L’automobile européenne secouée par des révisions en chaîne

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Les constructeurs automobiles européens enchaînent les révisions à la baisse

C’est un gigantesque carambolage. Les sociétés européennes de l’automobile révisent, les unes après les autres, leurs prévisions annuelles à la baisse. On assiste à un véritable effondrement de la rentabilité d’une forteresse industrielle, qui s’écroule en réalité comme un château de cartes. Ainsi, les marges opérationnelles, ainsi que les flux de trésorerie disponibles (free cash-flows), sont revus à la baisse pour 2025. À chaque annonce, le titre de l’entreprise concernée est de facto malmené en Bourse, au cours d’une séance extrêmement volatile, où fortes baisses et importants rebonds s’alternent. Le bonnet d’âne revient sans équivoque à Renault, dont l’action s’est effondrée de 18,47 % le 16 juillet, après un triste communiqué. D’autres victimes sont à déplorer sur le plan opérationnel, telles que Stellantis et Volkswagen en Europe, ainsi que Tesla outre-Atlantique. Toute cette agitation contraste fortement avec l’environnement actuel des marchés européens, qui affichent beaucoup de sérénité et de solides performances.

Quelles sont les causes de ces révisions, et sont-elles terminées ? Pourquoi de telles divergences de performance entre les titres automobiles ?

Les décisions américaines pénalisent l’ensemble du secteur

Le premier coupable de cette Bérézina de mauvais résultats est tout trouvé, Donald Trump, avec ses droits de douane et la fin des subventions pour les véhicules électriques. Le 20 janvier, le locataire de la Maison-Blanche a dégainé un décret stipulant l’abandon du crédit d’impôt de 7 500 dollars pour l’achat d’un véhicule électrique. Cet acte a été confirmé par la loi de financement du 4 juillet, fixant au 30 septembre 2025 la date d’échéance de cette mesure incitative. De surcroît, la guerre tarifaire a été déclarée lors d’une conférence de presse le 26 mars dernier, avec l’instauration d’une taxe de 25 % sur toutes les importations de voitures et de camions aux États-Unis. Cette mesure, mise en place dès le 3 avril, a perturbé à la fois toute la chaîne de production et la demande finale.

Des chutes de livraisons spectaculaires pour Stellantis et Volkswagen

Ainsi, Stellantis a vu ses livraisons chuter de 20 % et 25 % en Amérique du Nord au premier et au deuxième trimestre. Même son de cloche chez Volkswagen, qui vient de publier une baisse des ventes de 16 % au premier semestre dans cette même zone. La firme allemande a estimé à 1,3 milliard d’euros l’augmentation des coûts liés aux tarifs, soit 0,82 % des revenus.

Tesla en difficulté malgré son ancrage local

Tesla a également laissé des plumes, et ce n’est pas fini. Le constructeur américain, propriété de l’ex-ami du président, n’est pas épargné. C’est tout le contraire, avec une baisse de 16 % de ses revenus automobiles et de 13 % de ses livraisons, à 384 122 unités. Elon Musk a clairement sous-entendu que les difficultés pourraient durer plusieurs trimestres, dans le sillage de l’abandon des subventions et de la poursuite de l’instabilité politique. La stratégie de l’entreprise bascule vers davantage d’intelligence artificielle, avec les taxis robots, les futurs modèles autonomes et les redevances sur les stations de recharge.

Renault aussi révisé, malgré son absence du marché américain

Renault, quasiment absent des États-Unis, également touché. Cet acteur était très choyé des investisseurs, car il devait théoriquement être exempté des foudres de Washington, grâce à son absence du continent nord-américain. Cette tactique n’a pas payé, car le Français a révisé sa marge opérationnelle annuelle à 6,5 %, contre 7 % précédemment, et vise désormais un flux de trésorerie disponible compris entre 1 et 1,5 milliard d’euros, contre plus de 2 milliards auparavant. Pourtant, la firme de Boulogne-Billancourt a enregistré une croissance de 2,5 % de son chiffre d’affaires, selon ses données préliminaires non auditées. Un marché plus concurrentiel avec le chinois BYD, une augmentation des stocks et un marché en retrait, particulièrement en France, où les immatriculations ont baissé de 8 % au premier semestre pour l’ensemble des constructeurs, expliquent cette déception.

Ferrari résiste grâce à son positionnement luxe

Ferrari, seul exempté ? D’après les propos du management, Ferrari semble confirmer sa confiance dans son activité. Être une marque de luxe dans cette industrie, comme dans tous les secteurs, permet d’avoir des marges brutes extrêmement élevées. La firme de Maranello affiche une marge brute de 50 %, contre 13 % à 20 % pour ses concurrents. Cela permet de mieux absorber les divers impacts négatifs, comme entre autres le change, avec la hausse de l’euro. Dotée d’un fort earning power, la marque au cheval cabré pourra sans problème augmenter le prix de ses célèbres bolides pour maintenir sa rentabilité. Les autres devront souffrir.

Le redressement du secteur dépendra de l’adaptation des modèles

La course n'est pas finie. Toutefois, la ligne d’arrivée n’est pas encore franchie, et des droits de douane à 15 %, comme ceux accordés au Japon, pourraient relancer le marché de l’automobile et redynamiser les marges. En attendant, le sujet le plus important pour chaque société est d’adapter au mieux sa structure de coûts, notamment face au problème de l’accessibilité des modèles électriques, afin de consommer le moins de trésorerie possible pour maintenir son dividende. C’est essentiel avec des rendements importants, de 6 à 8 %.

Source Lettre hebdomadaire 651, Par Arnaud BENOIST-VIDAL, Gérant d’actifs, Financière de l'Arc

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