Comment optimiser la transmission de ses cryptoactifs ?


Lorsqu’un détenteur de cryptoactifs voit son portefeuille prendre de la valeur, il peut souhaiter en faire profiter ses enfants de son vivant. Son enjeu est alors de réaliser cette transmission dans les meilleures conditions juridiques et fiscales, tout en garantissant la sécurité de l’opération.
Comprendre le calcul de la plus-value de cession de cryptoactifs
Suivant l’article 150 VH bis du code général des impôts, le calcul de la plus ou moins-value brute de cession de cryptoactifs s’effectue à partir de la formule suivante :
Plusieurs précisions sont à noter :
• Le prix d’acquisition total du portefeuille est réduit à chaque opération imposable des fractions de capital déjà contenues dans le prix de revient de chacune des différentes cessions antérieures à titre onéreux ou à titre gratuit.
• La donation de cryptoactifs est considérée comme une cession à titre gratuit.
• La valeur globale du portefeuille doit tenir compte de la valeur de l’ensemble des cryptoactifs détenus par les différents membres du foyer fiscal du détenteur du portefeuille.
Cette méthode de calcul conduit à retenir comme assiette taxable une partie des plus-values latentes sur les cryptoactifs non encore cédés.
Le portefeuille d’actifs numériques constitue une seule masse quels que soient les cryptoactifs qui le composent : la plus ou moins-value s’apprécie au niveau global et non pas par cryptoactif. On peut donc être amené à vendre un cryptoactif à perte tout en dégageant une plus-value imposable et inversement.
Rappelons que la conversion des cryptoactifs en euros est assimilée à une cession à titre onéreux de cryptoactifs imposable dans les conditions de l’article 150 VH bis du CGI.
Les gains de cession occasionnelle d’actifs numériques réalisés par des particuliers domiciliés en France dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé sont imposés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (dont 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux), sauf option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent les 17,2 % de prélèvements sociaux (hors contributions sur les hauts revenus).
Plutôt que de vendre tout ou partie de ses cryptoactifs pour en donner le produit de cession à ses enfants, le détenteur du portefeuille aura tout intérêt à inverser la chronologie des opérations afin d’éviter une taxation à deux niveaux :
• Taxation de la plus-value constatée lors de la vente des cryptoactifs, potentiellement importante en raison de leur forte volatilité ;
• Taxation de la donation aux droits de mutation à titre gratuit suivant le montant donné et l’abattement disponible.
Privilégier la donation de ses cryptoactifs avant leur cession
Tout comme les autres éléments du patrimoine, les cryptoactifs peuvent faire l’objet d’une donation afin d’anticiper la transmission en faveur de ses enfants.
Il existe actuellement un abattement de 100 000 € par parent et enfant qui se renouvelle tous les 15 ans.
La donation de cryptoactifs en ligne directe qui dépasse le montant de l’abattement disponible est soumise aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) dont le barème progressif est le suivant :
Barème applicable aux donations et successions en ligne directe
Le prix d’acquisition des cryptoactifs reçus par l’enfant donataire est réactualisé au jour de la donation et la plus-value latente accumulée avant la transmission est purgée en partie ou en totalité selon que la donation est réalisée en faveur d’enfants compris ou non dans le foyer fiscal de leurs parents eu égard aux spécificités du calcul du gain de cession évoquées précédemment (voir illustration chiffrée ci-dessous).
La plus-value résultant de la cession ultérieure par l’enfant donataire des cryptoactifs transmis sera déterminée en fonction du prix d’acquisition retenu lors de la transmission et si la cession est réalisée peu de temps après la donation, la plus-value et l’impôt subséquent ne seront pas significatifs.
Par principe, c’est au donataire de régler les droits de donation le cas échéant mais ils peuvent être pris en charge par le donateur sans que cela soit considéré comme une donation supplémentaire soumise à fiscalité.
En l’état actuel des textes et de la doctrine administrative, soulignons que les DMTG acquittés par le donataire ne pourront pas venir majorer le prix d’acquisition lors de la cession ultérieure des cryptoactifs reçus par donation pour calculer le gain potentiel.
Cas pratique : comparaison des stratégies de donation et de cession
À titre d’illustration chiffrée, analysons le cas de Madame Martin et de sa fille Julie.
En année N, Madame Martin acquiert des cryptoactifs pour un montant de 100 000 €.
En année N+4, la valeur globale de son portefeuille de cryptoactifs est de 800 000 €.
Elle envisage pour la première fois de réaliser une donation en faveur de Julie d’une partie de son portefeuille de cryptoactifs pour une valeur de 600 000 €.
La valeur des cryptoactifs n’a pas évolué entre la donation et leur conversion en euros.
Scénario 1 : Vente des cryptoactifs avant donation
Vente de cryptoactifs pour 600 000 € puis donation à Julie du produit de cession
• Calcul de l’impôt de plus-value
Plus-value taxable
= 600 000 – (100 000 x 600 000 / 800 000) = 525 000 €
Soit un impôt de 157 500 € (PFU de 30 % hors contributions sur les hauts revenus) c’est-à-dire aucune purge de la plus-value
• Calcul des droits de donation
Montant transmis après cession : 442 500 €
Montant des droits de donation :
442 500 – 100 000 d’abattement = (342 500 x 20 %) - 1 806 (formule de calcul rapide à partir du barème des droits de donation en ligne directe) = 66 694 €
Coût fiscal total : 224 194 €
Scénario 2 : Donation de cryptoactifs avant cession, foyer fiscal disctinct
Donation de cryptoactifs pour 600 000 € suivie de leur conversion en euros en faveur de Julie qui n’est plus rattachée au foyer fiscal de Madame Martin
• Calcul des droits de donation
Montant transmis : 600 000 €
Montant des droits de donation :
600 000 – 100 000 d’abattement = (500 000 x 20 %) - 1 806 (formule de calcul rapide à partir du barème des droits de donations en ligne directe) = 98 194 €
• Calcul de l’impôt de plus-value
Plus-value taxable : 600 000 – (600 000 x 600 000 / 600 000) = 0 € c’est-à-dire purge totale de la plus-value
Coût fiscal total : 98 194 €
Scénario 3 : Donation de cryptoactifs avant la cession, même foyer fiscal
Donation de cryptoactifs pour 600 000 € préalablement à leur conversion en euros en faveur de Julie rattachée au foyer fiscal de Madame Martin
• Calcul des droits de donation
Montant transmis : 600 000 €
Montant des droits de donation :
600 000 – 100 000 d’abattement = (500 000 x 20 %) - 1 806 (formule de calcul rapide à partir du barème des droits de donations en ligne directe) = 98 194 €
• Calcul de l’impôt de plus-value
La donation réduit le prix d’acquisition de Madame Martin à hauteur d’une fraction du capital initial correspondant aux cryptoactifs donnés qui s’élève à :
100 000 x (600 000 / 800 000) = 75 000 €
On retient la valeur des cryptoactifs donnés à Julie dans le calcul du prix d’acquisition total du portefeuille puisque c’est l’ensemble du foyer fiscal qui doit pris en compte dans le calcul :
Prix total d’acquisition du portefeuille :
600 000 + 100 000 – 75 000 = 625 000 €
Plus-value taxable : 600 000 – (625 000 x 600 000 / 800 000) = 131 250 € c’est-à-dire purge partielle de la plus-value
Soit un impôt de 39 375 € (PFU de 30 % hors contributions sur les hauts revenus)
Coût fiscal total : 137 569 €
La donation avant cession de cryptoactifs permet de purger tout ou partie de la plus-value latente sur le portefeuille réduisant ainsi le coût global de l’opération.
Il est préférable de privilégier une donation en faveur d’enfants qui ne font plus partie du foyer fiscal de leurs parents donateurs afin de pouvoir optimiser l’opération de transmission par une purge totale de la plus-value latente sur le portefeuille de cryptoactifs transmis.
Cette stratégie aura d’autant plus d’impact si elle est réalisée sur un portefeuille de cryptoactifs dont la cession conduirait à extérioriser une forte plus-value.
Les opérations de donation suivies d’une cession de cryptoactifs doivent être abordées avec prudence afin d’éviter un risque de requalification en abus de droit et des conséquences fiscales importantes.
Il est recommandé au donateur de bien respecter la chronologie des opérations ainsi que l’intention libérale en évitant de se réapproprier les cryptoactifs précédemment donnés.
Sécuriser l’opération de donation de ses cryptoactifs
L’enjeu est de pouvoir fixer leur valeur au jour de la donation. Or, les cours des cryptoactifs étant souvent volatils, cette valeur peut être source de contestation.
Une manière d’anticiper ce risque est de faire certifier la date et l’heure de la transmission par un Prestataire de Services sur Cryptoactifs (PSCA) ou bien un notaire afin de figer la valeur retenue.
Il est recommandé, en pratique, de privilégier la réalisation de la donation par virement entre deux portefeuilles de cryptoactifs (ce qui suppose que le donataire crée en amont son propre portefeuille) plutôt que par la remise de la clé privée afin d’enregistrer la transaction sur la blockchain et de faciliter sa traçabilité.
En effet, en présence de plusieurs enfants, le recours au notaire permet de réaliser une donation-partage avec l’avantage de figer la valeur des cryptoactifs au jour de la donation contrairement à une donation simple telle que le don manuel.
De plus, la donation-partage n’est pas rapportable à la succession du donateur car le partage a déjà été opéré dans l’acte de donation : il n’est donc plus question d’un quelconque rééquilibrage au jour du décès entre les héritiers.
En définitive, toute stratégie d’optimisation de la transmission portant sur des cryptoactifs nécessite un accompagnement patrimonial dédié au regard de ses implications juridiques, fiscales et doit être avant tout déterminée suivant les objectifs définis avec le client.
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