Bourse américaine, une 3ᵉ année performante pour 2025 ? (ELEVA Capital)

Analyses de marchés
analyse boursière 2025

Après deux années de très forte croissance boursières aux États-Unis les valorisations des marchés sont tendues, voire très tendues. Peut-on espérer une troisième année de la même facture ? Il semble de plus en plus probable que la vigueur de l’économie américaine soit sous-estimée et que nous soyons en route pour de bonnes surprises sur la croissance, et donc sur les bénéfices des entreprises. Dans ce cas, la bourse pourrait nous réserver de bonnes surprises, elle aussi.

Deux très belles années boursières

En 2023, le S&P a gagné 26,3 % sur l’année, le Nasdaq 55,1 %. En 2024, le S&P avait gagné 28,5 % au 15 décembre, le Nasdaq 30,5 %. Deux superbes années boursières donc, même si elles suivent 2022, une année qui avait été beaucoup plus compliquée avec un rebond rapide des taux d’intérêts qui avaient conduit à une baisse des bourses.

bourse américaine performance cumulée 2023

Des valorisations tendues pour le S&P et le Nasdaq

Il n’en demeure pas moins qu’après une telle performance, la bourse américaine est chère, très chère même. D’après Bloomberg, le S&P a un PeR de presque 26 fois, soit un niveau très rarement atteint par le passé. Ce n’est guère mieux pour le Nasdaq, qui lui se traite à 35 fois toujours d’après Bloomberg. Une grande partie de la performance des bourses américaines depuis début 2023 est due à l’amélioration des bénéfices des entreprises et donc est pleinement justifiée, même si une proportion importante provient de quelques entreprises, les fameux « sept magnifiques » (pour rappel, il s’agit de : Microsoft, Amazon, Meta, Apple, Alphabet, Nvidia et Tesla). Pour l’anecdote, il va probablement falloir s’habituer à un nouvel acronyme qui va remplacer les « sept magnifiques » : BATMMAN pour Broadcom, Apple, Tesla, Microsoft, Meta, Alphabet et Nvidia.

bourse américaine PER du s&p 500

Des valorisations élevées, difficiles à reproduire en 2025

Mais la performance de ces deux dernières années tient aussi beaucoup aux valorisations qui se sont graduellement tendues en parallèle de l’optimisme montant. Pour donner un ordre de grandeur sur le S&P, le PeR, toujours d’après Bloomberg est passé de 22X au début de 2023 à presque 26X actuellement, soit une augmentation de 16,5% du S&P sur deux ans. Il est très peu probable que cette évolution se reproduise en 2025, on arriverait alors à des valorisations déraisonnables. D’autre part, un marché cher est un marché où les investisseurs sont optimistes et donnent le bénéfice du doute aux entreprises. Il est donc difficile de les surprendre à la hausse : les bonnes nouvelles sont attendues et déjà inclus dans les prix.

Les bénéfices peuvent-ils surprendre ?

Il y a peu d’espoir que les valorisations tirent une fois de plus la bourse vers le haut. Mais si les bénéfices continuent de progresser ? La barre est déjà haute au vu de l’optimisme des marchés. Nous voudrions ci-dessous expliquer pourquoi les fondamentaux peuvent continuer à supporter la bourse.

Une croissance économique qui peut rester très forte.

Premier argument, la consommation devrait rester forte et peut surprendre une fois de plus à la hausse. Avec des créations d’emplois qui restent positifs et des salaires qui progressent plus vite que l’inflation, le revenu des ménages augmente lui aussi. De plus, la Fed de New-York a publié le compte des ménages, leur richesse a progressé de 17 mille milliards de dollars sur un an ! C’est dû à leurs avoirs financiers (la progression de la bourse) mais aussi à la progression des prix immobiliers. C’est un effet richesse énorme qui va rajouter à la progression du revenu.

Richesse des ménages Etats Unis

Un environnement favorable à l’investissement des entreprises

Second argument, toujours sur la croissance économique, l’investissement pourrait aussi rebondir. Si on exclut l’investissement lié à l’Intelligence Artificielle, l’investissement plus « classique » a été décevant en 2024. La raison peut être en grande partie trouvée dans le NFIB, une enquête sur les PMEs américaines. Avant l’élection présidentielle, la question sur l’incertitude économique avait atteint, de très loin, un plus haut historique. Dans l’enquête de décembre, non seulement l’incertitude s’était effondrée, mais le moral général a bondi et est revenu à un niveau que l’on n’avait pas vu depuis la Covid. Tout comme il y a huit ans, l’élection de Donald Trump a donc créé un regain de confiance spectaculaire chez les dirigeants de PMEs américaines.

On est donc passé en un mois d’un environnement très problématique pour l’investissement à un environnement très favorable. Le retard pris sur les capex pourrait être rattrapé.

NFIB enquête PMEs

Les deux moteurs principaux de la croissance domestique, consommation et investissement, pourraient donc être bien plus dynamiques que ne le disent les prévisionnistes. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les attentes de croissance pour le PIB des États-Unis en 2025 étaient de 1,7 % en septembre, elles sont maintenant de 2,1 %. Une très nette progression qui pourrait continuer.

Des entreprises restant au service de l’actionnaire

Depuis plusieurs décennies, les entreprises américaines ont graduellement changé la façon dont elles gèrent leurs bénéfices. Le graphique ci-dessous est spectaculaire, il montre qu’en 1980, pour chaque dollar payé en dividende aux actionnaires, les entreprises investissaient un peu plus de 7 dollars. Sur les derniers chiffres disponibles, le ratio s’est effondré et pour un dollar de dividende, elles n’investissent plus que deux dollars. La proportion s’est donc beaucoup déformée en faveur de l’actionnaire.

entreprises non financiaires investissement/dividendes Etats Unis

La première conséquence est évidemment un retour pour l’actionnaire plus important puisqu’une partie plus importante des bénéfices lui est retourné. Et encore, le graphique ci-dessus sous-estime la réalité, car il ne prend en compte que les dividendes. Les rachats d’actions, une autre façon de rendre des liquidités à l’actionnaire, ont aussi beaucoup progressé pour les entreprises cotées. Et donc le nombre d’actions baisse, ce qui fait monter mécaniquement les bénéfices par action et de ce fait des cours. 

Mais il y a aussi une implication plus subtile : des marges élevées et résilientes. Pour simplifier, en 1980, les entreprises avaient tendance à réinvestir tout leur bénéfice, ou presque. À l’heure actuelle, elles sont beaucoup plus parcimonieuses dans leur investissement, et donc beaucoup plus sélectives dans leurs investissements. Résultat, elles restent sur des investissements très profitables et préfèrent rendre l’argent si elles ne trouvent pas de projets suffisamment rentables. Ceci explique, en grande partie, que les marges des entreprises restent élevées, mais aussi stables.

s&p 500 marges bénéficiaires

NB : il est intéressant de souligner que la même tendance est en train d’apparaitre en Europe. D’après les chiffres de Goldman Sachs, les entreprises de l’EuroStoxx en 2000, investissaient 4 euros pour chaque euro rendu à l’actionnaire (dividende ou rachat d’actions), en 2024 elles n’investissaient plus que 1,20 euros. Là aussi, en conséquence, les marges sont plus élevées et plus stables.

Le réservoir de bonnes nouvelles n’est pas épuisé

Les analystes, paradoxalement, sont restés timorés ces dernières années à cause de ces marges élevées. Et donc ils sont restés prudents sur la capacité des entreprises à croitre encore leurs bénéfices. Les prévisions étaient un cocktail de baisse des marges et de progression du chiffre d’affaires qui aboutissent à un résultat médiocre. Depuis plusieurs trimestres, la saison des résultats débouche sur des surprises plus fortes sur les bénéfices que sur les chiffres d’affaires : de manière récurrente, les analystes tombent plutôt juste sur le chiffre d’affaires, mais sous-estiment les bénéfices. Par définition, ils sont donc surpris par la résilience des marges. 

Une croissance solide mais des fragilités possibles

Un feu de paille ?

Où cette belle histoire peut-elle s’avérer fausse ? Les chiffres que nous avons mentionnés ci-dessus laissent peu de doute sur la résilience de la consommation et de l’investissement et donc sur la croissance économique.

Le risque d’une surchauffe économique ?

Paradoxalement, ce scénario pourrait « s’autodétruire » : une croissance forte alors que le taux de chômage reste très bas pourrait conduire à une surchauffe de l’économie. Les derniers chiffres d’inflation aux États-Unis montrent certes une décrue impressionnante de l’inflation depuis les pics demi-2022, mais ils montrent aussi que la limite de 3 % est difficile à casser. On reste donc sur un niveau qui est supérieur à l’objectif de la Fed de 2 %.

L’impact des politiques de Donald Trump sur l’inflation et l’emploi

Donald Trump met de l’huile sur le feu

Ajoutons à cela que la nouvelle administration Trump promet d’augmenter les droits de douanes, ce qui ne peut qu’augmenter les prix et donc rehausser l’inflation. Mais Trump veut aussi lutter contre l’immigration et donc il augmenterait les tensions sur le marché de l’emploi. Il faut rappeler qu’aux États-Unis il y a plus d’offres d’emplois que de chômeurs ! Et que la pénurie d’emplois est citée comme le problème majeur par un quart des entreprises. Réduire le nombre de salariés potentiels est donc, pour le moins, risqué.

Tout cela ressemble à une surchauffe économique et une fin de cycle. Il ne faut pas abuser des bonnes choses : trop de croissance peut nous conduire à un cocktail de progression de l’inflation, hausse des taux et in fine un retour de bâton.

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Prudence face à une croissance américaine potentiellement fragile

Conclusion : Il ne faut pas abuser des bonnes choses

Tous ces arguments nous rajeunissent. Il y a un an, le débat consistait à savoir si les États-Unis allaient rentrer en récession ou pas. Bref, à quel degré fallait-il être pessimiste. On connait la suite, des prévisions économiques et boursières qui sont révisées à la hausse, quasiment non-stop, toute l’année. Et si on était en train de faire la même erreur ? Le débat actuel est de savoir dans quelle mesure l’économie américaine va ralentir, même si les risques de récession sont peu discutés.

Evolution du consensus sur la croissance du PIB 2024 et 2025 Etats Unis

Une fois de plus, le risque d’erreur est peut-être dans l’autre sens. Un feu de paille généré post élections américaines. Sauf que, au vu de l’état de l’économie américaine, cela pourrait vite conduire à une surchauffe. Il faudra alors être vigilant, le retour de bâton pourrait être sévère.

Par Stéphane Déo, ELEVA Capital

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