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Epargne

Libérons la co-souscription de contrat d’assurance vie. Benoît Berchebru, Directeur de l'Ingénierie Patrimoniale (Groupe DLPK)

4
Sep
2023

On dit souvent que le régime matrimonial de la communauté universelle est la réunion des cœurs et des finances. Gérer ensemble, à deux, ses finances, son patrimoine et ses investissements, pour certains couples, tout se partage. L’assurance vie ne déroge pas à la règle. Il est possible de souscrire à deux[1], un seul et même contrat pour le gérer et prendre les décisions en commun. Bien entendu, le contrat devra être alimenté par des fonds communs au couple.


Et si vous n’êtes pas mariés en régime de communauté universelle, pas de panique. La co-souscription reste possible, y compris en séparation de biens auprès de certains assureurs. Les conditions de souscription dépendront toutefois du choix du dénouement du contrat (1er/2nd décès).


Dénouement 1er décès :


Fiscalité


En choisissant un dénouement au 1er décès, le décès du premier des époux dénouera le contrat.


Les capitaux décès seront versés au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) et soumis classiquement à la fiscalité de l’assurance vie.


La spécificité ici est que cette fiscalité sera fonction de l’âge qu’avait l’assuré qui dénoue le contrat, au moment du versement de chaque prime.


Exemple : Si Monsieur a plus de 70 ans et Mme moins de 70 ans au moment de la co-souscription du contrat, les capitaux décès transmis au(x) bénéficiaire(s) (hors conjoint survivant) seront soumis à la fiscalité de l’article 990 I[2] (primes versées avant 70 ans) du CGI si Mme décède au 1er (et ce, même si Monsieur avait plus de 70 ans au moment du versement des primes) ; et à l’article 757 B[3] (primes versées après 70 ans) du CGI si c’est Monsieur qui décède en premier.

Modalités de souscription


En pratique, certains assureurs limitent la co-souscription dénouement 1er décès aux seuls époux mariés en régime communautaire, c’est-à-dire aux époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (régime légal pour les époux mariés sans contrat de mariage depuis le 01/02/1966); ou de la communauté des meubles et acquêts ou de la communauté universelle.


Certains assureurs acceptent la co-souscription dénouement 1er décès pour des époux mariés en séparation de biens, et ils ont bien raison puisque juridiquement, aucun texte de loi ne limite la co-souscription dénouement 1er décès à des époux mariés sous un régime communautaire. Il faudra simplement dans ce cas s’assurer que les fonds proviennent d’un compte joint et joindre en pratique une attestation de financement de celui-ci à 50/50.


Car les assureurs y voient, à tort, un risque de donation indirecte entre époux (qui n’existe pourtant pas) en cas de financement différencié du compte joint servant à alimenter le contrat co-souscrit qui se dénouera au 1er décès des époux, les capitaux décès étant alors versés au bénéficiaire désigné, qui souvent est le conjoint survivant (exonéré fiscalement), et qui reçoit les capitaux décès en toute exonération fiscale[4] alors qu’il a financé par exemple que 50% du contrat.

Y a-t-il pour autant un risque de donation indirecte ?

La réponse est clairement non puisque :

1) Les capitaux décès reçus par le conjoint survivant marié en régime communautaire est un bien propre à celui-ci sans aucun droit à récompense à la communauté (sauf primes manifestement exagérées)[5]

2) Une récompense[6] ou le remboursement d’une créance[7] sera due au patrimoine qui s’est appauvri (communauté ou patrimoine propre de l’un des époux) lorsque le bénéficiaire des capitaux décès n’est pas le conjoint.

Dès lors que les capitaux décès constituent un bien propre dans le 1er cas, et qu’une récompense sera due dans le second cas lorsque le bénéficiaire des capitaux n’est pas le conjoint survivant, il ne peut exister, à aucun moment, de risque de donation indirecte en cas de décès pour une co-souscription d’un contrat d’assurance vie.

L’ensemble des assureurs devraient donc aujourd’hui autoriser la co-souscription de contrat d’assurance vie dénouement 1er décès, peu importe le régime matrimonial des époux.


Du chemin reste encore à faire. Il sera long mais le temps nous donnera raison.


Aspect pratique : utilisez la clause bénéficiaire démembrée dans le cadre de la co-souscription dénouement 1er décès, au profit du conjoint survivant pour l’usufruit, et les enfants pour la nue-propriété pour tout ou partie des capitaux décès.

Au 1er décès de l’un des époux, le contrat co-souscrit sera dénoué. Les capitaux décès reviendront en démembrement pour l’usufruit au conjoint survivant qui pourra bénéficier des fruits générés par les capitaux décès replacés (objectifs : perception de revenus complémentaires, protection du conjoint survivant…), sans démunir les enfants du patrimoine à terme, en leur transmettant la nue-propriété des capitaux décès, nus-propriétaires qui deviendront titulaires des capitaux décès en pleine propriété au décès du conjoint survivant, et ce, en toute exonération fiscale[8].

Un bon compromis entre objectifs de protection du conjoint et transmission optimisée du patrimoine aux enfants, le frottement fiscal des capitaux décès[9] n’étant due que sur la valeur de la nue-propriété transmise aux enfants, après application des abattements.

Pour aller plus loin : Le démembrement portant sur une somme d’argent (les capitaux décès), un quasi usufruit s’appliquera automatiquement[10] sauf volonté contraire du souscripteur clairement exprimée dans la clause bénéficiaire. Les capitaux décès pourront alors être remis en pleine propriété au conjoint survivant qui pourra les utiliser comme il le souhaite (les dépenser, les replacer, y compris dans un nouveau contrat d’assurance vie souscrit à son seul nom…). Les enfants recevront alors, lors de la remise des capitaux décès du contrat co-souscrit au conjoint survivant, un document attestant de cette remise des capitaux décès valant créance de restitution, à faire valoir sur l’actif de succession du quasi usufruiter à son décès. Cette créance de restitution, qu’il est possible de revaloriser, viendra alors réduire d’autant l’actif taxable de succession, permettant d’économiser des droits de succession, tout en optimisant la transmission du patrimoine aux enfants et la protection du conjoint survivant.


On n’oubliera pas :


- de prévoir la dispense par les nus-propriétaires d’inventaire, de remploi et de caution des articles 600, 601 et 602 du code civil.
- de faire souscrire 2 contrats d’assurance vie individuels par chaque époux, en parallèle de la co-souscription, pour y verser les capitaux décès issus du contrat co-souscrit. Cela permettra au conjoint survivant de disposer d’un contrat avec une antériorité fiscale de plus de 8 ans par exemple pour replacer les fonds perçus et réaliser des rachats fiscalement optimisés par la suite.  

Co-souscription et dénouement au 2nd décès

Eviter d’avoir des fonds à replacer après 70 ans…

En cas d’option pour le dénouement au 2nd décès, le conjoint survivant devient seul titulaire du contrat après le décès de son conjoint. Il n’aura ainsi pas besoin de replacer des fonds dans des conditions fiscales potentiellement moins avantageuses s’il est âgé de plus de 70 ans.

Modalité de souscription


Un grand nombre de compagnies d’assurance imposent encore aujourd’hui que les époux soient mariés sous un régime communautaire, voire de communauté universelle, avec avantage matrimonial (clause de préciput, clause d’attribution intégrale…) permettant au conjoint survivant de récupérer la pleine propriété du contrat alors qu’il n’en a financé que 50%. Mais une telle adaptation du régime matrimonial peut ne pas être souhaitée ou souhaitable, eu égard aux autres enjeux patrimoniaux du couple.


Protéger oui, surprotéger, non.


Car une assurance vie co-souscrite par des époux communs en biens avec dénouement 2nd décès constitue…un bien commun[11]. Si le conjoint survivant récupère en propre le contrat par le titre, il ne le récupère pas gratuitement en valeur. Puisque dans le cadre des opérations liquidatives du régime matrimonial, la valeur de rachat du contrat tombe en communauté pour sa pleine valeur, le conjoint survivant le récupérera en moins prenant de ses droits dans l’actif de communauté, comme cela aurait été le cas si au lieu de récupérer le contrat, il aurait plutôt choisi la voiture ou un bien immobilier de même valeur.

Devenant ainsi seul titulaire du contrat en moins prenant de ses droits dans l’actif communautaire à partager, il ne peut exister de donation indirecte. Ce point est d’ailleurs confirmé par la réponse Ministérielle CIOT[12] qui retient que la valeur de rachat des contrats non dénoués financés avec des fonds communs n’est soumis à aucun droit de mutation à titre gratuit et que sa conservation par un héritier ne génère aucune nouvelle taxation.

Pourquoi alors continuer à demander une adaptation de régime matrimonial pour co-souscrire un contrat d’assurance vie avec dénouement 2nd décès ! Arrêtons de vouloir être plus royaliste que le roi, et libérons, si ce n’est le soldat Ryan, la co-souscription dénouement 2nd décès.

Et pour les époux mariés en régime de séparation de biens, la co-souscription reste bien évidemment possible, y compris au 2nd décès, même si un certain nombre de conditions générales des contrats ne le prévoient pas expressément.

En pratique, certaines compagnies l’acceptent en présence d’une société d’acquêts dans laquelle sera placée le contrat d’assurance vie non dénoué au 1er décès, avec clause préciputaire ou clause d’attribution intégrale au conjoint survivant sur les biens composant la société d’acquêts dont le contrat d’assurance vie.

Certains diront qu’une souscription miroir individuelle d’un contrat d’assurance vie par chacun des époux avec désignation réciproque de l’autre conjoint comme bénéficiaire de chacun des contrats permet d’arriver au même résultat. Plus simple, peut être ! Mais le résultat sera légèrement différent, notamment si le 1er décès intervient après les 70 ans,  et ne permet pas de gérer ensemble un seul et même contrat. Car qui dit gérer ensemble dit également surveiller et s’assurer des actes de gestion qui sont réalisés sur le contrat par l’autre époux, puisque chaque acte étant soumis à la signature des 2 souscripteurs du contrat.

Faisons plus simple, plus rapide, plus pragmatique. La loi nous l’autorise depuis le départ alors soyons acteurs et libérons enfin, tous ensemble, les co-souscriptions de contrats d’assurance vie.


 
Par Benoît BERCHEBRU, Directeur de l’ingénierie patrimoniale groupe DLPK


[1] Article L.132-1: « Plusieurs personnes peuvent contracter une assurance réciproque sur la tête de chacune d’elles par un seul et même acte ».
[2] Abattement individuel de 152 500 € puis taxation à 20% jusqu’à 852 500 € et 31,25% au-delà.
[3] Abattement global des 30 500 € puis taxation aux DMTG mais uniquement sur les primes versées, les intérêts étant exonérés
[4] Loi TEPA, du 22 août 2007
[5] Article L.132-16 du code des assurances
[6] Article 1412 du code civil
[7] Article 1543 du code civil
[8] Article 1133 du CGI
[9] Article 990 I / 757 B CGI
[10] Article 587 code civil
[11] Article 1401 du code civil
[12] Réponse ministérielle n°78192 du 23 février 2016

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