MaPrimeRénov’ : revirement du gouvernement sur les aides à la rénovation énergétique

Une annonce brutale : la suspension estivale du dispositif
Le 10 juin 2025, le gouvernement annonçait une mesure inattendue : la suspension du dispositif MaPrimeRénov’ pour l’été, du 1er juillet au 15 septembre. L’objectif officiellement affiché était de désengorger les services administratifs saturés et de renforcer la lutte contre les fraudes, en suspendant temporairement l’instruction des nouvelles demandes. Cette pause devait aussi permettre un audit technique et réglementaire du dispositif, dont l’efficacité est contestée depuis plusieurs mois.
La mesure visait spécifiquement les rénovations d’ampleur, dans le cadre du parcours MaPrimeRénov’ accompagné, devenu obligatoire pour les projets à plus de deux gestes. Les autres formes de rénovation, notamment les travaux dits "monogestes", semblaient concernées dans un premier temps.
Depuis la publication de cet article, le gouvernement a précisé que seule la composante “rénovation d’ampleur” de MaPrimeRénov’ serait suspendue du 23 juin au 15 septembre 2025. Les parcours “monogeste” et “copropriété” restent ouverts. La reprise des rénovations globales est prévue à la rentrée.
Une prise de distance du chef de l’État sur la méthode
À la suite de l’annonce gouvernementale, Emmanuel Macron a exprimé publiquement sa réserve sur la décision de suspension de MaPrimeRénov’. Le président de la République a demandé à ses ministres de ne pas envoyer de signaux contradictoires sur les politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Il a insisté sur la nécessité de préserver la lisibilité et la continuité des dispositifs incitatifs afin de garantir l’engagement des ménages et des professionnels du secteur.
Une gestion jugée chaotique par les observateurs
Dans une tribune au vitriol, Le Point dénonce une "farce" et un "triomphe du recul en politique". L’éditorialiste Sophie Coignard y voit l’illustration d’un système incapable d’anticiper, gouverné par les revirements et la pression de l’opinion. Elle critique aussi le fonctionnement de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), noyée sous les dossiers et incapable de suivre la cadence.
Le traitement des aides est en effet régulièrement ralenti par des retards administratifs, des dossiers incomplets, et une surcharge chronique. Les artisans du bâtiment et les particuliers déplorent la complexité du parcours MaPrimeRénov’, en particulier depuis la réforme début 2024, qui rend obligatoire l’accompagnement par un opérateur agréé pour les rénovations performantes.
Un revirement sous pression : maintien partiel des aides
Sous la pression des professionnels et des élus locaux, le gouvernement a annoncé un changement de cap le 16 juin 2025. La ministre du Logement, Valérie Létard, a précisé que les aides MaPrimeRénov’ ne seraient finalement suspendues que pour les rénovations d’ampleur. Les petits travaux, comme l’installation de chaudières ou l’isolation des combles, pourront continuer à bénéficier du dispositif durant l’été.
Ce revirement vise à éviter un arrêt brutal de l’activité dans le secteur du bâtiment, et à ne pas pénaliser les ménages modestes engagés dans des projets simples mais urgents. Le gouvernement assure que tous les dossiers déposés avant le 30 juin seront instruits, y compris ceux relevant du parcours accompagné.
Des règles plus strictes à partir de septembre
À partir du 15 septembre 2025, date de reprise officielle du dispositif, plusieurs ajustements réglementaires entreront en vigueur. D’après les informations de Capital, l’exécutif entend renforcer les contrôles sur les entreprises agréées, resserrer les critères d’éligibilité et privilégier les rénovations globales plutôt que les gestes isolés.
Les accompagnateurs agréés devront suivre un cahier des charges renforcé, et les audits énergétiques deviendront plus contraignants. Cette réforme vise à garantir l’efficacité énergétique réelle des travaux subventionnés, alors que plusieurs rapports ont souligné les limites de certaines rénovations monogestes, qui ne permettent pas toujours un gain significatif sur les consommations.
Un signal brouillé pour la politique climatique
La suspension, même partielle, du dispositif reste un signal ambigu pour la transition énergétique. Le bâtiment représente près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et la rénovation énergétique est un pilier du plan national bas carbone. Les experts alertent sur les effets d’un ralentissement, même temporaire, dans la dynamique engagée.
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Le budget alloué à MaPrimeRénov’ reste toutefois important : 3,6 milliards d’euros pour 2025. Le gouvernement entend le recentrer sur les rénovations performantes et continue de défendre l’objectif de 200 000 rénovations globales d’ici fin 2025. Mais l’incertitude autour des règles et des délais d’instruction pourrait freiner les engagements à court terme, alors que les prix de l’énergie restent élevés.
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Une confiance à reconstruire avec les ménages et les artisans
Pour les entreprises du bâtiment, la succession d’annonces contradictoires nuit à la lisibilité de l’action publique. Plusieurs fédérations professionnelles ont exprimé leur inquiétude face aux "à-coups réglementaires" et réclament une simplification durable du dispositif. Le recours obligatoire à un accompagnateur est aussi critiqué pour sa lourdeur et son coût, parfois dissuasif pour les foyers modestes.
Du côté des ménages, la reprise partielle est saluée, mais elle ne dissipe pas toutes les incertitudes. Le manque de clarté sur les critères, les délais d’attribution et l’évolution des montants subventionnés alimente la méfiance, dans un contexte où la rénovation énergétique reste souvent vécue comme un parcours du combattant.
Vers un nouveau modèle pour 2026 ?
Le gouvernement laisse entendre que la réforme actuelle pourrait ouvrir la voie à une transformation plus large du dispositif. Plusieurs pistes sont évoquées : recentrage sur les passoires thermiques, modulation des aides selon la performance réelle obtenue, ou encore fusion avec d’autres dispositifs comme les CEE (certificats d’économie d’énergie).
Mais aucune feuille de route précise n’a encore été publiée. Les arbitrages sont attendus à l’automne, après évaluation de l’impact des nouvelles règles de septembre. En attendant, la gestion de MaPrimeRénov’ reste un casse-tête politique autant qu’administratif.
Sources : Huffington Post, Le Monde, Le Point, Capital
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