Dry Powder : ce capital en attente qui façonne l’avenir des investissements (Private Corner)

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Qu’est-ce que la dry powder et pourquoi elle compte dans le non coté

Dans l’univers du non coté, un terme revient souvent : la dry powder. Littéralement « poudre sèche », cette expression désigne les capitaux que les investisseurs ont confié à un fonds, mais qui n’ont pas encore été investis dans une société. Pourquoi ce concept est-il si crucial ? Comment influence-t-il les stratégies d’investissement et les rendements ? Et quels sont les risques liés à une accumulation excessive de ce capital non déployé ? Voici ce qu’il faut savoir pour comprendre ce levier stratégique, souvent méconnu des épargnants.

Une réserve de liquidités prête à l’emploi

La dry powder représente les fonds engagés par des investisseurs auprès d’un fonds de capital-investissement, mais qui n’ont pas encore été appelés par les gestionnaires. Ces montants, disponibles sur demande (les appels de fonds), constituent une réserve de liquidités que le gérant peut mobiliser à tout moment pour financer une nouvelle opération, renforcer une position existante ou répondre à un besoin de trésorerie. Ils ne figurent donc pas dans les actifs nets du fonds mais représentent un potentiel d’investissement immédiat. Cette réserve stratégique est centrale dans le fonctionnement des fonds fermés dans lesquels les appels de fonds sont échelonnés sur la durée de la période d’investissement, en fonction des opportunités identifiées.

La dry powder est ainsi l’expression concrète de la promesse d’allocation, mais aussi du différé d’exécution. L’expression vient du monde militaire : à l’époque des mousquets, les soldats devaient garder leur poudre au sec pour pouvoir tirer au moment décisif. Transposée à la finance, cette métaphore illustre l’importance de conserver des liquidités prêtes à être mobilisées quand les conditions sont favorables.

Rôle stratégique de la dry powder

Dans un environnement où les opportunités d’investissement peuvent apparaître et disparaître rapidement, disposer de dry powder permet aux fonds d’agir sans délai. Par exemple, lors d’une vente forcée ou d’une acquisition urgente, un fonds avec des liquidités disponibles peut conclure une transaction là où d’autres devraient lever des capitaux supplémentaires.

La dry powder n’est pas seulement utile pour de nouveaux investissements. Elle permet aussi de renforcer les entreprises déjà détenues en portefeuille, en finançant leur croissance, leur restructuration ou en les aidant à traverser une période difficile sans diluer la valeur des actifs existants.

En période d’incertitude (hausse des taux, tensions géopolitiques, ralentissement économique), la dry powder apporte une marge de manœuvre précieuse. Elle permet d’éviter les ventes précipitées à perte et de saisir des opportunités sous-évaluées, tout en attendant des conditions de marché plus favorables.

Enjeux et risques d’une dry powder excessive

Un capital qui perd de sa valeur avec le temps. Plus les capitaux restent non investis, plus la pression s’accroît sur les gestionnaires pour les déployer rapidement. Cela peut nuire à la performance globale du fonds, car le temps passe sans générer de rendement. Les investisseurs (LPs) peuvent alors douter de la capacité du fonds à identifier des opportunités pertinentes.

Une concurrence accrue et des valorisations gonflées. Quand la dry powder est abondante, les fonds se retrouvent en compétition pour un nombre limité d’actifs de qualité. Résultat : les prix montent, et le risque de surpayer ou de baisser ses critères de sélection augmente, ce qui peut compromettre la qualité du portefeuille.

La tentation de l’investissement précipité. Sous la pression, certains fonds peuvent investir trop vite, dans des actifs peu différenciants ou mal maîtrisés. Cette précipitation peut nuire à la performance à long terme et diluer la valeur créée pour les investisseurs.

Comment évaluer la dry powder d’un fonds ?

Pour un épargnant ou un investisseur, analyser la dry powder ne se limite pas à regarder un chiffre. Il faut l’interpréter en fonction de plusieurs critères :

- La maturité du fonds : Une dry powder élevée est normale en début de vie d’un fonds, mais devient préoccupante après quatre ou cinq ans.

- Le rythme de déploiement : Un fonds qui appelle régulièrement des capitaux montre une activité dynamique, tandis qu’un rythme trop lent peut indiquer des difficultés à trouver des opportunités.

- La cohérence avec la stratégie : Un gestionnaire qui lève des fonds massifs sans capacité opérationnelle à les déployer peut masquer des faiblesses structurelles.

Perspectives

Tendances récentes et nouvelles pratiques

Le rapport Bain 2025 indique que l’activité d’investissement reprend depuis fin 2024 après deux années de ralentissement, mais de manière sélective. Les gestionnaires privilégient des transactions plus petites et ciblées, évitant les méga-deals risqués.

Face à la difficulté de vendre certaines participations, les fonds créent des véhicules de continuation. Ces structures permettent de maintenir un actif en portefeuille tout en offrant de la liquidité aux investisseurs initiaux, sans recourir à de la dry powder supplémentaire.

Certains fonds empruntent en utilisant la valeur de leur portefeuille comme garantie. Cette pratique permet de financer de nouveaux investissements sans appeler de nouveaux capitaux, mais elle soulève des questions sur la transparence et le niveau d’endettement.

2025-2026 : vers une gestion plus rationnelle du capital

L’année 2025 marque un tournant : les acteurs du non coté doivent repenser leur approche de la dry powder. Trois tendances se dégagent :

- Une sélection plus rigoureuse : Les fonds les plus performants sont ceux qui résistent à la pression de déployer rapidement et restent fidèles à une discipline stricte de sélection.

- Des levées de fonds plus modérées : Certains gestionnaires réduisent volontairement la taille de leurs fonds pour mieux aligner les capitaux levés avec leur capacité réelle à investir.

- Des structures innovantes : Les fonds de continuation (continuation funds) et les financements adossés à la valeur des portefeuilles (NAV-based financing) se développent pour optimiser la gestion du cycle de vie des fonds et répondre aux attentes des investisseurs en matière de liquidité.

Ces trois dynamiques ne sont pas indépendantes : elles traduisent un même mouvement de professionnalisation et de maturation du secteur, dans lequel la dry powder cesse d’être perçue comme une simple réserve de guerre, pour devenir un outil stratégique, soumis à un impératif de qualité, de transparence et de cohérence.

Pour les épargnants, comprendre ce mécanisme est essentiel pour évaluer la qualité d’un fonds et la pertinence de sa stratégie. À l’heure où le marché du capital-investissement évolue vers plus de sélectivité et d’innovation, la dry powder reste un indicateur clé à surveiller.

Par Private Corner

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