Le bitcoin dépasse les 100 000 dollars, quelle fiscalité en France ? (Christophe Tunica, Axesscible)

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Christophe Tunica
cryptos fiscalité

Au moment même où le Bitcoin a dépassé les 100 000 dollars jeudi 5 décembre 2024, nous pouvons dire que les cryptomonnaies ont connu et connaissent une croissance fulgurante, suscitant l’engouement des investisseurs particuliers et professionnels.

Cette popularité grandissante a bien sûr attiré l’attention des pouvoirs publics, entraînant ces dernières années un encadrement fiscal de plus en plus resserré. En France, la fiscalité applicable aux cryptomonnaies a en effet, depuis 2019, connu d’importantes évolutions, imposant aux investisseurs d’adopter une stratégie fiscale conforme et optimisée. Dans ce contexte, comprendre les obligations déclaratives, maîtriser les règles d’imposition et anticiper les évolutions législatives à venir est indispensable.

Ce présent article a donc pour objectif de :

• présenter à date le régime fiscal des cryptomonnaies en France, tel que fixé par le Code général des impôts (CGI).

• exposer les obligations déclaratives, afin d’éviter sanctions et pénalités.

• aborder les stratégies d’optimisation fiscale légales, conformes aux normes nationales et internationales.

• sensibiliser aux évolutions législatives probables, aux enjeux de conformité (notamment CRS, lutte contre le blanchiment) et aux impacts potentiels sur l’imposition des plus-values.

Le régime fiscal des cryptomonnaies en France

Imposition des plus-values de cession (activités non professionnelles)

Depuis le 1er janvier 2019, les plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession d’actifs numériques sont soumises au prélèvement forfaitaire unique (PFU), aussi appelé « flat tax ». Le taux global de 30 % comprend :

Impôt sur le revenu : 12,8 %

Prélèvements sociaux : 17,2 %

Lorsque le montant total des cessions est inférieur à 305 euros dans l’année, les plus-values réalisées par les particuliers sur cryptomonnaies sont exonérées d'impôt, conformément à l'article 150 VH bis du CGI. Au-delà, ces plus-values sont imposables, quelle que soit la fréquence des transactions, occasionnelles ou habituelles.

Point clé : cette imposition intervient uniquement lors de la conversion des cryptomonnaies en monnaies fiduciaires (euro, dollar, etc.). Les échanges entre actifs numériques (crypto-to-crypto) demeurent donc neutres fiscalement tant qu’aucune conversion en devise traditionnelle n’est réalisée. Cette règle offre une latitude dans la gestion de portefeuille, permettant de retarder l’imposition sur les plus-values latentes.

Imposition des revenus d’activité professionnelle (traders professionnels)

Pour les investisseurs dont l’activité de trading dépasse le simple cadre de la gestion patrimoniale et s’apparente à une activité professionnelle, les gains sont imposés au titre des bénéfices non commerciaux (BNC), conformément à l’article 92 du CGI et à l’article 70 de la loi de finances pour 2022 (en vigueur depuis le 1er janvier 2023). Le caractère professionnel s’apprécie en fonction de la fréquence, du volume des transactions, de l’organisation mise en place et des compétences mobilisées.

Pour information, ces plus-values étaient imposées au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) jusqu'en 2022.

La difficulté : activité professionnelle ou non professionnelle ?

Le BOFiP précise que les critères d'exercice habituel ou occasionnel de l'activité résultent de l'examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d'achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d'achat et de revente, le nombre d'actifs numériques vendus, les conditions de leur acquisition, etc.), mais avouons que les critères de distinction demeurent particulièrement flous…

Pour tenter d’y voir un peu plus clair, outre la multiplicité des opérations, on s’appuiera plus sur leur complexité, sur utilisation d’outils professionnels, ou encore sur la supériorité de la somme annuelle globale des plus-values provenant de l’activité de cession d’actifs numériques comparée aux autres revenus du foyer fiscal. Ce dernier critère étant, à notre sens, celui qui remet un peu plus d’objectivité au centre du jeu.

Obligations déclaratives

Déclaration des comptes d’actifs numériques à l’étranger

Les contribuables français doivent déclarer annuellement les comptes d’actifs numériques (wallets, comptes sur des plateformes d’échange) détenus, ouverts, utilisés ou clos à l’étranger (article 1649 bis C du CGI – déclaration N° 3916 - 3916 bis). Et en vertu de l’alinéa X de l'article 1736 du CGI, le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende de 750 € par compte non déclaré ou de 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Ces montants sont respectivement portés à 1 500 € et 250 € lorsque la valeur vénale des comptes d'actifs numériques établis à l'étranger est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l'année concernée. Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre du renforcement des contrôles fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale, en lien avec les standards internationaux (CRS, AML/KYC).

Déclaration des plus-values sur formulaire spécifique

Les plus-values de cession de cryptomonnaies doivent être déclarées sur le formulaire 2086, annexé à la déclaration de revenus. Une rigueur comptable certaine est recommandée, appuyée par l’utilisation d’outils de tracking et de reporting conformes aux standards internationaux (IFRS pour les sociétés, normes comptables françaises pour les particuliers et entreprises individuelles).

Optimisation fiscale : stratégies légales et conformité

Plusieurs stratégies permettent d’optimiser la fiscalité liée aux cryptomonnaies, dans le strict respect de la législation :

Utilisation du PFU (flat tax) à 30 % :

Pour l’heure, le PFU peut se révéler intéressant par rapport au barème progressif de l’impôt sur le revenu, particulièrement pour les contribuables dont la tranche marginale d’imposition est supérieure à ce même taux.

Conservation des actifs numériques :

Tant que les actifs ne sont pas convertis en devise traditionnelle, l’imposition demeure en suspens. Les investisseurs peuvent ainsi différer l’échéance fiscale, optimisant la croissance potentielle du portefeuille.

Optimisation par les échanges crypto-to-crypto :

Les opérations d’échange entre cryptomonnaies n’entraînent pas de taxation immédiate. Cette règle permet une gestion flexible du portefeuille, par exemple pour rééquilibrer ou diversifier ses positions sans générer d’imposition.

Risques, sanctions et contrôles fiscaux

Le non-respect des obligations fiscales peut engendrer des sanctions financières lourdes : outre les amendes pour omission de déclaration des comptes à l’étranger dont nous avons déjà parlé (cf. supra), des pénalités pour insuffisance ou omission de déclaration peuvent atteindre 80 % des sommes éludées en cas de fraude avérée. Ce contexte justifie une extrême vigilance, ainsi qu’une traçabilité rigoureuse de toutes les opérations effectuées.

Évolutions législatives et durcissement prévisible

Bien que l’« amendement Cazenave » n’ait pas été retenu dans le cadre des récentes discussions autour du projet de loi de finance pour l’année 2025, la volonté des pouvoirs publics est de sécuriser le recouvrement fiscal et de prévenir les fraudes. Il démontre une intention claire des autorités : intensifier les vérifications et mieux encadrer la fiscalité des crypto-actifs.

Conséquences : ces évolutions législatives potentielles rendent indispensable une veille fiscale continue. Les investisseurs doivent ainsi s’informer des mises à jour légales, des commentaires administratifs, ainsi que des positions doctrinales et jurisprudentielles, afin d’adapter leur stratégie d’optimisation et de conformité.

Conclusion et recommandations

Investir dans les cryptomonnaies offre un potentiel de gains (ou de perte) conséquent, mais implique de respecter un cadre fiscal de plus en plus contraint et exigeant. Les investisseurs français doivent :

• se conformer aux obligations déclaratives (comptes étrangers, plus-values) ;

• tirer parti des stratégies d’optimisation fiscale légales (utilisation du PFU, différé d’imposition, échanges crypto-to-crypto) ;

• surveiller les évolutions législatives, fiscales et réglementaires, en France comme à l’international (normes comptables IFRS, normes anti-blanchiment, accords internationaux d’échange électronique d’informations) ;

• solliciter des conseils spécialisés auprès de professionnels (du patrimoine, du chiffre, et du droit) pour sécuriser leur approche.

Note : Les informations présentées ici sont à jour à la date de la publication. Les lois, règlements et interprétations doctrinales étant susceptibles d’évoluer, il est recommandé de consulter régulièrement les sources officielles (Bulletin Officiel des Finances Publiques, JO, directives européennes) et de demander conseil à des experts pour une adaptation sur mesure de votre stratégie fiscale.

Par Christophe Tunica, Axesscible

Voir aussi : Chronologie du Bitcoin : les événements majeurs de 2015 à 2024

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