Nouvelle administration américaine : les marchés vacillent ? (Franklin Templeton)

Un climat d’incertitude et des défis macroéconomiques
La nouvelle administration américaine a débuté sur les chapeaux de roues avec une avalanche d’actions, de projets et d’idées, suscitant en retour une frénésie de réactions aussi bien aux États-Unis qu’à l’international. Tout cela a engendré un flot d’informations à traiter et un brouhaha dont il faut extraire l’essentiel. En conséquence, évaluer l’équilibre des risques pesant sur l’environnement macroéconomique est devenu particulièrement difficile. Tentons de faire le point sur la situation.
Cette baisse de confiance s'est accompagnée d’un ralentissement de la consommation des ménages, ce qui a contribué à la révision à la baisse des prévisions de croissance pour le premier trimestre par la Réserve fédérale d'Atlanta (Fed), bien que le principal facteur ait été, de loin, l’accélération des importations. Par ailleurs, les données décevantes de l’ISM manufacturier pour février suggèrent également un début d’année plus faible.
À mon avis, la question clé sous-jacente est le séquençage des mesures politiques. Jusqu’à présent, l’action s’est principalement concentrée sur les tarifs douaniers et sur le Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE). En revanche, les avancées concrètes en matière de déréglementation et de réductions d’impôts – deux leviers essentiels pour stimuler la croissance économique tout en maîtrisant l’inflation – se font encore attendre.
Une incertitude persistante pour les ménages et les entreprises
En conséquence, pour l’instant, les ménages et les entreprises font face à une incertitude accrue, à une pression persistante sur les prix, l’inflation restant élevée, et à l’absence de nouvelles tangibles sur la fiscalité.
Cela dit, il ne faut pas oublier que l’administration en place n’est en fonction que depuis un peu plus d’un mois. La priorité immédiate donnée aux réductions de coûts et aux changements de personnel au sein des agences gouvernementales complique la mise en œuvre simultanée de la déréglementation. Cela perturbe en effet les agences mêmes qui sont chargées de réformer les cadres réglementaires dans leurs domaines respectifs. Ce retard est regrettable, mais il n’y a pas encore lieu de douter de la volonté de l’administration en la matière. Le président Trump a souvent réaffirmé que l’allègement du fardeau réglementaire est une priorité, et le bilan de son premier mandat en témoigne. De plus, l’approche résolue du DOGE pour rendre la bureaucratie plus légère et plus efficace semble indiquer une attitude similaire vis-à-vis de la réglementation.
Les négociations budgétaires et l’équilibre des finances publiques
Entre-temps, la Chambre des représentants et le Sénat ont récemment adopté deux projets de loi budgétaires distincts, incluant d’importantes réductions d’impôts ainsi que des coupes dans les dépenses publiques. Les progrès sur ce front seront plus difficiles et nécessiteront davantage de temps. Le Congrès et l’administration doivent concilier des objectifs ambitieux en matière de baisses d’impôts avec la nécessité de réduire le déficit budgétaire à des niveaux plus soutenables que la moyenne de 6 % à 7 % du PIB observée ces dernières années. Puisque des coupes dans la Sécurité sociale et Medicare semblent exclues, parvenir à des réductions de dépenses appropriées sera un défi, et l’adoption d’un nouveau cadre budgétaire demandera un travail considérable.
Le rôle du DOGE dans la réduction des dépenses publiques
Le DOGE, qui semble faire des progrès constants dans l'identification des dépenses publiques « d'une valeur douteuse », apportera une certaine aide. Cela n'a rien de surprenant. L'année dernière, le « Government Accountability Office » a estimé à environ 240 milliards de dollars les paiements indus pour l'année fiscale 2023, et à 2 700 milliards de dollars le montant cumulé de ces dix dernières années (on entend par paiements irréguliers les trop-perçus, les paiements effectués à des personnes ou entités non éligibles et, dans certains cas, les fraudes). Il existe donc un réel potentiel d’économies. Toutefois, ce que nous avons observé jusqu’à présent ne modifie pas mon point de vue : il sera difficile de remettre la politique budgétaire américaine sur une trajectoire plus saine à long terme sans s’attaquer aux prestations sociales. Le DOGE peut certes contribuer à l’équilibre budgétaire et favoriser une croissance plus robuste grâce à une administration plus efficace, mais il ne résoudra pas à lui seul le défi fiscal de long terme, qui reste une question essentielle pour le président comme pour le Congrès.
Des réformes favorables à la croissance malgré un climat incertain
Dans l’ensemble, la nouvelle administration américaine poursuit une trajectoire de réformes favorables à la croissance. L’incertitude qui l’accompagne engendre certains risques, et nous devons surveiller de près les indicateurs de confiance et d’activité. Comme mentionné précédemment, la récente baisse de confiance des consommateurs est préoccupante. En revanche, le Conference Board a aussi enregistré une forte hausse de la confiance des chefs d'entreprise, témoignant d’un optimisme marqué quant aux perspectives économiques. Et si la consommation des ménages s'est ralentie en janvier, nous avions observé une baisse similaire en janvier de l'année dernière, suivie d'une hausse solide jusqu'en 2024. Dans l'ensemble, l'activité économique reste résiliente et le marché du travail se porte toujours très bien. Les inquiétudes sur l’impact négatif des tarifs douaniers sur la croissance sont compréhensibles, mais ne doivent pas être exagérées : comme je l’ai écrit dans un précédent article, les États-Unis sont une économie de grande taille et relativement fermée, où le commerce extérieur joue un rôle limité dans la croissance. Il faut rester vigilant, mais un pessimisme excessif serait, à mon sens, prématuré. Je m’attends toujours à ce que l’économie américaine croisse au-dessus de son potentiel cette année.
L’inflation et la politique monétaire de la Fed
Je m’attends également à ce que les pressions inflationnistes restent soutenues, avec une inflation globale terminant l’année à des niveaux proches de ceux actuellement observés. Et puisque la Fed a déjà fait preuve de prudence et identifié les tarifs douaniers comme un risque inflationniste potentiel, je continue de penser que le cycle d'assouplissement actuel touche à sa fin ou s’en approche, même si les marchés ont récemment intégré deux baisses de taux supplémentaires au lieu d’une seule.
Les rendements obligataires face aux incertitudes économiques
Un ralentissement de l’activité économique pourrait, à la marge, atténuer la pression haussière sur les rendements obligataires, mais pas de manière significative, surtout si la politique budgétaire reste aussi accommodante qu’elle l’est actuellement. Je continue de prévoir un rendement du Treasury à 10 ans dans une fourchette de 4,75 % à 5 % d’ici la fin de l’année, mais un manque de progrès en matière de déréglementation pourrait maintenir ce taux vers le bas de cette fourchette. À l’inverse, une nouvelle augmentation significative du déficit budgétaire pourrait pousser les rendements au-delà du seuil de 5 %.
Nous devons nous attendre à une volatilité et un bruit médiatique persistants. Mais l’élément clé à surveiller dans les semaines à venir reste l’évolution de la réforme budgétaire et de la déréglementation, qui pourraient apporter une impulsion positive à la confiance, car ce sont ces réformes qui détermineront la trajectoire d’une croissance solide et durable.
Deux des premières initiatives de l’administration pourraient entraîner d’importantes perturbations, nourrissant ainsi les craintes d’un impact négatif sur l’activité économique. Les menaces tarifaires en sont l’exemple le plus évident, car elles pourraient inciter les entreprises à différer leurs investissements en attendant de déterminer comment elles devront réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement ou absorber des coûts d’intrants plus élevés. La seconde concerne la réduction des dépenses publiques et des effectifs, impulsée par le nouveau Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE). Cette initiative a fait naître des inquiétudes quant à une possible dégradation des services publics ainsi qu’à un impact direct sur l’emploi global.
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