Gérer la transition logicielle (Franklin Templeton)
L'industrie du logiciel connaît actuellement une période de transition
L’industrie du logiciel connaît actuellement une période de transition, de nombreux fournisseurs étant confrontés à des défis à court terme liés aux contraintes macroéconomiques, à l’évolution des demandes des clients et à l’émergence rapide de nouvelles technologies comme l’IA générative. Si ces facteurs ont contribué à la volatilité du marché, il nous paraît important que les investisseurs à long terme gardent le sens de la mesure et se concentrent sur la proposition de valeur fondamentale que représentent les logiciels en termes de transformation des entreprises.
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Le ralentissement de l’économie affecte les dépenses des entreprises
Le ralentissement de l’économie, qu’il s'agisse au final d’un atterrissage en douceur marqué par une croissance lente ou d’une récession, a incité les clients professionnels (grandes entreprises) et, plus encore, les petites et moyennes entreprises (PME) à faire preuve de prudence dans leurs dépenses. Cette situation a pénalisé les valorisations des logiciels par rapport à l’indice S&P 500 (Illustration 1). Les éditeurs de logiciels destinés au marché des PME, qui avaient connu une certaine faiblesse en 2023, continuent d’observer une décélération des taux d’expansion nette des contrats clients. Il reste difficile d’avoir de la visibilité sur le creux de la demande des entreprises et, dans de nombreux cas, ce creux est repoussé au second semestre de cette année et au-delà.
Les PME sont un secteur plus cyclique
Les PME sont un secteur plus cyclique que les entreprises, les logiciels constituant souvent un achat plus discrétionnaire. Le durcissement des conditions de crédit dû à des taux d'intérêt durablement plus élevés affecte ainsi particulièrement les petites entreprises. Les clients se sont également désengagés après avoir excessivement consommé lors de la période du COVID-19 marquée par l’avènement du télétravail, tandis que le ralentissement de la croissance de la masse salariale a globalement nui aux vendeurs de logiciels hébergés dans le cloud. Pour cette cohorte, nous nous attendons à ce que le rebond soit reporté au quatrième trimestre ou en 2025 en raison des conditions macroéconomiques difficiles. La montée en gamme vers des clients plus importants nécessite de se concentrer sur les produits, de recruter des commerciaux et de bénéficier d’un leadership adéquat. Estimant que le segment des PME est très spécifique, nous porterons notre attention sur les entreprises qui offrent la meilleure exécution.
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Les modèles économiques destinés aux entreprises
Au niveau des logiciels d’entreprise, l’IA a distrait les principaux décideurs et détourné tant l’attention que les allocations aux budgets informatiques. Ces tendances ont divergé en fonction du modèle commercial de chaque fournisseur de logiciels, qu’il s'agisse de logiciels en tant que service (SaaS) basés sur le nombre d’utilisateurs ou de fournisseurs de logiciels hébergés (cloud) basés sur la consommation. Les contrats SaaS sont fondés sur des utilisateurs individuels associés à une licence et les recettes sont comptabilisées au prorata de la durée du contrat.
Les contrats SaaS d’entreprise ont souvent une durée de trois ans et les fournisseurs ont enregistré une baisse de leurs revenus lors du renouvellement des contrats en raison d’un nombre de sièges inférieur à celui d’il y a quelques années. Selon nous, ce facteur influe davantage sur l’évolution du cours des actions que ne l’intègre le marché à l’heure actuelle. Bien que les fournisseurs de SaaS vendent davantage de services à leurs clients, ces ventes croisées n’ont pas entièrement compensé les réductions significatives du nombre de sièges.
Un certain nombre de contrats ont été annulés à la fin du premier trimestre de cette année, y compris plusieurs grands projets pour les plus grands fournisseurs de SaaS. Or, des résultats plus dynamiques au quatrième trimestre 2023 avaient incité certains observateurs du secteur à extrapoler cette tendance pour 2024. L’enthousiasme suscité par les avantages de l’IA générative et la nécessité de rester à la hauteur de la concurrence ont conduit les entreprises à redéfinir leurs priorités en matière de budget informatique. Elles ont ainsi marqué une pause dans leurs dépenses en logiciels, qui s’est traduite par une dispersion des performances au sein du secteur informatique.
Les logiciels devancés par les semi-conducteurs dans l’explosion des dépenses en matière d’IA
Les entreprises basées sur la consommation, telles que les fournisseurs de solutions de cloud, comprennent un certain nombre de fournisseurs de bases de données et de logiciels d’analyse de données innovants. Les modèles de consommation comptabilisent les recettes en fonction de la quantité de ressources cloud consommées, généralement à terme échu. Lors du reflux de la demande qui a suivi la crise COVID, les fournisseurs de solutions de cloud ont permis à leurs clients d’ajuster leurs contrats à la baisse et ont donc déjà supporté une grande partie du préjudice lié au ralentissement macroéconomique et aux efforts d’optimisation.
La consommation de services hébergés dans le cloud nous semble être un meilleur indicateur de la santé de l’industrie du logiciel, car elle fournit des indicateurs d’activité en temps réel. Les bons résultats récents des fournisseurs de logiciels dématérialisés nous amènent donc à penser que les fondamentaux sous-jacents de l’ensemble du secteur ont été meilleurs que ne le suggèrent les dernières données des SaaS. Les propositions d’IA commencent tout juste à être déployées pour cette cohorte, ce qui entraîne une accélération des nouvelles réservations, une tendance positive en fin de compte pour la consommation à terme. Dans le même temps, pour compliquer encore un peu les choses, la plupart des fournisseurs de solutions de cloud ont établi des prévisions prudentes après avoir souffert pendant 18 mois de réductions de prix contractuelles.
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Les défis des fournisseurs de logiciels
Pour les fournisseurs de logiciels SaaS et cloud, l’importance croissante de l’IA intervient à un moment où l’expansion des contrats de logiciels marque le pas afin de refléter une croissance plus graduelle et normalisée de l’utilisation après la frénésie de dépenses induite par le COVID. Il s’agit à notre sens de facteurs transitoires, peu susceptibles de désintermédier les fournisseurs de SaaS. En fait, parmi les récents résultats décevants, un grand nombre sont imputables à des retards ou à des reports d’opérations, plutôt qu’à des pertes d’activité. Cela étant, la plupart des fournisseurs de SaaS ne savent toujours pas quand un rebond se produira et leurs prévisions pourraient encore être revues à la baisse avant de se stabiliser.
Dans le cas des fournisseurs de SaaS, après l’accélération des dépenses due à la pandémie, il nous semble que les réductions de sièges sur les renouvellements de contrats de trois ans constituent un autre facteur défavorable sous-estimé par les investisseurs pour les prestataires de services aux entreprises. Les effectifs des clients n’ont pas augmenté au rythme prévu par les producteurs de logiciels, à savoir entre 10 et 15 %. Les premiers grands contrats de la vague de digitalisation ont été signés après l’apparition du COVID, lorsque les conditions financières étaient nettement plus souples qu’aujourd'hui.
Pour les fournisseurs d’entreprises, les agissements de deux grands éditeurs de logiciels en particulier ont accentué l’effet d'éviction et de pause dans les dépenses. Un fournisseur allemand de programmes d’analyse de systèmes (SAP) organise une campagne d’abandon progressif des versions antérieures de son logiciel, ce qui impose des mises à niveau vers les versions les plus récentes, qui passent d’une licence perpétuelle et d’un modèle de maintenance à des frais d’abonnement récurrents nettement plus élevés (souvent deux à trois fois plus élevés que le modèle de maintenance). Un autre fournisseur fait de même, ou presque, avec un préavis assez court, pour la base installée de son activité de logiciels de gestion de cloud et de centres de données dont il a récemment fait l’acquisition, induisant une transition des contrats perpétuels vers des contrats d’abonnement SaaS, qui impliquent également des prix nettement supérieurs. Ces deux fournisseurs proposent des produits de grande valeur et nous pensons qu’ils exercent probablement un effet d’éviction provisoire sur le marché.
La transformation à long terme
L’industrie du logiciel repose sur le principe de l’utilisation de la technologie pour résoudre des problèmes d’entreprise complexes, automatiser des processus et stimuler l’innovation. Malgré les défis actuels, cette proposition de valeur fondamentale reste intacte, et les entreprises de tous les secteurs continuent d’investir dans des initiatives de transformation digitale pour rester compétitives dans un monde de plus en plus piloté par les données et automatisé.
L’IA générative, même si elle en est encore aux premiers stades des tests et du déploiement des cas d’utilisation, est à l’avant-garde de la transformation des entreprises. L’adoption de l’IA logicielle elle-même est confrontée à des obstacles intéressants, mais elle devrait se poursuivre, certes à un rythme initial plus lent que prévu. Maintenant que la première moitié de l’année est derrière nous, nous nous attendons à un retour de la saisonnalité habituelle des résultats des logiciels après de récentes réductions d’estimations plus importantes que prévu, ce qui ramène les logiciels à leur niveau le plus bas de ces vingt dernières années par rapport aux semi-conducteurs. La situation actuelle rappelle fortement l’effondrement du marché des logiciels au début de l’année 2016, qui a été suivi de fortes hausses par la suite. Cela peut prendre un certain temps, mais les données historiques suggèrent que c’est au niveau de la couche logicielle qu’aura lieu la plus grande création de valeur de l’IA.
Bien que la transition en cours dans le domaine des logiciels puisse malmener certains fournisseurs à court terme, il est important que les investisseurs à long terme gardent confiance dans le pouvoir de transformation des logiciels et dans les opportunités de croissance et de création de valeur qui existent dans ce secteur. En se concentrant sur les entreprises qui proposent des produits de qualité, occupent des positions concurrentielles sur le marché et ont prouvé leur capacité à mettre en œuvre leurs stratégies de croissance, les investisseurs peuvent se positionner de manière à bénéficier des tendances qui animent le secteur à long terme. Au final, l’industrie du logiciel reste un catalyseur essentiel de la transformation des entreprises et de l’innovation, et les entreprises qui sauront relever les défis actuels et en sortir renforcées seront bien placées pour apporter à leurs actionnaires une valeur significative dans les années à venir.
Conclusion
- En dépit des problématiques rencontrées à court terme par de nombreux éditeurs de logiciels sur le plan de la macroéconomie, des budgets affectés à l’informatique et des renouvellements de contrats, les perspectives séculaires du secteur restent encourageantes, les entreprises continuant d’investir dans la transformation digitale.
- Alors que l’apparition de l’IA générative suscite des débats et des incertitudes, nous pensons que les investisseurs à long terme devraient se concentrer sur la proposition de valeur fondamentale des logiciels comme moteur de l’efficacité et de l’innovation des entreprises.
- Les récentes observations des principales entreprises de logiciels SaaS et basés sur le cloud soulignent la résilience du secteur et le potentiel d’une croissance et d’une création de valeur continues.
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