Perspectives 2025 (Financière de la Cité)

Analyses de marchés

Le temps est un enfant qui joue en avançant des pions, disait un penseur de l’Antiquité. Le retour de politiques impériales a rendu le monde plus incertain et moins sûr. Cependant, au-delà des aléas du moment, l’analyse permet de dégager des tendances à moyen terme qui semblent être suffisamment lourdes pour se maintenir durablement et fournir un cadre cohérent pour la mise en œuvre des politiques de placement.

La croissance américaine devrait rester soutenue

Contrairement à la plupart des anticipations qui prévalaient en début d’année 2024, il n’y a pas eu véritablement d’atterrissage (« landing ») de l’économie américaine. Au contraire, la croissance a été révisée à la hausse et la situation du marché de l’emploi s’est avérée meilleure que prévu. Par ailleurs, contre toute attente, la productivité américaine, qui était en baisse durant les années 2010, s’est nettement améliorée compte tenu des investissements technologiques réalisés au cours de la période du Covid-19 et de la diffusion de l’intelligence artificielle dans de nombreux secteurs d’activité.

La Réserve fédérale s’est adaptée à ce nouvel environnement en atténuant son discours sur les futures baisses de taux et cela sans inquiéter les marchés. La politique monétaire a donc accompagné les mutations économiques sans contraindre la demande interne. Cette cohérence de la politique monétaire avec les objectifs macro-économiques demeure l’un des piliers de la solidité et de la visibilité de la croissance américaine par rapport à celle de la zone euro en particulier.

L’incertitude demeure toutefois à court terme sur les orientations économiques fondamentales du second mandat du président Trump : les mesures iront elles dans le sens du soutien à l’activité comme lors du premier mandat en 2016, ou vers la recherche d’économies à travers la réduction des interventions de l’Etat fédéral ? Reflation ou déflation ?

Les premières orientations économiques de la nouvelle présidence (programme « DOGE » de contraction des administrations fédérales mené par le milliardaire E. Musk, mise en place de tarifs douaniers contre les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, dérégulation, relance des forages pétroliers) laissent à penser que le second mandat de Trump pourrait être beaucoup moins « reflateur » que le premier. Les principales mesures de soutien à l’économie porteront sur le prolongement des réductions d’impôts aux entreprises, qui ont un effet multiplicateur limité. Il y aura aussi des mesures symboliques en faveur des classes modestes (exonération des pourboires, etc.) mais l’effet multiplicateur sur la demande de ces dispositions devrait être compensé par la hausse des tarifs douaniers.

On ne peut pas avoir à la fois une politique déflationniste, la hausse des taux et un dollar fort. Il faut choisir. Notre hypothèse est donc que le second mandat de Trump sera moins inflationniste qu’anticipé. L’inspiration « autrichienne » de la politique économique devrait plutôt tirer à la hausse les marchés d’actions. L'évolution du dollar va dépendre fortement de l’orientation de la politique de tarifs. En effet, si la mise en œuvre de freins au commerce mondial avait tendance à soutenir le dollar (l’économie américaine étant moins dépendante que le reste du monde au cycle manufacturier), en revanche, l’application de tarifs mesurés et proportionnés devrait affaiblir le billet vert.  Les taux longs, pour leur part, devraient refluer compte tenu de la poursuite de la baisse de l’inflation.

L’Europe pourrait bénéficier de la baisse de l’inflation et d’une amélioration de l’environnement extérieur

Après trois ans de guerre en Ukraine, le retour d’une instabilité politique au cœur du continent, la perspective d’un repli des Etats-Unis, l’année 2025 s’ouvre sous de sombres auspices pour les Européens.

L’Europe demeure d’abord pénalisée par la remontée des taux d’intérêt qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine. La hausse des taux a freiné l’inflation par la contraction de la demande interne, consommation et investissement. L’efficacité de la politique monétaire a été sous-estimée par la BCE, comme l’a reconnu P. Lane, son économiste en chef.  Les politiques de taux élevés ont pesé sur les recettes fiscales et affecté le potentiel économique du continent. Seules l’Italie et l’Espagne conservent, parmi les grandes économies, des taux de croissance significatifs, imputables aux effets du plan de résilience européen lancé à la suite de la crise du Covid-19.

L’incertitude politique en France et en Allemagne rend peu probable la mise en œuvre de mesures macro-économiques favorables à la croissance. En outre, au-delà des alternances électorales, les politiques « ordo-libérales » fondées sur la contraction de la demande interne et le soutien à « l’offre » constituent le fond de la pensée économique dominante à Paris comme à Berlin. Le retour d’une « Europe – CDU » avec l’accession au pouvoir d’une coalition dirigée par M. Merz, renforcerait encore cette orientation.  Avec une demande interne faible, une industrie directement frappée par le surinvestissement chinois, une politique monétaire restrictive, des politiques de contraction budgétaire, la zone euro semble donc promise à la stagnation avec une reprise du chômage.

Cependant, la baisse de l’inflation, plus rapide qu’anticipée, devrait entraîner une meilleure tenue de la consommation. L’Europe et la France en particulier pourrait ainsi enregistrer une croissance plus forte qu’anticipée au cours de l’année 2025. La baisse du pétrole qui résulterait d’un éventuel accord américano-saoudien et l’assouplissement de la politique monétaire chinoise pourraient également favoriser un rebond de l’activité. Le desserrement des conditions financières devrait également contribuer à ce nouvel environnement.

L’effet de la politique de tarifs de l’administration Trump pourrait également être moindre que prévu, la hausse des droits de douane étant compensée par la relance du commerce transatlantique dans d’autres secteurs d’activité, les industries de défense notamment.  

Dans ce contexte, les marchés d’actions européens resteront fortement tributaires de la demande externe et en particulier de celle de la Chine dont ils semblent être devenus l’oscillomètre. Les valeurs de la défense (qui ont été délaissées à la suite des mesures d’économies budgétaires) pourraient en revanche être favorisées par rapport à la période récente. Les taux longs devraient demeurer orientés à la baisse, reflétant la faiblesse de l’activité, la décrue de l’inflation et la détente de la politique monétaire. Les marchés de la dette privée seront sous la pression du refinancement d’émissions contractées en période de taux bas.

La nouvelle orientation de la politique monétaire pourrait freiner la contraction de l’économie chinoise

Le pari du président Xi au moment de son accession au pouvoir de battre l’économie américaine (plan « China 2025 ») est sur le point d’être manqué. Il est très peu probable que la Chine rattrape les Etats-Unis au cours des prochaines années ; au contraire, l’économie chinoise devrait poursuivre sa décélération sous l’effet de facteurs structurels de long terme, accentués par les choix macro-économiques du pouvoir en place.

La croissance chinoise a été portée par un surinvestissement massif dans l’immobilier et des infrastructures dont la Chine n’avait pas toujours besoin et qui ont été financés par un endettement massif des gouvernements locaux. Les réformes qui auraient pu être prises afin de rééquilibrer la croissance en faveur de la consommation interne ont été écartées par Xi afin de renforcer l’emprise du parti communiste sur la société. Plutôt que de mener une politique de relance interne, Xi a préféré accentuer l’investissement, les batteries et les véhicules électriques jouant le rôle de l’immobilier dans les années 2000. Malgré les revers de cette stratégie, Xi demeure persuadé que l’Ouest est en déclin et que le modèle occidental « d’Etat providence » (welfare state) n’est pas adapté à la Chine. Partant jusqu’ici, les plans de « relance » dernièrement présentés au marché, qui visaient essentiellement l’offre, ont eu peu d’effet sur l’économie.

Dans ce contexte, l'ouverture d'une période de durcissement des relations commerciales avec les Etats-Unis constitue un nouveau défi, alors que l’économie demeure essentiellement fondée sur des recettes d’exportations et reste fortement dépendante des Etats-Unis pour son approvisionnement en technologies de pointe (robots, avionique, équipements médicaux, machines-outils). La perspective d’une spirale déflationniste, encouragée par la contraction de la population (que Xi n’est pas parvenu à endiguer), devient ainsi de plus en plus probable. La chute récente du Yuan et l’accélération de la baisse des taux d’intérêt, qui sont pour la première fois de leur histoire, passés en dessous des taux d’intérêt japonais, semblent confirmer cette analyse.

Cette situation pourrait cependant conduire à une réaction plus forte des autorités chinoises en vue de favoriser un rebond interne. Dans ce contexte, l’orientation récente de la Banque centrale de Chine vers une politique monétaire analogue à celle de la Fed ou de la BCE, donnant la priorité au taux directeur au détriment d’objectifs quantitatifs de crédit (qui ont occasionné des surcapacités dans de nombreux secteurs), constitue un tournant. L’assouplissement de la politique monétaire chinoise pourrait ainsi freiner la tendance déflationniste et relancer la consommation, au bénéfice des entreprises européennes exportatrices.

Les difficultés de financement de l’économie de guerre vont conduire la Russie à de nouveaux choix

Après deux ans de croissance relativement soutenue, entretenue par les dépenses militaires, l’économie russe est en train de perdre sur le terrain économique l’avance qu’elle gagne en Ukraine. Les recettes pétrolières ne suffisent plus à financer l’effort de guerre, la banque centrale a augmenté ses taux à 21% pour juguler l’inflation qui est de 30% par an, le complexe militaro-industriel cannibalise toutes les ressources de l’économie, les réserves de change s’épuisent rapidement, le rouble s’effondre, aucune économie, pas même la Chine, ne souhaite prêter à la Russie de Poutine. La radiation de Gazprom bank du système Swift en fin d’année dernière, alors que les banques russes spécialisées dans le commerce du gaz étaient toujours admises à opérer, affecte également directement le financement de l’économie.

Dans ce contexte, contrairement aux premières impressions qu’ont laissées les interventions de proches du président Trump, l’administration américaine pourrait accentuer la pression sur la Russie. Les conditions du retrait américain d’Afghanistan ont joué défavorablement sur la perception de la politique étrangère du président Biden. En outre, dans la conception des nouveaux responsables de la politique de défense américaine, la stratégie d’endiguement « containment » de la Chine se joue également en Ukraine.

Comme celle de Reagan dans les années 1980, la stratégie des Etats-Unis pourrait ainsi consister à épuiser les capacités de financement de l’économie de guerre russe. Le principal instrument de cette stratégie, au-delà du durcissement des sanctions, serait le prix du pétrole. Depuis le déclenchement de la guerre, l’Arabie saoudite est devenue victime de la stratégie de prix suivie dans le cadre de l’OPEP +, qui lui fait perdre des parts de marché importantes alors que le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane recherche davantage de ressources pour financer ses projets d’infrastructure (Neom, etc.). Si l’Amérique et l’Arabie saoudite s’accordaient sur un partenariat stratégique tel que celui qui était envisagé avant l’arrivée du président Biden au pouvoir, la perspective d’un prix du baril compris entre 40$ et 50$ (soit le niveau qu’il avait au moment de l’écroulement de l’Union soviétique) n’est pas à exclure.

L’impasse dans laquelle se trouverait l’économie de guerre russe pourrait se traduire alors par l’ouverture de négociations aboutissant à la perte d’une partie du territoire ukrainien.

Cependant, compte tenu du profil psychologique du dirigeant russe et de son entourage, la perspective d’une fuite en avant dans de nouvelles opérations militaires vers l’Ouest, analogue à celle de l’offensive Ludendorff de 1918 n’est pas à exclure. En 1918, l’attaque allemande s’était effondrée par manque d’hommes, d’approvisionnement et de matériel. La capacité de la Russie à user d’armes de destruction massive sur le champ de bataille et la lenteur du réarmement à l’Ouest changent néanmoins la donne. L’Ukraine serait alors notre guerre d’Espagne. 2025 apparaît ainsi comme une année charnière pour l’équilibre du monde.

Lire aussi :

Macro : les éléments qui ont marqué 2024 et ceux qui devraient marquer 2025

Bilan de l’année 2024 sur les marchés financiers

Les thèmes d'investissement pour 2025

Découvrez d'autres contenus du même partenaire

Contributeurs

À découvrir
Graph du jour

Chaque jour, nous sélectionnons pour vous, professionnels de la gestion d'actifs, une actualité chiffrée précieuse à vos analyses de marchés. Statistiques, études, infographies dans divers domaines : épargne, immobilier, économie, finances, etc. Ne manquez pas l'info visuelle quotidienne !

Voir tous nos graphs
Agenda

Ne loupez aucun événement de nos partenaires : webinars, roadshow, formations, etc. en vous inscrivant en ligne.

Voir notre agenda
Les fonds de nos partenaires