Une fenêtre plutôt correcte sur les Treasuries américain pour protéger son portefeuille (Amplegest)

Le rebond marqué des taux longs américains remet en question la détente monétaire
Depuis quelques semaines, les taux longs américains ont significativement rebondi, les marchés remettant en cause la politique accommodante de la FED qu’ils envisageaient quelques mois plus tôt : l’emploi reste solide, la croissance ne faiblit pas et les droits de douane de l’administration Trump ont finalement apporté plus d’air budgétaire que de tensions économiques. Résultat : les prévisions de baisse de taux directeurs se sont éloignées, les marchés ont réévalué la trajectoire de l’inflation et les taux longs se sont tendus d’une vingtaine de points de base sur le mois. Le 30 ans américain évolue désormais autour de 4,7 %, contre 4,5 % il y a peu, porté par la crainte d’une croissance plus forte que prévu.
Une tension sur les taux reflétant une économie solide et un budget renforcé
Ce rebond des taux ne traduit pas un déséquilibre particulier ou un accroissement du risque de crédit (comme pour la France), mais une économie américaine qui fonctionne, un budget mieux équilibré grâce aux recettes douanières (près de 30 milliards de dollars par mois), et une Fed prudente mais pas affolée. Pour un investisseur obligataire, cela peut ouvrir une fenêtre intéressante pour une poche de protection de portefeuille alors même que les autres marchés deviennent plus volatiles : les Treasuries longs, entre 10 et 20 ans, offrent désormais près de 4,8 % sans risque de crédit (hormis celui de l’État Américain bien sûr mais il est plutôt systémique, de très long terme et actuellement plutôt inférieur à celui des entreprises, dont les spreads de crédit sont au plancher et rémunèrent assez peu le risque, ou des États européens…). Même si les taux montaient encore de 40 à 50 points de base — vers 5,2 % à 5,3 %, les plus hauts récents — la perte potentielle à horizon un an resterait limitée, voire nulle au regard du portage. Mais en cas de stress de marché et de regain des anticipations de baisse de taux de la FED ou de flight to quality, ces obligations offriraient toute leur fonction de couverture.
L'intérêt des Treasuries long terme malgré le coût de la couverture de change
On devra en revanche s’abstenir de couverture de change pour utiliser cet outil car la couverture coûte cher, ce qui pourra rebuter certains investisseurs mais ne nous semble pas très dangereux compte tenu du niveau du dollar actuel et de l’équilibre économique de long terme largement favorable aux USA, si tant est que la position soit constituée pour le long terme. Ainsi 2% de complément de rendement chaque année pendant plusieurs années compensera largement de potentiels effets de change négatifs. A l’inverse, des investisseurs ne devront surtout pas envisager de telles positions en ayant un objectif à quelques semaines…
Une Europe freinée par des marges budgétaires faibles et des rendements trop bas
À l’inverse, l’Europe reste engluée : des États aux marges budgétaires quasi nulles, des rendements largement inférieurs et des bilans publics toujours plus lourds. Les OAT et Bunds offrent peu de coussin et beaucoup de risque et les spreads faibles incitent peu à la prise de risque sur l’obligataire européen, que ce soit en termes de duration ou de crédit, on restera donc plutôt positionné sur le 2-4 ans de qualité intermédiaire, à la visibilité forte.
La dette privée sous surveillance selon l’IAIS
Nous évoquions la semaine passée quelques réserves sur certains pans de la dette privée, en particulier dans certains fonds particulièrement agressifs… Un rapport sorti cette semaine par l’IAIS (Association internationale des autorités de contrôle des assurances) semble conforter cette opinion. À la recherche de rendement pendant la décennie 2010, les assureurs en ont acheté massivement pour compenser la baisse des taux, mais se retrouvent aujourd’hui avec des portefeuilles illiquides, complexes et peu valorisables. Les défauts récents les ont poussés à reconsidérer ces expositions : non seulement les entreprises sous-jacentes doivent refinancer des dettes à des coûts beaucoup plus élevés, voire prohibitifs, mais les assureurs eux-mêmes commencent à admettre que la « stabilité » de ces actifs reposait surtout sur l’absence de cotation, et donc sur une contrainte. Les autorités évoquent désormais la nécessité de classer clairement les actifs alternatifs selon trois critères : incertitude d’évaluation, illiquidité et complexité – autrement dit, tout ce qu’on avait choisi d’ignorer pendant dix ans alors même que les marchés obligataires cotés avaient, eux, été sous l’œil affuté du régulateur et qu’on lisait à longueur d’articles et d’ouvrages que le marché obligataire recelait un risque majeur d’illiquidité qu’il fallait mesurer, piloter, évaluer, voire éviter… Un comble...
Les ETI, nouveau maillon faible potentiel du crédit européen
Ce risque est d’autant plus concret que les ETI, principales emprunteuses de ce marché puisqu’elles sont trop petites pour accéder au marché obligataire, peinent à préserver leurs marges, comme en témoigne l’Observatoire ATH : la marge d’exploitation moyenne a reculé à 4,1 % en 2024, contre 4,6 % en 2021, et ce malgré un chiffre d’affaires nominalement stable. L’inflation a fait son œuvre : hausse des salaires, des coûts de production, et pression sur les prix de vente dans un contexte économique et social plutôt morose. Les structures financières restent solides sur le papier, mais la combinaison de marges compressées et de charges d’intérêts croissantes laisse présager une période délicate. L’équation est simple : sans croissance, avec un pouvoir de négociation limité vis-à-vis des fournisseurs et des clients (contrairement aux grandes enseignes mondiales, comme on avait déjà pu le voir lors des poussées inflationnistes de 2020-2022 qui avaient largement favorisé les marques globales au détriment des entreprises plus petites et au pouvoir de négociation plus faible) et avec des emprunts dont le coût se renchérit à chaque maturité depuis 3 ans, beaucoup de PME/ETI risquent de devenir les nouveaux maillons faibles du crédit européen, bien plus que les grandes entreprises High Yield aux ressources de financement plus profondes et plus variées et à la latitude bien plus importante sur le bilan, la diversification ou les cessions d’actifs.
Matthieu Bailly, Amplegest
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