux valorisée. La fiscalité est connue et stable, identique à celle de l’or : 11,5 % sur le montant de la vente ou régime des plus-values si le détenteur dispose des justificatifs. La décision de vendre dépend enfin de la situation personnelle : besoin de liquidités, projet d’achat ou volonté de transmission.

Une demande physique en forte accélération

Le marché mondial de l’argent traverse une phase critique marquée par une dislocation croissante entre le marché physique et le marché papier. Le 11 juillet 2025, pas moins de 483 millions d’onces ont été vendues à découvert en une seule heure sur le COMEX, soit environ 57 % de la production minière annuelle mondiale. Cette tentative spectaculaire de pression baissière destinée à freiner un mouvement haussier s’est retournée contre les vendeurs : les cours ont rebondi au-delà de 37,50 $ l’once, plaçant ces positions short dans le rouge et accentuant la tension sur le marché.

Des retraits massifs et des stocks en diminution

En parallèle, les retraits physiques se multiplient. Le 11 juillet, 616 339 onces ont été retirées de la catégorie « Eligible » sur le COMEX, dont 645 497 onces par JP Morgan Chase Bank NA. Le stock total (Registered + Eligible) s’établit désormais à 494,9 millions d’onces, poursuivant une tendance de fond d’érosion continue des inventaires disponibles. L’Open Interest a progressé de 8 636 contrats, soit l’équivalent de 43,18 millions d’onces, traduisant une intensification de l’activité spéculative et une pression croissante sur le marché à terme.

Hausse des primes et signaux de rareté

La prime EFP (Exchange for Physical), qui mesure le coût de conversion d’un contrat à terme COMEX en argent physique, est passée de quasi zéro à plus de 0,80 $ l’once en seulement 48 heures. Dans le même temps, le cours spot a bondi de plus de 2 $, franchissant les 38 $ l’once. Ce type de mouvement reflète une demande physique urgente : certains acheteurs sont désormais prêts à payer bien plus que le prix officiel pour obtenir du métal réel, immédiatement disponible. À Londres, les primes atteignent déjà +4,24 % au-dessus du spot, avec un prix de l’argent proche de 39,45 $ l’once.

Un déficit structurel qui s’aggrave

L’année 2025 constitue la cinquième année consécutive de déficit structurel sur le marché mondial de l’argent, et ce déséquilibre entre l’offre et la demande ne montre aucun signe d’épuisement. Les entrées dans les ETF ont dépassé 2 500 tonnes depuis février et les positions longues sur les contrats à terme ont augmenté de 163 % en six mois. La production minière, déjà insuffisante, ne parvient pas à suivre le rythme d’une demande industrielle en plein essor, notamment dans les secteurs des panneaux solaires, des circuits électroniques et des batteries. L’absence de nouveaux projets miniers d’envergure, combinée à des délais de développement pouvant atteindre 15 à 20 ans, limite fortement la capacité de réponse de l’offre. Les projections évoquent désormais un déficit supérieur à 117 millions d’onces en 2025, susceptible de se prolonger jusqu’en 2027 voire 2028.

Pressions géopolitiques et politiques minières

Cette tension intervient alors que les États-Unis durcissent leur politique de souveraineté minérale. Une taxe de 50 % sur les importations de cuivre a été instaurée pour retenir les métaux stratégiques sur le sol national, une mesure qui pourrait bientôt s’étendre à l’argent. L’ouverture de l’usine de recyclage de métaux Aurubis à Augusta illustre cette volonté de sécuriser l’approvisionnement en ressources critiques pour les infrastructures, l’intelligence artificielle, l’énergie et la défense. Washington agit sur plusieurs fronts – diplomatie, lois et incitations économiques – pour garantir un accès pérenne à ces matières. À l’échelle mondiale, la bataille pour le contrôle des flux miniers s’intensifie. La Chine, longtemps dominante en Afrique, voit son emprise fragilisée par l’instabilité politique, tandis que l’Europe reste en retrait stratégique.

Vers un possible short squeeze sur le COMEX

Les vendeurs à découvert restent fortement exposés. Sur le COMEX, les « commerciaux » – généralement des bullion banks ou des institutions bien capitalisées – détiennent à eux seuls l’équivalent de 12 000 tonnes d’argent shorté à nu, c’est-à-dire sans couverture physique. À cela s’ajoute une position vendeuse équivalente à environ 2 000 tonnes sur le SLV, principal ETF adossé à l’argent, soit près de 10 % de son flottant. Ce niveau de short interest est extrêmement élevé. Le coût d’emprunt des actions du SLV continue de grimper, signe d’un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande. Lorsque le coût d’emprunt d’un actif s’envole, c’est souvent le signal d’un marché sous tension, où les mouvements haussiers peuvent s’amplifier rapidement si un short squeeze se déclenche.

Les investisseurs surveillent de près le seuil technique des 37 $ l’once, devenu un support clé. Si les haussiers parviennent à maintenir les cours au-dessus de ce niveau et à neutraliser la pression vendeuse, le potentiel de short squeeze devient réel. La prochaine cible technique pourrait alors se situer bien au-delà des 40 $ l’once, certains analystes, comme Citigroup, anticipant même un objectif porté à 43 $ dans les 6 à 12 mois, voire 45 à 48 $ en cas de poursuite du rally.

Une double nature : actif refuge et métal industriel stratégique

Au-delà des dynamiques financières, l’argent possède une double nature qui en fait un actif stratégique unique. Métal refuge, il attire les investisseurs en période de tensions géopolitiques ou de volatilité boursière. Métal industriel, il est indispensable à la transition énergétique et aux technologies numériques : panneaux solaires, circuits électroniques, batteries, informatique et intelligence artificielle. Cette spécificité explique une volatilité plus marquée que celle de l’or, mais aussi un potentiel de performance élevé, soutenu par des tendances structurelles de long terme.

Perspectives pour les investisseurs

Dans ce contexte de déficit d’offre, de demande industrielle croissante et de tensions géopolitiques, l’argent apparaît comme un actif stratégique de plus en plus convoité. Les flux d’investissement vers les ETF, l’érosion des stocks physiques et l’appétit croissant de l’Asie confirment une dynamique haussière durable. Contrairement aux flambées passées, le cycle actuel semble plus résilient, soutenu par des flux d’investissement durables et un contexte macroéconomique favorable. Pour les investisseurs, l’argent offre une combinaison rare : potentiel de performance, diversification patrimoniale et exposition directe à la transition énergétique.

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