Impôt sur les plus-values : la mécanique de l’apport-cession

Une solution pour différer l’imposition des plus-values
Lorsqu’un chef d’entreprise cède les titres de sa société, la plus-value est imposable. Elle est soumise au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, soit 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux. À la place du PFU, l’entrepreneur peut opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux. Dans les deux cas, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus s’applique, à hauteur de 3 % ou 4 % si les revenus du foyer dépassent certains seuils.
Pour éviter cette imposition immédiate, le dispositif d’« apport-cession » permet de placer la plus-value en report. Le dirigeant apporte tout ou partie de ses titres à une société holding qu’il contrôle, avant leur cession à un tiers. La holding encaisse alors le prix de vente, et l’imposition de la plus-value est différée.
Le cadre légal et le principe du dispositif
Le mécanisme d’apport-cession est encadré par l’article 150-0 B ter du Code général des impôts. La plus-value est calculée au jour de l’apport, mais son imposition est reportée. Elle ne devient exigible que lorsqu’un événement met fin au report, par exemple lors de la cession des titres du holding reçus en contrepartie.
Ce dispositif ne supprime donc pas l’impôt, mais en diffère l’exigibilité. Il est particulièrement pertinent lorsque l’entrepreneur souhaite réinvestir rapidement dans un nouveau projet professionnel ou préparer une transmission. Dans cette configuration, l’apport-cession permet de mobiliser la totalité du produit de cession, sans frottement fiscal immédiat.
Lire aussi : Optimiser sa cession avec l'art. 150-0 B ter du CGI
Les étapes clés de l’opération
La mise en place d’un apport-cession suit plusieurs étapes :
- Identification des titres à apporter : l’entrepreneur détermine les titres qu’il transfère à la holding.
- Création ou utilisation d’une holding : la société holding doit être préalablement constituée et contrôlée par le dirigeant.
- Apport des titres : les titres sont apportés à la holding en échange d’actions de cette dernière.
- Cession des titres par la holding : la holding vend les titres apportés à un tiers et encaisse le prix de cession.
- Réinvestissement : une partie du prix doit être réinvestie dans une activité économique pour conserver le bénéfice du report.
Le schéma permet de différer l’imposition de la plus-value et d’utiliser l’intégralité des capitaux pour financer de nouveaux projets.
Les conditions à respecter
Pour que le report d’imposition s’applique, plusieurs conditions sont fixées par la loi :
- La holding doit être soumise à l’impôt sur les sociétés, en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne.
- L’apport doit précéder la cession des titres.
- La holding doit conserver les titres apportés pendant au moins trois ans.
- Si la cession intervient avant trois ans, la holding doit réinvestir au moins 60 % du prix de vente dans les deux ans suivant la cession.
- Le réinvestissement doit être de nature économique : acquisition de titres d’une autre société, souscription au capital d’une entreprise, ou investissement direct dans une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière.
Certains secteurs sont exclus du champ du réinvestissement éligible, notamment la gestion d’un patrimoine immobilier locatif ou la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières.
Les types de réinvestissement autorisés
Le réinvestissement du produit de cession peut prendre plusieurs formes, selon la loi :
- acquisition de titres d’une société opérationnelle,
- souscription au capital d’une société,
- investissements dans des fonds ou sociétés de capital-investissement,
- investissements directs dans une activité économique.
Les délais varient : douze mois pour les souscriptions directes au capital d’une société, cinq ans pour les investissements réalisés via des fonds.
Lire aussi : Réinvestissement 150-0 b ter du CGI
Quand prend fin le report d’imposition ?
Le report d’imposition prend fin dans plusieurs cas de figure :
- lorsque les titres reçus en contrepartie de l’apport sont cédés, annulés, rachetés ou remboursés,
- en cas de transfert du domicile fiscal hors de France,
- lors d’une donation suivie de cession des titres donnés dans un certain délai,
- en cas de non-respect des obligations de réinvestissement lorsque la cession a lieu avant trois ans.
Dans ces situations, la plus-value initialement placée en report devient imposable selon les règles en vigueur au moment de l’apport.
L’exonération définitive en cas de transmission
La transmission des titres du holding à titre gratuit est le seul cas permettant une exonération définitive de la plus-value placée en report. Si cette transmission intervient au décès du dirigeant, l’exonération est automatique.
En cas de donation, l’exonération dépend du contrôle exercé par les donataires sur le holding. S’ils n’ont pas le contrôle, la plus-value est définitivement purgée. S’ils contrôlent la société, le report est transféré sur leur tête. Ils peuvent toutefois éviter l’imposition en conservant leurs titres pendant au moins cinq ans, ou dix ans en cas de réinvestissement dans des fonds de capital-investissement.
Les avantages du mécanisme
Le recours à l’apport-cession présente plusieurs avantages :
- Différer l’imposition : la plus-value n’est pas immédiatement imposée, ce qui permet de réinvestir la totalité du prix de cession.
- Financer un nouveau projet : le dirigeant peut utiliser l’intégralité des capitaux pour développer une nouvelle activité.
- Optimiser la transmission : en cas de décès ou de donation, la plus-value en report peut être exonérée définitivement.
- Exonération potentielle pour la holding : la société holding peut bénéficier du régime des titres de participation, qui permet une imposition réduite sur les plus-values de cession.
Ce dispositif offre donc une souplesse appréciable pour l’entrepreneur, en facilitant à la fois le réinvestissement et la transmission.
Les inconvénients et contraintes
Malgré ses atouts, l’apport-cession comporte aussi des limites :
- Coûts initiaux élevés : frais juridiques, fiscaux et administratifs liés à la constitution de la holding.
- Contraintes de réinvestissement : au moins 60 % du prix de cession doit être réinvesti dans un délai de deux ans, selon des règles strictes.
- Risque fiscal : le report d’imposition peut expirer si les conditions ne sont pas respectées, entraînant une imposition imprévue.
- Limitation de dividendes : les dividendes versés par la société bénéficiaire de l’apport-cession peuvent être restreints, réduisant les revenus disponibles.
- Risque économique : si la société bénéficiaire de l’apport perd de la valeur, l’impôt dû sur la plus-value peut devenir difficile à acquitter.
Ces contraintes expliquent que ce dispositif doit être envisagé au cas par cas et accompagné par des conseils spécialisés.
Quand envisager un apport-cession ?
L’apport-cession est particulièrement adapté dans certaines situations :
- Vente d’une entreprise : pour différer l’imposition et optimiser la fiscalité de la plus-value.
- Diversification du patrimoine : en réinvestissant dans de nouveaux actifs, l’entrepreneur peut réduire les risques.
- Transmission : la donation ou la succession des titres du holding peut aboutir à une exonération définitive.
Ce mécanisme doit cependant être manié avec prudence, car il engage l’avenir patrimonial et fiscal du dirigeant et de ses héritiers.
Un outil à manier avec discernement
L’apport-cession constitue une stratégie efficace de gestion des plus-values lors de la cession d’une entreprise. Il permet de différer l’imposition et de réinvestir l’intégralité des capitaux, mais impose le respect de règles strictes. Ses avantages sont indéniables, notamment dans le cadre de projets de réinvestissement ou de transmission. En revanche, ses contraintes juridiques et fiscales exigent une étude approfondie avant sa mise en place.
Sources : Les Échos, Louvre Banque Privée, Blast Club
Contributeurs
Chaque jour, nous sélectionnons pour vous, professionnels de la gestion d'actifs, une actualité chiffrée précieuse à vos analyses de marchés. Statistiques, études, infographies dans divers domaines : épargne, immobilier, économie, finances, etc. Ne manquez pas l'info visuelle quotidienne !
Ne loupez aucun événement de nos partenaires : webinars, roadshow, formations, etc. en vous inscrivant en ligne.

.webp)






.webp)



























