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Investissement Locatif

Meublés de tourisme, du changement à venir ? (Steve Mauffrey, Expert en gestion de patrimoine)

11
May
2023

La vie de propriétaire bailleur ne ressemble pas à un long fleuve tranquille. En effet, entre le risque d’impayés, le temps passé à s’impliquer dans la gestion d’un ou plusieurs biens, un niveau de fiscalité parfois confiscatoire et des modalités de déclaration pas si simples, il faut s’accrocher !


L'INTÉRÊT FISCAL DE LA LOCATION MEUBLÉE VS LA LOCATION NUE

Certains se sont toutefois accommodés de la fiscalité, en évitant autant que possible de louer un bien nu et en privilégiant la location meublée.

Sans rentrer dans des détails techniques, il faut savoir que les revenus immobiliers issus de la location nue (Revenus fonciers) sont très taxés. Les propriétaires de biens loués meublés (BIC) quant à eux, se voient offrir la possibilité de bénéficier de charges déductibles importantes. (Abattement de 71 % au titre des meublés de tourisme classés, c’est-à-dire un logement bénéficiant d’un agrément et indiquant un certain niveau de confort de 1 à 5 étoiles / Possibilité de déduire un amortissement conduisant très souvent à une absence d’imposition sur les revenus un grand nombre d’années durant, etc.)
 
Cela explique les raisons du développement de la location meublée qui peut revêtir deux formes :

- La location meublée longue durée qui implique que le bien constitue l’habitation principale du locataire (Location en direct, résidences séniors, etc)

- La location meublée courte durée ne constituant pas l’habitation principale du locataire (Airbnb, locations de vacances, résidences affaires, etc)


LA LOCATION MEUBLÉE ET SON IMPACT SUR LES PRIX DE L'IMMOBILIER

Le développement important de la location de meublés de tourisme via Airbnb a notamment participé à tendre le secteur immobilier dans certaines villes, les habitant de ces mêmes villes rencontrant de vraies difficultés à acquérir une résidence principale, particulièrement dans un contexte de hausse des taux d’emprunts.
 
Il est donc logique d’en déduire que l’augmentation du nombre de meublés de tourisme exploités en direct par des particuliers, avec ses atouts fiscaux significatifs, représente un manque à gagner important pour l’Etat, particulièrement lorsque les caisses sont vides. De surcroît, la récente hausse des taux couplés à la dégradation de la note de la France par l’agence de notation Fitch, va conduire notre pays à payer plus cher les nouveaux emprunts contractés sur les marchés financiers. Or, il faudra bien trouver de nouvelles recettes fiscales pour régler ce surcoût.

De plus, si l’on considère que l’essor des meublés type Airbnb conduit à précariser l’accès au logement à titre de résidence principale pour les locaux, la liste des arguments en faveur d’une réforme commence à être assez fournie.

C’est dans ce contexte que la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale a remis un rapport au ministre du logement et qui concerne les zones tendues, hors Ile De France. Ce document comporte 74 pages et s’intitule « Rapport sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues ».

Je crois que le titre ne souffre d’aucune ambiguïté et que l’objectif de l’Etat est très clair ; faire évoluer la réglementation et la fiscalité immobilière dans les zones tendues, afin de faire baisser les prix de l’immobilier, défendre l'hôtellerie et lutter contre la « désertification » des centres-villes, sans résidents permanents.

CE QU'IL FAUT RETENIR DU RAPPORT

Page 41 : « Face à cette situation, il apparaît opportun de faire évoluer la nature de l’abattement forfaitaire à 71 % pour le réorienter vers la location de longue durée, en particulier à destination de l’emploi. »

L’abattement de 71 % actuellement en vigueur pour les meublés de tourisme classés serait supprimé et réorienté vers la location nue, à la condition que les locataires soient des personnes actives, au sens professionnel du terme.
 
Page 42 : « La pertinence de certains zonages peut également être interrogée concernant la situation spécifique des communes de montagne, en particulier pour celles hébergeant des stations de ski. En raison de leurs caractéristiques spécifiques, certaines d’entre elles ne sont pas classées en zones tendues, en dépit de difficultés importantes en matière de logement [……] En l’espèce, vos rapporteurs notent qu’un premier arrêté du 16 février 2022 a reclassé une cinquantaine de communes de Savoie et de Haute-Savoie, dont des communes supports de stations, en zone A ou B. Ils considèrent que cette dynamique doit être amplifiée au profit du reclassement de toutes les communes concernées par cette situation. »

Il existe aujourd’hui de nombreuses villes, dont le secteur immobilier est très tendu, qui ne sont pas classées en zone tendue. Les rapporteurs préconisent d’étendre le zonage ce qui conduirait à exposer plus de villes à l’éventuelle nouvelle réforme.

Page 49 : « Concernant la réglementation de l’usage des meublés de tourisme, actuellement limité aux communes de plus de 200 000 habitants, il est proposé d’étendre le bénéfice à toutes les communes touristiques, la majorité d’entre elles comprenant moins de 200 000 habitants. »

L’objectif serait de permettre aux villes de moins de 200 000 habitants de limiter le nombre de logements loués meublés, en appliquant des règles plus contraignantes. (Changement d’usage plus difficile à obtenir, obligation de louer un bien nu dans la même ville en parallèle du bien loué meublé, etc.)
 
Page 61 : « Cette perspective est importante dans la mesure où la crise du logement en zones tendues à un impact sur l’économie de ces territoires, fortement ressenti au niveau local par les entreprises, qui peinent à recruter faute de logements disponibles pour leurs salariés. C’est le sens de leur première recommandation, qui prévoit de rééquilibrer la fiscalité des meublés de tourisme classé vers l’emploi. »

L’idée ici, serait de créer des avantages fiscaux spécifiques, afin de favoriser la location nue à destination des actifs.


DES DISTINCTIONS OPÉRÉES, SELON LE TYPE DE LOCATION MEUBLÉE

Pour conclure, nous pouvons affirmer que la mise en œuvre de tout ou partie des mesures de ce rapport, aurait un effet indéniable sur le marché du logement en zones tendues. L’ampleur de cet effet reste toutefois difficilement mesurable.
 
Pour autant, et après analyse :

-  Les meublés de tourisme type Airbnb sont clairement visés. Ce type d’investissement qui a déjà perdu une partie de ses atouts dans certaines villes du fait d’une réglementation accrue, verra ses derniers avantages considérablement réduits à l’avenir, voire complètement supprimés.
 
- Les meublés de tourisme exploités dans des résidences spécifiquement prévues à cet usage (Résidences affaires, résidences de vacances) ne seraient pas concernés. En effet, le fait de louer un bien de ce type ne prive aucunement les habitants d’un bien qui pourrait être occupé à titre de résidence principale et n’a pas d’impact sur les prix de l’immobilier résidentiel.
 
- Les meublés à titre d’habitation principale d’un locataire ne seraient pas concernés. (Résidences séniors, logements étudiants, locations longue durée en direct)

CONCLUSION

Pour finir, je pense qu’il ne s’agirait probablement que d’une première étape dans le « rééquilibrage » du secteur de l’immobilier. Les propriétaires de meublés de tourisme exploités en direct peuvent se poser des questions. 
 
Ensuite, je note que le sujet de l’amortissement n’est évoqué que brièvement à la page 41. S’agissant toutefois du principal atout fiscal du statut du loueur meublé et donc par extrapolation d’une source de revenus potentielle considérable pour l’Etat, il serait envisageable que ce dernier puisse être aménagé pour les meublés de tourisme exploités en direct.
 
La location nue, principale bénéficiaire des différentes mesures potentielles, pourrait avoir de beaux jours devant elle. L’investissement en résidences séniors, résidences étudiantes, résidences affaires ou meublés longue durée resteraient des solutions intéressantes et à considérer, dans le cas d’un investissement immobilier.

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