Comment gérer son allocation dans des marchés instables ? Avec Julien Quistrebert (Tailor AM), Thaïs Castang (L&A Finance) et Henry Masdevall (Valorey Finance)

Julien Quistrebert, gérant chez Tailor AM revient sur l’actualité mouvementée des marchés financiers depuis le début de l’année. Avec Thaïs Castang, Associée chez L&A Finance, Henry Masdevall, Président du groupement Actualis Associés et PDG de Valorey Finance.
Commençons par une présentation de Tailor AM
Julien Quistrebert : Tailor AM, c'est une filiale du Groupe DLPK. Tout le monde connaît Nortia, on fait partie du même groupe. C'est une société de gestion qui gère à peu près plus d'un milliard d'euros aujourd'hui, avec de la gestion collective, des solutions actions plutôt européennes, large cap et small cap, des fonds dédiés aussi pour certains cabinets, de l'obligataire aussi, et puis évidemment tout ce qui est Investment Solutions. Donc là, on regroupe à l'intérieur tout ce qui va être la gestion sous mandat, les fonds d'allocation, etc. À l'intérieur de la gestion pilotée que l'on peut faire à travers différents contrats d'assurance.
Marchés imprévisibles : comment appréhender l'analyse et les investissements ?
Thaïs Castang : En question de préambule, on constate que les marchés sont de plus en plus imprévisibles, de plus en plus volatils dernièrement. Comment appréhendez-vous ces changements dans votre analyse, dans vos investissements ?
JQ : Je dirais que nous sommes sur un marché un peu particulier, parce que c'est vrai qu'on a l'habitude de se baser sur les chiffres économiques. Et aujourd'hui, c'est le politique qui est sur le devant de la scène. Donc maintenant, on est un peu accroché aux différents communiqués que peut faire Donald Trump notamment. C'est lui aujourd'hui qui drive un peu le marché avec ses annonces plus ou moins... on va dire agressives envers les différents autres pays. Aujourd'hui, on a plutôt une approche assez barbell. Au vu des incertitudes, on prend un directionnel un peu moins fort dans ce contexte. C'est vrai qu'on avait pris un peu ce biais en début d'année, un peu plus européen, parce qu'on misait sur ces élections allemandes.
VT : Vous aviez anticipé le rattrapage assez spectaculaire des bourses européennes ?
JQ : En tout cas en partie, puisque pour vous donner une idée, sur 2024, on était à 2/3 US, 1/3 Europe sur l'allocation, et à partir du mois de décembre, on a basculé dans le sens inverse. Donc on était à 2/3 Europe, 1/3 États-Unis, avec plutôt une sous-pondération sur tout ce qui est technologie. Alors on n'a pas été assez loin, il aurait fallu mettre plus d'Europe.
En tout cas, on n'avait pas complètement raté le sujet. On connaît les catalyseurs sur le marché européen qui sont apparus, les élections avec le plan de relance, l'Ukraine... Alors, on ne s'attendait pas forcément à ce que les États-Unis "lâchent" l'Europe, mais on s'attendait en tout cas à des avancées de ce côté-là. Et puis surtout, éventuellement, l'arrêt de la guerre en Ukraine, qui est le dernier catalyseur qui reste, avec peut-être du gaz moins cher.
Marché obligataire : quelles opportunités en 2025 ?
Henry Masdevall : Le marché actions, c'est une chose, mais le marché obligataire en est une autre. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu du marché obligataire, et notamment, y aura-t-il des opportunités en 2025 ?
JQ : Globalement, ce que l'on voit sur le marché obligataire, on a le taux sans risque. Il vient de remonter très fortement après les annonces de relance budgétaire au niveau européen. Donc ça, c'est la bonne nouvelle. L'Europe fait de la relance keynésienne, ce qui nous manquait, notamment l'Allemagne au vu de son faible endettement. Donc c'est vrai qu'il y a un mouvement assez spectaculaire sur le Bund.
Je dirais que oui, il y aura des opportunités parce que les taux sans risque restent relativement élevés. On peut avoir, en cas de guerre commerciale, des tensions sur les spreads de crédit. Donc sur la partie corporate, évidemment, ça peut avoir du sens. Globalement, on est plutôt sur des durations relativement courtes sur la partie corporate, autour de 3 ans. On a une patte plus longue sur la partie US, au vu du ralentissement économique provoqué par les annonces de Donald Trump. Donc là-dessus, je dirais que le vrai point à surveiller, c'est cette guerre commerciale.
On sait que l'économie américaine va entrer dans une période difficile, en tout cas sur le premier trimestre. Parce que toutes ces annonces de Trump heurtent en premier lieu l'économie américaine. Si on regarde les indicateurs avancés comme la Fed d'Atlanta, on a des chiffres qui sont assez dramatiques.
Est-il possible qu'une inflation réapparaisse avec les mesures que prend Trump aujourd’hui ?
JQ : Tout à fait, oui. L'inflation et surtout la posture de la Fed... On savait qu'elle n'était pas forcément encline à aller très vite sur les baisses de taux. Le vrai sujet, c'est plutôt la BCE, parce que tout le monde s'attendait à beaucoup de baisses, c'est moins certain aujourd'hui.
TC : On entend beaucoup dire en ce moment qu'il faut être réactif sur les marchés, voire même proactif. Qu'est-ce que cela signifie exactement ?
JQ : Il y a deux niveaux. Je dirais que, de toute façon, si vous faites une bonne allocation, normalement, elle doit être un petit peu tout-terrain dans un environnement incertain. Il n'est pas du tout question de faire un all-in sur une thématique ou du directionnel, parce qu'on voit que ça change beaucoup trop vite.
VT : Vous ne vous dites pas : "Les valeurs de défense, là, il faut y aller à fond" ?
JQ : On en a eu. Notamment dans notre gamme actions, on avait un peu toute la panoplie. On avait Rheinmetall, Leonardo, Indra Sistemas en Espagne, donc on en avait quelques-unes. De ce fait, le fonds a plutôt une performance assez sympathique depuis le début de l'année. On avait joué cette thématique, effectivement. Sur les mandats, on en avait aussi, mais j’ai plutôt réduit. Notamment, on avait du Thales, qui a plutôt bien performé. Oui, il y a des choses à faire, mais il faut garder, et c'est toujours la même chose, une allocation qui, dans un environnement comme celui-ci, doit être tout-terrain.
Je vous donne un exemple. L'année dernière, quand on était assez positifs sur le marché, sur le fonds Tailor Allocation Défensive, on est monté jusqu'à pratiquement 40 % d'actions, c'était le maximum du prospectus. Aujourd'hui, on est à 17 %. On est revenu quasiment au benchmark. On n'hésite pas à faire de grands mouvements. Mais là, en ce moment, effectivement, c'est de la politique et, on ne va pas se mentir, personne n'est capable de prédire exactement ce qui va en sortir. Donc diversification et essayer de décorréler au maximum les actifs.
HM : Pour revenir un peu sur les marchés, on voit qu'il y a un rattrapage en Europe et que les valorisations reviennent à des prix attrayants, mais il y a encore un peu d'espoir pour que cela monte un peu. Mais sur les petites et moyennes capitalisations, il y a peut-être un intérêt...
JQ : Malheureusement, sur les small caps, quand les taux longs montent, en général, c'est assez difficile pour cette classe d'actifs. Sauf les small caps allemandes avec ce plan de relance en ayant un biais plus domestique.
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