Suspension de MaPrimeRénov’ : un coup d’arrêt brutal à la rénovation énergétique

Une suspension annoncée dès juillet 2025, pour une durée indéterminée
Le gouvernement a décidé de suspendre MaPrimeRénov’ à partir de juillet 2025, jusqu'à la fin de l’année au minimum. Cette décision, motivée par des contraintes budgétaires sévères, marque un tournant abrupt dans la politique de soutien à la rénovation énergétique des logements. Les crédits alloués pour l’année 2025 sont quasiment entièrement consommés, mettant de facto fin à la possibilité d’engager de nouveaux travaux avec l’aide de l’État¹.
MaPrimeRénov’ constituait pourtant l’un des piliers de l'effort de transition énergétique en France, permettant à des milliers de ménages de financer des travaux de performance énergétique. La suspension n’impactera pas les dossiers déjà validés, qui devraient être honorés, bien que certains retards soient attendus. En revanche, aucune nouvelle demande ne sera acceptée d’ici 2026.
Une baisse continue des financements publics
Ce gel est l’aboutissement d’une tendance déjà amorcée en 2024. Le montant alloué à MaPrimeRénov’ avait été drastiquement réduit l’année précédente, passant de 4,5 milliards à 2,3 milliards d’euros¹. En 2025, ce sont à nouveau « seulement » 2,3 milliards d’euros qui ont été remis au pot par l’État. Cette enveloppe, bien que substantielle, a été intégralement mobilisée dès le mois de juin pour financer des chantiers en cours, en particulier ceux combinant plusieurs gestes de rénovation, qui peuvent faire grimper les aides jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros par dossier¹.
Les professionnels du secteur expriment leur surprise quant à la soudaineté de la mesure. Plusieurs s’attendaient à un rééquilibrage progressif du financement via les Certificats d’économie d’énergie (CEE) avant tout gel éventuel. Cette décision précipitée soulève de nombreuses interrogations sur la stratégie budgétaire de l’État et sur sa capacité à soutenir durablement la transition énergétique.
Une crise de trésorerie généralisée dans le bâtiment
La suspension de MaPrimeRénov’ intervient alors que les entreprises du bâtiment subissent déjà de lourdes difficultés financières. Les délais de versement des subventions, souvent bien supérieurs aux 35 jours annoncés, ont mis en péril de nombreuses structures. À titre d’exemple, la société Femat, fondée en 2011 à Lyon, a été placée en redressement judiciaire, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) lui devant 3,2 millions d’euros³.
Le cas de Home Expert Habitat illustre également l’ampleur des retards. L’entreprise a déclaré être proche de la faillite en raison d’un impayé de plus de 800 000 euros. En mai 2025, ses dirigeants ont manifesté devant le siège de l’Anah à Paris, dénonçant des délais de traitement et de paiement intenables. Au total, au moins une dizaine d'entreprises s’apprêtent à engager une procédure en responsabilité contre l’Agence, dans l’espoir d’obtenir réparation³.
Des délais de traitement dénoncés par tous les acteurs
Officiellement, l’Anah indique que les dossiers sont traités en 105 jours en moyenne et que les paiements sont effectués sous 35 jours. Mais selon plusieurs acteurs de terrain, ces chiffres ne reflètent pas la réalité. Camille Thomas, présidente d’Assistant Rénov’, explique que les délais peuvent en réalité atteindre entre six et neuf mois. Sa structure a accompagné près de 3000 ménages depuis 2023 et constate une paralysie croissante du système³.
La société Ithaque, spécialisée dans l’accompagnement des ménages dans leurs démarches administratives, confirme ce constat. Depuis le 1er décembre 2024, moins de la moitié des dossiers déposés pour les ménages intermédiaires ont reçu une notification d’octroi, avec un délai moyen de 101 jours. Pour les foyers modestes, seuls 11 % des dossiers ont reçu une réponse après environ 97 jours. Pire encore : sur 33 dossiers finalisés et ayant fait l’objet d’une demande de solde, aucun paiement n’a été versé depuis le début de l’année 2024³.
Une réaction en chaîne : retrait des entreprises et licenciements
Face à cette situation, les conséquences s’étendent désormais au-delà du simple retard administratif. Selon les chiffres d’Hello Watt, entre janvier et mai 2025, seuls 35 % des dossiers déposés ont été agréés, tandis que 23 % sont en attente de compléments, et 41 % restent sans aucune réponse de l’Anah³. Ce manque de visibilité pousse 30 % des entreprises du bâtiment à refuser les chantiers liés à MaPrimeRénov’ par peur de ne jamais être payées.
Certaines envisagent même des licenciements, ou un retrait pur et simple du secteur de la rénovation énergétique. Une dynamique qui va à l’encontre des objectifs de relance de l’activité dans le bâtiment, particulièrement affectée par le ralentissement du marché du logement depuis deux ans.
Une gestion critiquée de la part de l’Anah
L’Anah, en charge de la gestion du dispositif, se défend. Elle affirme avoir multiplié les contrôles afin d’éviter les fraudes, précisant avoir ainsi empêché 230 millions d’euros de versements indus. Elle reconnaît néanmoins que de nombreux dossiers sont déposés de manière incomplète, ce qui rallonge les délais de traitement. Dans 98 % des recours, la justice aurait donné raison à l’Agence³.
Cette position ne satisfait pas les professionnels, qui pointent un manque d’anticipation et d’adaptation du dispositif. Jean-Régis de Vauplane, porte-parole d’Ithaque, estime que l’intention de lutter contre la fraude est compréhensible, mais que les retards observés pourraient être largement réduits. La lenteur du traitement s’explique aussi par l’adoption tardive de la loi de finances 2025, qui a empêché l’Anah d’engager rapidement ses crédits.
Une année 2024 déjà en demi-teinte
Les difficultés de 2025 sont aussi le prolongement d’une année 2024 en demi-teinte. Le nombre de rénovations énergétiques ouvrant droit à MaPrimeRénov’ avait déjà fortement chuté l’année dernière, en raison de critères d’éligibilité durcis, sur lesquels le gouvernement avait rapidement dû revenir.
Le gel du dispositif pourrait ainsi aggraver une situation déjà fragile. Il prive les particuliers d’un levier de financement crucial, et met à mal un écosystème économique qui repose sur la continuité des aides publiques. Alors même que la transition énergétique est érigée en priorité nationale, l’interruption de MaPrimeRénov’ risque de ralentir significativement les rénovations à haute performance énergétique².
Un recentrage sur la lutte contre la fraude, au détriment de la dynamique
Le cabinet de la ministre du Logement, Valérie Létard, justifie la réorientation actuelle par une volonté de mieux contrôler les fraudes. « C’est notre priorité », affirme un proche, tout en espérant que cela permettra de réduire les délais d’instruction. Pourtant, les effets concrets sur le terrain semblent contre-productifs. Plutôt que d'accélérer les traitements, les contrôles renforcés alourdissent le processus, bloquent les versements et génèrent une défiance croissante entre l'État et les entreprises du secteur¹.
Sources :
1. Capital
2. Boursier
3. Le Figaro Immobilier
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