Assurance-vie après 70 ans : quelles opportunités en matière de transmission ?

Fiscalité
Audrey Ferry
transmission assurance vie 70 ans

La fiscalité applicable aux capitaux-décès dépend de l’âge de l’assuré au jour du versement des primes : avant ou après son 70ème anniversaire. Rappelons les deux régimes de taxation :

Le traitement fiscal de l’assurance-vie pour les primes versées avant 70 ans

(article 990 I du Code général des impôts)

Chaque bénéficiaire désigné profite d’un abattement de 152 500 euros. Au-delà de ce montant, les capitaux-décès reçus par le bénéficiaire sont soumis à une taxation de 20 % jusqu’à 852 500 euros puis de 31,25 %. Notons qu’il est possible d’avoir plusieurs bénéficiaires par contrat, car aucune limite n’a été fixée par le législateur et que les conjoints et partenaires liés par un PACS sont exonérés de ce prélèvement. De plus, il est important de préciser que les sommes dépassant l’abattement de 152 500 euros ne bénéficient pas de l’abattement de 100 000 euros prévu entre parent et enfant en matière de droits de succession.

Le traitement fiscal de l’assurance-vie pour les primes versées après 70 ans

(article 757 B du Code général des impôts)

Les droits de succession déterminés selon le lien de parenté entre le souscripteur-assuré du contrat et le bénéficiaire désigné, sont exigibles sur le montant des primes versées1. Un abattement global de 30 500 euros s’applique par assuré, peu importe le nombre de contrat d’assurance-vie et de bénéficiaire. En revanche, les produits générés ne sont pas soumis aux droits de succession. Cette exonération des gains constitue une belle opportunité en matière de transmission.

Précisons néanmoins que le décès de l’assuré a pour conséquence de soumettre aux prélèvements sociaux2  les produits qui ne l’ont pas été de son vivant.

Les dispositions de l’article 757 B du CGI fixant l’âge de l’assuré à 70 ans et le montant de l’abattement de 30 500 euros demeurent inchangés depuis 1991. Face à des phénomènes économiques et sociaux tels que l’inflation et l’allongement de l’espérance de vie, on pourrait s’interroger sur une augmentation de ces limites. Or, le ministère de l’Économie et des Finances, déjà défavorable en 20183, a confirmé en 20244 sa volonté de conserver les critères en vigueur. Il rappelle que le dispositif applicable est déjà plus favorable que le droit commun des droits de mutation à titre gratuit. Le Conseil constitutionnel a également précisé que ce régime spécifique visait à décourager le recours tardif à l’assurance-vie comme moyen d’échapper à la fiscalité successorale5.

En pratique, il est courant que le souscripteur réalise des rachats partiels pour financier un projet ponctuel ou encore pour compléter ses revenus et financer son train de vie. Quelle est l’incidence des rachats partiels sur la fiscalité décès de l’assurance-vie après 70 ans ?

Incidence des rachats partiels sur la fiscalité des capitaux-décès en cas de primes versées après 70 ans

L’assiette sur laquelle sont calculés les droits de succession est constituée en principe par le montant des primes versées sans déduction ni des rachats effectués par le souscripteur, ni des avances dont il a bénéficié et qui ne sont pas remboursées à son décès6.

À titre d’illustration, prenons l’exemple suivant :

  • versement d’une prime unique de 500 000 € par un assuré âgé de 71 ans
  • rachats partiels pour un montant total de 250 000 €
  • valeur du contrat au jour du décès 350 000 €

En principe, le montant taxable aux droits de succession devrait être de 500 000 € (montant des primes versées avant application de l’abattement de 30 500 €), alors même que les capitaux-décès versés au bénéficiaire ne sont que de 350 000 €.

Fort heureusement, une exception a été prévue pour éviter cet écueil. Ainsi, lorsque les capitaux-décès reçus par les bénéficiaires sont inférieurs aux primes versées par l’assuré après son 70e anniversaire, la taxation ne porte que sur le montant des capitaux transmis.

Cette règle s’applique également si les capitaux reçus par le bénéficiaire sont inférieurs au montant des primes versées en raison d’une baisse de la valeur des unités de compte.

Des stratégies peuvent être mises en œuvre pour maximiser l’exonération fiscale des produits issus de primes versées post 70 ans.

Stratégies patrimoniales en présence de contrats d’assurance-vie souscrits après 70 ans et de rachats partiels  

Multiplier les contrats d’assurance-vie

Il peut être intéressant de détenir plusieurs contrats : souscrits auprès de différentes compagnies d’assurance, françaises ou luxembourgeoises, avec une gestion financière différente, des bénéficiaires distincts… et également pour ne pas mélanger les dispositions fiscales applicables au décès (un contrat abondé avant 70 ans et un après).

Le contrat souscrit après 70 ans pourrait être transmis à un bénéficiaire exonéré tel que le conjoint survivant ou une association à but non lucratif par exemple. Cela permet de désigner comme bénéficiaire des capitaux-décès du contrat d’assurance-vie alimenté avant les 70 ans, un enfant ou une personne sans lien de parenté avec l’assuré qui serait fortement fiscalisé au titre des droits de succession si elle était bénéficiaire du contrat alimenté après 70 ans.

En présence de plusieurs bénéficiaires, notons que la répartition de l’abattement de 30 500 euros est favorable puisque la part revenant à ceux qui sont exonérés n’est pas prise en compte, laissant en profiter pleinement les seuls bénéficiaires taxables.

Procéder à des rachats sur un seul contrat

Lorsque le souscripteur envisage de procéder à des rachats partiels sur les contrats alimentés par des primes versées après ses 70 ans, il est opportun d’ouvrir plusieurs contrats.

Ainsi, en anticipant les besoins de revenus complémentaires du souscripteur pour financer son train de vie, il sera possible de procéder à des rachats partiels sur un seul contrat pour maximiser l’effet transmission du contrat non racheté dont les produits se capitaliseront et seront exonérés de droits de succession.

À titre d’exemple, prenons le cas d’une personne de 72 ans, mariée en séparation de biens et ayant un enfant, qui dispose d’1 000 000 € et souhaite un revenu complémentaire annuel de 40 000 € net. Elle décède 15 ans plus tard.  

Hypothèse n° 1 : souscription d’un seul contrat de 1 000 000 € et rédaction de la clause bénéficiaire en faveur de l’enfant.

Hypothèse n° 2 : souscription de deux contrats de 500 000 € chacun, auprès de deux compagnies d’assurance différentes, avec pour objectifs de procéder à des retraits sur le premier (le bénéficiaire en cas de décès sera le conjoint survivant) et de protéger l’enfant en le désignant bénéficiaire des capitaux-décès du second.

Illustration chiffrée des deux situations (simulation réalisée avec des hypothèses d’investissement 100% en unités de compte et un rendementannuel de 5% net de frais et de fiscalité) :  

Tableau d'Assurance Vie
Modalités de souscription / montant des primes versées Hypothèse n°1 : Souscription d’un contrat 1 000 000 € Hypothèse n°2 : Souscription de deux contrats
Contrat unique Contrat 1 : 500 000 € Contrat 2 : 500 000 €
Retraits nets sur 15 ans 640 000 € 640 000 € néant
Capitaux-décès transmis 1 042 571 € 56 528 € 986 043 €
Assiette des droits de succession7 1 000 000 € / primes versées
(Primes versées < Capitaux-décès)
56 528 € / capitaux-décès
(Primes versées > Capitaux-décès)
500 000 € / primes versées
(Primes versées < Capitaux-décès)
Part exonérée reçue par l’enfant 42 571 € 486 043 €

La différence est significative puisque l’assiette imposable est réduite de presque la moitié en présence de deux contrats.

L’assurance-vie après 70 ans reste donc une stratégie de transmission efficace, sous réserve d’une bonne structuration patrimoniale.

Par Audrey Ferry, Responsable de l’Ingénierie Patrimoniale de Bordier & Cie (France)

1 Pour les contrats d’assurance-vie souscrits à compter du 20 novembre 1991
2 Que les primes soient versées avant ou après 70 ans
3 Réponse Ministérielle Marlin : AN 20-2-2018 n° 2045
4 Réponse Ministérielle Da Conceicao Carvalho: AN 4-6-2024 n° 283
5 QPC n°2017-658

6
BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 § 190
7
Avant abattement de 30500 €

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