Réforme de la fiscalité du patrimoine : les pistes du CPO

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Le Conseil des prélèvements obligatoires publie un rapport de référence consacré aux distorsions de l’imposition du patrimoine en France. Avec 113,2 milliards d’euros prélevés en 2024, la fiscalité patrimoniale occupe une place élevée dans la comparaison internationale et demeure perçue comme complexe, inégalitaire et peu efficace. Elle se décompose entre l’imposition de la détention et la transmission des actifs, pour un montant de 64,3 milliards d’euros, soit 0,4 % du patrimoine des ménages, et l’imposition des revenus du patrimoine, qui s’élève à 48,9 milliards d’euros, représentant 11,6 % de ces revenus. Cette architecture, jugée source de distorsions économiques, fait l’objet d’un examen approfondi dans un contexte où le patrimoine croît plus rapidement que le revenu et où sa concentration atteint des niveaux particulièrement élevés.

Une fiscalité patrimoniale déséquilibrée et concentrée sur les plus hauts patrimoines

La croissance du patrimoine s’est accélérée en vingt ans, passant de 4,5 fois le revenu disponible en 2000 à six fois en 2021. Cette richesse se concentre fortement : les 10 % les plus aisés détiennent 60 % du patrimoine national, et le 1 % le plus riche en concentre 27 %. Sur la période 2003-2022, le revenu des foyers aux très hauts revenus a progressé de 119 %, contre 39 % pour les 90 % les moins aisés. L’âge du pic de patrimoine recule également, désormais situé entre 60 et 69 ans.

Dans ce contexte, la fiscalité du patrimoine est critiquée pour les distorsions qu’elle engendre dans l’allocation de l’épargne, sa complexité et sa faible acceptabilité, notamment en matière de successions. Les débats portent également sur le rôle que pourrait jouer cette fiscalité dans la réduction des inégalités, notamment concernant les revenus latents et la place des biens professionnels.

Une imposition fragmentée, complexe et peu lisible pour les ménages

La fiscalité du patrimoine s’appuie sur une accumulation d’impositions : détention, transmission, revenus, taxe foncière, IFI, CSG, droits de mutation, frais sur les transactions immobilières. Cette superposition produit des effets cumulés insuffisants au regard des objectifs de politique publique. Le CPO souligne des distorsions importantes dans l’allocation de l’épargne, un manque d’équité verticale et horizontale, et une acceptabilité affaiblie.

Le vieillissement de la population et le recul de l’âge de détention du patrimoine accentueront ces déséquilibres si aucune réforme d’ampleur n’est engagée. La mobilité fiscale et l’absence de cadre international coordonné ajoutent une contrainte supplémentaire.

Les axes de la réforme pour une fiscalité plus neutre et mieux acceptée

Le CPO propose une réforme à rendement constant reposant sur trois exigences : renforcer la neutralité fiscale pour soutenir des investissements plus efficients, adapter le cadre aux évolutions démographiques et sociétales, et accroître l’équité en élargissant les assiettes et en diminuant les taux de droit commun.

Le rapport recommande de réduire les dispositifs orientant l’épargne vers l’immobilier et l’assurance-vie, de fluidifier le marché du logement, et de faciliter les donations anticipées au sein des familles, y compris élargies. Il met également l’accent sur la nécessité d’améliorer la compréhension de l’impôt, notamment autour de la taxe foncière, souvent le seul prélèvement patrimonial payé par une majorité de ménages.

Vers une refonte de la fiscalité des successions et des donations

Le CPO souligne que la fiscalité des transmissions souffre d’une forte divergence entre taux apparents et taux réellement acquittés, ce qui nuit à son acceptabilité. L’élargissement des assiettes, aujourd’hui réduites par de nombreuses niches, permettrait d’envisager une baisse des barèmes pour la majorité des contribuables.

Deux scénarios structurent les propositions. Le premier repose sur la taxation des liquidités logées dans les holdings, combinée à un impôt différentiel ciblé sur les transmissions les plus importantes, intégrant les actifs professionnels. L’objectif est de limiter les pratiques d’optimisation.

Le deuxième scénario, plus ambitieux, propose un impôt différentiel sur le patrimoine non professionnel, à taux modéré et non plafonné, ainsi qu’une réduction des dérogations du pacte Dutreil. Ce dispositif d’exonération partielle pour les transmissions d’entreprises familiales est jugé coûteux, son efficacité n’étant pas avérée en matière d’emploi et d’investissement. Une réduction de son taux d’exonération de 75 % à 50 %, associée à un allongement de la durée d’engagement, générerait 1,3 milliard d’euros d’économies fiscales.

Les deux scénarios visent à réduire les distorsions économiques, à élargir les assiettes, à renforcer la contribution des très hauts patrimoines et à rééquilibrer la charge fiscale entre ménages. Ils s’inscrivent dans un débat intense sur la taxation des plus riches, ravivé après les discussions sur la taxe Zucman et au cœur des enjeux budgétaires en période d’examen du budget 2026.

En proposant une approche technique et progressive, le CPO cherche à nourrir un débat public où se croisent enjeux patrimoniaux, questions intergénérationnelles et arbitrages fiscaux structurants pour la politique économique.

Sources : Cour des comptes, Sud Ouest, Public Sénat, L’Express

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Retour sur les débats en août 2025 : CDHR, holdings, CDHP, niches fiscales

Le gouvernement prévoit de pérenniser la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), instaurée dans le budget 2025. Elle s’applique aux foyers dont le revenu fiscal de référence dépasse 250 000 € pour une personne seule et 500 000 € pour un couple. Le taux maximal atteint 4 % au-delà d’un million d’euros, ce qui fixe un impôt plancher de 20 % pour environ 65 000 ménages.

Ce dispositif devait initialement générer 2 milliards d’euros de recettes, mais les projections récentes tablent sur 1,2 milliard.

L’exécutif souhaite également mettre fin à l’utilisation des holdings comme mécanisme d’optimisation fiscale. Les actifs non productifs, qui ne sont pas affectés à une activité économique, seraient davantage fiscalisés. Le gouvernement considère ces structures comme un outil d’évitement de l’impôt de plus en plus répandu.

Cette mesure vise à limiter la « suroptimisation » fiscale, en particulier pour les patrimoines importants concentrés dans des sociétés de gestion patrimoniale.

Une contribution différentielle sur les hauts patrimoines (CDHP) est aussi envisagée. Contrairement à la CDHR, elle ne reposerait pas sur le revenu mais sur le patrimoine. Les biens professionnels, les actifs couverts par un pacte Dutreil et les investissements dans les entreprises en croissance seraient exclus du calcul.

Cette taxe pourrait rapporter environ 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’État.

La ministre des Comptes publics a proposé la suppression d’une cinquantaine de niches fiscales jugées inefficaces ou obsolètes. La France en compte actuellement 474 pour un coût de 85 milliards d’euros par an. Les dispositifs les plus coûteux incluent le crédit impôt recherche (7,7 milliards), l’aide fiscale pour l’emploi d’un salarié à domicile (6,7 milliards) et l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite (4,5 milliards).

Ces mesures pourraient constituer une part essentielle de l’effort budgétaire de 44 milliards d’euros annoncé pour 2026.

L’ensemble de ces propositions s’inscrit dans un contexte politique incertain. Le Premier ministre a confirmé qu’il soumettrait son gouvernement à un vote de confiance le 8 septembre. Ces mesures fiscales pourraient servir de levier de négociation pour tenter d’obtenir le soutien d’une partie de l’opposition.

Mais la question reste ouverte : l’exécutif pourra-t-il mener ces réformes à bien si le gouvernement sort affaibli du vote de confiance ?

Sources : Le Point, Le Figaro, Capital

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