Donation d’un contrat de capitalisation en démembrement : pas de purge de la plus-value latente

Fiscalité
Benoît Berchebru
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La donation d’un contrat de capitalisation en démembrement est une stratégie patrimoniale courante qui permet d’optimiser la transmission du patrimoine tout en permettant au donateur de conserver les revenus futurs et les pouvoirs sur le fonctionnement du contrat. Cette technique soulève néanmoins des questions sur l’impact fiscal et social, notamment en ce qui concerne la purge de l’assiette taxable et l’impact sur prélèvements sociaux sur les plus-values latentes du contrat et l’assiette de taxation lors du rachat par le nouveau titulaire du contrat (donataire). Décryptage des règles fiscales et de leurs conséquences.

Donation démembrée : le principe

Le démembrement de propriété consiste à scinder la pleine propriété d’un bien en deux droits distincts :

  • L’usufruit, qui permet de percevoir les revenus du contrat (les gains générés et potentiels rachats partiels) ; on parle plus communément de l’USUS (droit d’user de la chose) et du FRUCTUS (droit de percevoir les fruits / revenus du bien objet du démembrement)
  • La nue-propriété, qui confère le droit de devenir pleinement propriétaire du contrat au décès de l’usufruitier, et ce, en toute exonération fiscale.

Dans le cadre d’une donation démembrée d’un contrat de capitalisation, le donateur conserve ainsi l’usufruit du contrat tandis que le donataire reçoit la nue-propriété.

Les avantages de la stratégie de donation démembrée

  • Transmission progressive du patrimoine tout en conservant un droit sur les gains et rachats du contrat.
  • Réduction des droits de donation : ceux-ci sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété, selon un barème fiscal dégressif en fonction de l’âge de l’usufruitier (article 669 CGI).
  • Maintien de l’antériorité fiscale du contrat pour celui qui reçoit le contrat de capitalisation (donataire), avantageux pour les rachats futurs puisqu’il bénéficiera immédiatement de l’abattement de 4 600 €(célibataire) / 9 200 € (couple) sur les intérêts rachetés si le contrat avait plus de 8 ans lors de la donation.

Lire aussi : Dans quels cas le démembrement de propriété est-il intéressant ?

La fiscalité au terme de l’usufruit et rachat par le nu-propriétaire devenu plein propriétaire

Si la donation est réalisée en démembrement avec réserve d’usufruit, seule la nue-propriété est taxée en droit de donation.
Conséquence : À la disparition de l’usufruitier, la nue-propriété se transforme automatiquement en pleine propriété.

Fiscalement :

  • Aucun impôt supplémentaire n’est dû par le nu-propriétaire lorsqu’il devient plein propriétaire pour cause d’extinction de l’usufruit.
  • L’assiette de taxation de la donation a été réduite car basée uniquement sur la valeur fiscale de la nue-propriété (art. 669 CGI)
  • Si le nu-propriétaire effectue un rachat après être devenu plein propriétaire, il bénéficie toujours de l’antériorité fiscale du contrat

Exemple d’application

Imaginons un contrat de capitalisation dans lequel la valeur de la nue-propriété a été fixée à 60 000 € au moment de la donation, avec un montant total du contrat de 100 000 €. Le contrat génère des intérêts et des gains au fil des années.

  1. Pendant l'usufruit : Si l'usufruitier perçoit des revenus générés par le contrat (intérêts, plus-values, etc.), ces revenus sont imposés à son nom, et les prélèvements sociaux sont dus sur ces gains, selon le taux applicable.
  2. Après le décès de l'usufruitier (transformation en pleine propriété) :
    - La nue-propriété se transforme automatiquement en pleine propriété sans taxation (pas d’impôt ni de droits de succession à ce stade).
    - Aucune fiscalité n’est appliquée à ce moment-là.
    - L’assiette taxable de la donation a été réduite puisque calculée sur la seule valeur de la nue-propriété uniquement avec possibilité d’utiliser l’abattement de 100 000 € entre parent et enfant qui se reconstitue tous les 15 ans.
    • Coût de taxation égal à 0 € dans notre exemple du fait d’une valeur de NP de 60 000 €.
  3. Un impact fiscal négatif souvent oublié lors du rachat

Si la donation démembrée permet de réduire l’assiette de taxation, voire de l’anéantir complétement, il faut tenir compte de l’assiette de taxation à retenir lorsque le nu-propriétaire devenu plein propriétaire réalisera le rachat de son contrat de capitalisation.
Car contrairement aux donations en pleine propriété dont le paiement des droits de donation purge l’assiette des plus-values latentes, ce n’est pas le cas en cas de donation démembrée avec réserve d’usufruit.

Lors du rachat du contrat de capitalisation par l’ex-nu-propriétaire devenu plein propriétaire :

  • L’impôt sur la plus-value et les prélèvements sociaux portera sur les gains réalisés et non rachetés par l’usufruitier après la donation démembrée, ainsi que ceux générés après que le nu-propriétaire soit devenu plein propriétaire suite au décès de l’usufruitier.
  • Car l’assiette taxable lors du rachat par le nouveau plein propriétaire sera égal à la différence entre :
    La valeur de rachat en pleine propriété au moment du rachat.
    La valeur de la nue-propriété au moment de la donation (BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50§225 avec mise en parallèle du BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 § 200 relative à la cession de titres)

Conclusion : Cela signifie que le nu-propriétaire sera redevable des prélèvements sociaux et de l'impôt sur la plus-value sur les intérêts générés après la donation et non rachetés par l’usufruitier de son vivant.

Lire aussi : Le démembrement viager de parts de SCPI : comment optimiser votre transmission ?

Exemple chiffré

Valeur du contrat au moment de la donation (totale en usufruit + nue-propriété) : 100 000 €
Valeur de la nue-propriété lors de la donation (usufruitier âgé de 65 ans, NP = 60 %) : 60 000 €
Valeur de rachat au moment où l’ex-nu-propriétaire devenu plein propriétaire rachète le contrat : 150 000 €
Gains réalisés après la donation (assiette taxable) : 150 000 € − 60 000 € = 90 000 € et non 150 000 – 100 000 = 50 000 €
Imposition sur la plus-value lors du rachat par le nu-propriétaire devenu plein propriétaire :
Prélèvements sociaux (17,2 %) : 90 000 × 17,2%=15 480 €
Impôt sur la plus-value (PFU 12,8%) : 90 000 × 12,8% =11 520 €
Total des impôts à payer au rachat :
15 480 €+11 520 € =27 000 €

Lire aussi : La donation graduelle vs la donation résiduelle

Stratégies recommandées pour la donation démembrée d’un contrat de capitalisation

Optimisation fiscale pour l’usufruitier

Si l’usufruitier dispose d’un taux marginal d’imposition faible et souhaite profiter des fonds, un rachat progressif des intérêts peut être judicieux. Cela permet de lisser l’imposition dans le temps et de réduire l’impact fiscal global, tout en bénéficiant des abattements applicables en fonction de la durée du contrat, notamment l’abattement de 9 200 € / an.

Lire aussi : Réforme fiscale de l'assurance-vie 2025 : événement ou non-événement ?

Transmission patrimoniale optimisée

Si l’objectif principal est la transmission patrimoniale, conserver le contrat peut être pertinent pour éviter les droits de succession. Toutefois, cela n’exonère pas le nu-propriétaire de l’imposition sur les plus-values lors d’un futur rachat, qui sera calculée sur l’écart entre la valeur de la nue-propriété au moment de la donation et la valeur du contrat au moment du rachat.

Solution intermédiaire : rachats et donations

Une approche mixte peut consister à effectuer des rachats partiels sur le contrat afin de lisser la fiscalité et réduire l’assiette taxable pour le nu-propriétaire, puis à redistribuer ces fonds sous forme de donations ou présent d’usage. Cette stratégie permet de bénéficier des abattements fiscaux en vigueur (exonération de 100 000 € tous les 15 ans par enfant, 31 865 € pour les dons familiaux…) et de transmettre une partie du capital sans alourdir la fiscalité du futur rachat.

Conclusion
Le choix entre rachat des intérêts ou conservation du contrat dépend des objectifs patrimoniaux et de la fiscalité propre à chaque situation. Une approche sur mesure, réalisée avec un expert permettra d’optimiser la transmission et de minimiser la fiscalité globale.

Par Benoît BERCHEBRU, Directeur de l’ingénierie patrimoniale Nortia groupe DLPK

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