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Analyses de marchés

Le dernier empereur (Elkano AM)

12
Oct
2023
Les défis économiques en Chine, exacerbés par Xi Jinping, appellent à des réformes politiques et structurelles face à l'émigration croissante.

Le film de B. Bertolucci, sorti en 1987, retrace la vie de Pou-yi le dernier empereur de Chine. Ce dernier fut nommé empereur en 1908 à l’âge de 2 ans par sa tante, la fameuse impératrice douairière Cixi.
 
Son règne s’achèva en 1911 par son abdication et la création de la République de Chine par Sun Yat-sen. Décédé en 1967, ce fut le dernier empereur à recevoir officiellement le « mandat du ciel ». 
 
Enfin le dernier, pas tout à fait car le 3ème mandat reçu par Xi Jinping lors du 20ème congrès en 2022 (une première depuis l’époque de Mao) avait aussi été surnommé le « mandat du ciel ». Nous avions d’ailleurs relevé à l’époque que la perspective de ce mandat nous paraissait plus compliquée que son triomphe ne le laissait paraitre.
 
Moins d’un an après, les déconvenues s’accumulent pour l’économie chinoise qui peine à retrouver les niveaux de croissance connus antérieurement. Cette déception, qui ne nous surprend d’ailleurs pas, alimente un débat sur les causes de la faiblesse affichée par l’économie chinoise. Deux types d’explications sont mises en avant.

Une impasse autoritaire

Le ralentissement constaté de l’économie chinoise repose en partie sur la dérive autocratique et nationaliste de Xi Jiping qui a rompu l’équilibre entre marché et état au profit d’une politique sécuritaire et dirigiste de maintien de la mainmise du Parti Communiste de Chine sur le pays. L’imbroglio vécu au cœur des principales métropoles chinoises par une population qui a d’abord subi des restrictions extrêmes et arbitraires avant de voir un déconfinement sans contrôle remplir les hôpitaux en est un exemple.
 
Ces errements politiques sapent la relation entre le parti et les classes moyennes supérieures qui envisagent désormais l’émigration. « Runxue », que l’on peut traduire par « quitter la Chine » est d’ailleurs devenu le nouveau terme à la mode. Cela diminue également leur volonté de consommer.

La perte de confiance des catégories autrefois les plus dynamiques, vient compléter un environnement international plus hostile en partie généré par une politique extérieure plus agressive (Ukraine, Taiwan, embargo américain sur les microprocesseurs, …).

Des problèmes structurels

Un modèle qui subventionne l’investissement au détriment de la consommation intérieure


Le modèle qui voit la Chine peser environ 20% de l’économie mondiale avec une consommation des ménages qui n’en représente que 10% semble toucher à sa fin. En effet, le modèle chinois qui subventionne l’investissement en diminuant la consommation des ménages (salaires inférieurs à la productivité, monopoles d’état, absence de rémunération de l’épargne, absence de transferts sociaux) a été en partie masqué par l’existence d’une bulle immobilière extraordinaire.

La « secret sauce » qui masquait les déséquilibres de l’économie


 
Cette dernière était la « sauce secrète » qui masquait les déséquilibres croissants de l’économie chinoise. Mais, la bulle a désormais éclaté et les conséquences se font de plus en plus apparentes. Ce sont d’abord les créanciers des promoteurs immobiliers les plus spéculatifs (Evergrande par exemple dont la dette serait supérieure à celle de l’Argentine) qui ont été touchés en novembre dernier mais cette crise se propage désormais à l’ensemble du secteur immobilier.

Vers une « japanification » de l’économie ?

Le gouvernement chinois semble avoir les moyens de contrôler la chute mais va devoir décider à un moment de pratiquer la vérité des prix et surtout d’attribuer la perte constatée aux différents acteurs. Le coût politique de ce choix étant très élevé, un scénario à la japonaise se profile avec un ajustement masqué se déroulant sur plusieurs années. Cela aurait un impact très anémiant sur la croissance ainsi que sur la crédibilité du parti communiste chinois, à l’instar de ce qui s’est passé pour le parti libéral démocrate japonais.

Winter is coming !

Cet ajustement est encore compliqué par l’« hiver » démographique qui touche la Chine. Celle-ci a déjà construit de quoi loger l’ensemble de ses 1,4 milliards d’habitants mais devrait en perdre plus de 100 millions d’ici 2050. L’Inde dépassera vraisemblablement la Chine en 2023, soit avec une dizaine d’années d’avance sur les prévisions.

Une crise de gouvernance inéluctable

Quelle que soit l’hypothèse privilégiée, Les solutions pour relancer l’économie chinoise apparaissent économiquement simples : soit diminuer l’interventionnisme du Parti dans l’économie, soit augmenter la part de la consommation des ménages.
 
Mais, il apparait clairement que c’est la volonté absolue de maintenir le monopole du parti communiste qui empêche l’économie chinoise de repartir sur des bases plus saines.
 
En effet, ce qui empêche un rééquilibrage au profit de la consommation des ménages, c’est que cela nécessiterait un transfert de ressources des entreprises d’état ou des collectivités publiques vers les citoyens ce qui impliquerait donc une perte de pouvoir pour la sphère publique dominée par le Parti Communiste Chinois.

Le recours aux vielles recettes ne suffira pas

Tout ceci rend plus difficile la reprise de l’économie en dépit des baisses de taux de la Banque Populaire de Chine en janvier. La banque centrale chinoise est en effet la seule banque centrale importante à avoir baissé ses taux directeurs en 2023. Les tentatives de relances budgétaires restent modérées (environ 1% du PIB) et la Chine semble avoir recours aux vieilles recettes éprouvées en stimulant l’investissement public et la production privée. Cependant, les gains de productivité liés à l’investissement public sont de plus en plus faibles et la volonté d’exporter pour compenser une demande intérieure insuffisante se heurte à des résistances de plus en plus importantes comme sur la voiture électrique en Europe.

La Chine sera moins présente dans nos allocations

En conclusion, les difficultés de l’économie chinoise nous semblent avant tout liées à sa structure politique.

Les vieilles recettes peuvent fonctionner sur quelques mois mais le modèle est probablement cassé, ce qui limitera le rôle que celle-ci pourra jouer dans l’évolution de la conjoncture dans les prochaines années.
 
La Chine sera donc structurellement moins présente dans nos allocations mais d’autres marchés restent à découvrir ou à redécouvrir !

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