De « l’effet Rashōmon » sur les marchés et dans l’économie (Ecofi)

Lorsque cinéphilie et passion pour les marchés financiers se rencontrent, il en résulte ce titre audacieux. L’effet Rashōmon, tiré du film éponyme d’Akira Kurosawa, raconte une idée simple. Un même événement et plusieurs témoins aboutissent à différents témoignages et différentes interprétations. Le parallèle avec les marchés financiers – lieu où s’affrontent des opinions parfois très divergentes sur un même sujet ou un même événement – est tout trouvé. Mais cette année, l’effet Rashōmon se voit décuplé. D. Trump et ses annonces, ses volte-face et ses contradictions n’y sont pas étrangers. En extrapolant un peu, ce concept est même susceptible de s’appliquer à l’économie et aux banques centrales, mais cela nécessite quelques explications...
Une reprise timide en zone euro, un ralentissement aux États-Unis
Les statistiques de février ont suggéré l’amorce d’une (timide) reprise de l’activité en zone Euro. A contrario, les données américaines ont été plus contrastées, notamment s’agissant de la consommation des ménages. Sans qu’il n’y ait péril en la demeure, les consommateurs se montrent plus précautionneux dans leurs achats de biens. Les multiples annonces effectuées par D. Trump ajoutent assurément de l’incertitude, que ce soit au travers de sa rhétorique agressive envers l’Ukraine, ou les menaces d’application de droits de douane. De quoi donner le tournis pour le consommateur, qui anticipe également une hausse de l’inflation à venir.
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La politique allemande et le rôle des banques centrales
Côté politique, notons la nomination d’un nouveau Chancelier en Allemagne, Friedrich Merz, dont le programme économique et la position pro-regain d’autonomie stratégique en Europe sont de nature à favoriser le redressement conjoncturel du pays. Les principales banques centrales ne se sont pas réunies, mais elles ont toutefois distillé leurs éléments de langage. La Fed ne prévoit pas de baisse immédiate de son taux directeur. Rien de nouveau. La BCE a quant à elle légèrement infléchi son discours. Plusieurs voix s’élèvent désormais pour envisager une pause dans la baisse des taux, à mesure que l’institution s’approche du – tant recherché – taux neutre. Ces éléments, à prendre avec précaution néanmoins, sont plutôt de nature à conforter notre scénario. Depuis plusieurs mois maintenant, nous n’adhérons pas à l’idée consensuelle d’un taux de facilité de dépôt inférieur à 2% (contre 2,75% actuellement) d’ici fin 2025. Nous continuons d’anticiper encore deux baisses de taux supplémentaires en mars et en avril.
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L’effet Rashōmon et les divergences de perception des marchés
L’effet Rashōmon s’applique bien aux marchés financiers et souligne nos biais comportementaux. Il s’étend également aux banques centrales.
Rappelons ainsi, la célèbre phrase d’Alan Greenspan : « Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé ».
À chaque réunion, chaque prise de parole, les opinions des participants de marché se confrontent. Pour tirer le fil jusqu’au bout, il peut encore s’appliquer d’une manière plus subtile à l’économie.
Un impact différencié des baisses de taux en zone euro
La zone Euro se compose de plusieurs pays, dont la nature des économies diffère sensiblement. La part du secteur manufacturier dans la valeur ajoutée de ces économies est notamment hétérogène. Ainsi, une même baisse de taux de la BCE translatée à différents pays, produit différentes réponses. Le graphique ci-après illustre ce phénomène, au travers de la reproduction d’une étude menée par des chercheurs de la Fed. L’Allemagne dont la part du secteur manufacturier est l’une des plus élevées en zone Euro, est aussi l’une des plus sensibles aux effets positifs des baisses de taux. C’est aussi celle dont le poids relatif est le plus important au sein du PIB de la zone Euro et c’est aussi celle qui a le plus souffert en 2024. C’est donc celle qui pourrait, en 2025, profiter le plus des baisses de taux. A contrario, l’Espagne dont la croissance du PIB a été vigoureuse en 2024, est une économie plus servicielle. Les baisses de taux sont donc moins susceptibles d’entraîner des effets de bord conséquents. La France se situe en milieu de tableau et d’autres facteurs (politiques notamment) sont à prendre en considération. L’Italie devrait aussi profiter des baisses de taux.
Notons enfin que la transmission de la politique monétaire à l’économie se fait lentement, mais que les premières baisses de taux ont débuté en juin de l’année dernière. Un élément de plus à mettre dans la liste de notre argumentaire en faveur d’un redressement conjoncturel pour la zone Euro en 2025. Affaire à suivre…
Source Florent Wabont, Economiste, Extrait Le Mensuel par Ecofi, Mars 2025
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