Comment optimiser la clause bénéficiaire d’une assurance-vie ? Joffrey Mendy, Evolve


L’assurance-vie demeure l’un des outils les plus performants pour protéger ses proches, transmettre un patrimoine ou optimiser une succession. Toutefois, sa véritable puissance réside dans la manière dont est rédigée la clause bénéficiaire, qui détermine les personnes appelées à recevoir les capitaux au décès du souscripteur.
Une clause mal pensée ou standardisée peut réduire considérablement les avantages fiscaux et patrimoniaux de ce dispositif. À l’inverse, une clause soigneusement rédigée, adaptée aux réalités familiales et aux objectifs patrimoniaux, permet non seulement de protéger le conjoint survivant, mais aussi de transmettre efficacement le patrimoine à la génération suivante, tout en limitant les droits de succession.
Avec l’évolution des situations familiales, comme les familles recomposées, et les modifications régulières du cadre fiscal, il devient impératif de penser la clause bénéficiaire dans une perspective stratégique, en tenant compte des possibilités offertes par le démembrement, la créance de restitution ou encore la clause de remploi.
La clause bénéficiaire : enjeux et limites
La clause bénéficiaire est au cœur du fonctionnement de l’assurance-vie. Sa rédaction peut être très simple, comme dans le cas des clauses standards, ou plus élaborée, lorsqu’il s’agit de répondre à des objectifs spécifiques. Si les clauses standards telles que « mon conjoint non séparé de corps, à défaut mes enfants, à défaut mes héritiers » offrent une solution rapide, elles présentent plusieurs limites : elles ne prennent pas en compte les réalités complexes des familles contemporaines et ne permettent pas toujours de maximiser les avantages fiscaux.
Une clause standard, par exemple, peut omettre de protéger le conjoint dans une famille recomposée ou de répartir les capitaux entre les enfants selon leurs besoins. Elle ne permet pas non plus une transmission progressive et réfléchie du patrimoine, ni une utilisation optimale des abattements fiscaux associés à l’assurance-vie. Dès lors, l’adoption de clauses personnalisées, parfois combinées avec des mécanismes comme le démembrement, s’avère essentielle.
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Les spécificités fiscales : avant et après 70 ans
Le régime fiscal des primes d’assurance-vie varie selon l’âge du souscripteur au moment des versements. Ces différences doivent impérativement être intégrées dans la stratégie patrimoniale pour éviter des charges fiscales inutiles.
Pour les versements effectués avant 70 ans, le cadre fiscal est particulièrement avantageux. Chaque bénéficiaire bénéficie d’un abattement de 152 500 €, au-delà duquel les capitaux transmis sont taxés à 20 % (jusqu’à 700 000 €) et à 31,25 % pour les montants supérieurs. Cette règle permet d’optimiser la transmission lorsque les bénéficiaires sont nombreux.
En revanche, pour les primes versées après 70 ans, l’abattement est global et plafonné à 30 500 € pour l’ensemble des bénéficiaires. Toutefois, les intérêts générés par les sommes investies après cet âge restent exonérés d’imposition, ce qui constitue un atout à ne pas négliger.
Ces distinctions rendent la planification des versements cruciale. Par exemple, il est souvent conseillé d’alimenter une assurance-vie de manière significative avant ses 70 ans pour maximiser les abattements disponibles. Après cet âge, le contrat peut encore être utilisé, mais davantage pour des stratégies de protection du conjoint ou de gestion des liquidités.
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Le démembrement de la clause bénéficiaire
Le démembrement constitue une solution efficace pour concilier protection du conjoint et transmission du patrimoine aux enfants. En répartissant les droits sur les capitaux entre un usufruitier et des nus-propriétaires, cette stratégie permet d’atteindre plusieurs objectifs :
D’une part, l’usufruitier – souvent le conjoint survivant – bénéficie d’un droit d’usage sur les capitaux, qu’il peut mobiliser selon ses besoins. D’autre part, les nus-propriétaires, généralement les enfants, deviennent propriétaires différés des sommes restantes. L’un des grands atouts de cette approche est qu’au décès de l’usufruitier, les nus-propriétaires récupèrent les capitaux sans droits de succession supplémentaires, grâce à l’extinction naturelle de l’usufruit.
L’utilisation du démembrement nécessite toutefois de bien comprendre la répartition des droits, qui est calculée selon l’âge de l’usufruitier au moment du décès du souscripteur. Le barème fiscal de l’article 669 du Code général des impôts établit des proportions précises. Par exemple, pour un usufruitier âgé de 65 ans, l’usufruit est valorisé à 40 % et la nue-propriété à 60 %. À 75 ans, ces proportions passent à 30 % pour l’usufruit et 70 % pour la nue-propriété.
Dans le cadre d’une assurance-vie de 600 000 €, si le conjoint survivant (usufruitier) a 70 ans au décès du souscripteur, l’usufruit représentera 40 % des capitaux, soit 240 000 €, et la nue-propriété sera évaluée à 60 %, soit 360 000 €. Cette répartition garantit une protection immédiate du conjoint tout en réservant une part significative aux enfants.
Créance de restitution et clause de remploi
Lorsque l’usufruitier utilise ou consomme les capitaux, les nus-propriétaires conservent un droit sur les sommes correspondantes sous la forme d’une créance de restitution. Ce mécanisme garantit que le patrimoine consommé par l’usufruitier sera compensé au profit des nus-propriétaires.
Pour renforcer cette protection, il est possible d’insérer une clause de remploi, qui oblige l’usufruitier à réinvestir les capitaux utilisés dans des actifs sécurisés, tels que l’achat d’un bien immobilier ou le placement dans des produits financiers prudents. Cela évite que les capitaux soient dilapidés ou perdus, tout en assurant leur préservation au profit des bénéficiaires ultérieurs.
Ces dispositifs, bien qu’efficaces, nécessitent une rédaction précise et l’intervention d’un notaire ou d’un conseiller en gestion patrimoniale pour éviter toute ambiguïté ou contestation.
L’optimisation patrimoniale et fiscale
Le démembrement et la rédaction personnalisée de la clause bénéficiaire permettent également de maximiser les avantages fiscaux liés à l’assurance-vie. Par exemple, en répartissant les capitaux entre plusieurs bénéficiaires, il est possible de multiplier les abattements fiscaux. Si les capitaux sont importants, cette approche réduit considérablement la charge fiscale globale.
Par ailleurs, l’exonération totale de droits de succession entre époux renforce l’intérêt de désigner le conjoint comme usufruitier. Ce dernier pourra utiliser les capitaux selon ses besoins, tandis que les enfants bénéficieront de l’extinction naturelle de l’usufruit, récupérant ainsi leur part sans fiscalité additionnelle.
Une rédaction personnalisée et évolutive
La clause bénéficiaire doit être envisagée comme un élément vivant, à réviser régulièrement en fonction des changements familiaux ou législatifs. Un mariage, un divorce, une naissance ou un décès peuvent modifier vos priorités patrimoniales et nécessiter une mise à jour de la désignation des bénéficiaires.
Il est également possible d’y inclure des conditions spécifiques, comme la gestion ou le réinvestissement des capitaux, pour garantir leur préservation sur le long terme. Cette personnalisation requiert l’accompagnement d’un notaire ou d’un conseiller en gestion de patrimoine, qui pourra assurer la conformité juridique et fiscale de la clause.
L’optimisation de la clause bénéficiaire d’une assurance-vie est un exercice délicat mais essentiel pour tirer parti des nombreux atouts de ce produit. En combinant une stratégie de versements réfléchis (avant et après 70 ans), un démembrement adapté, et des mécanismes comme la créance de restitution ou la clause de remploi, il est possible de protéger ses proches tout en limitant la fiscalité.
Face à un cadre législatif évolutif et à des réalités familiales de plus en plus complexes, la rédaction de cette clause nécessite une approche proactive, évolutive et personnalisée.
Par Joffrey Mendy, Evolve
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