Les avantages fiscaux du contrat d’assurance-vie sous la menace du budget 2026 ?

Fiscalité
Christophe Tunica
assurance vie budget 2026

L’automne 2024 a failli marquer un tournant pour des millions d’épargnants français. Un amendement surprise menaçait de mettre fin à l’exception fiscale dont bénéficie l’assurance-vie en matière de succession. Finalement, le couperet n’est pas tombé et la loi de finances pour 2025 n’a pas touché à ce pilier du patrimoine national. Mais ce répit signifie-t-il que l’assurance-vie a définitivement échappé aux appétits du déficit public ? Ou n’est-ce qu’une trêve avant la tempête de la loi de finances 2026 ?

2024 : L'amendement Mattei pour aligner l’assurance-vie sur les droits de succession classiques repoussé

La fausse alerte fiscale massivement repoussée

En octobre 2024, l’Assemblée nationale a examiné un amendement explosif visant à aligner la fiscalité successorale de l’assurance-vie sur le barème des droits de succession en ligne directe. Concrètement, après l’abattement de 152 500 € par bénéficiaire toujours en vigueur, l’amendement proposait d’instaurer des taux progressifs de 20 % dès 552 324 € d’héritage, 30 % au-delà de 902 838 €, 40 % après 1,805 million et jusqu’à 45 % au-delà. Pour mémoire, le régime actuel prévoit un abattement de 152 500 € par bénéficiaire, puis une taxation forfaitaire de 20 % jusqu’à 700 000 € et 31,25 % au-delà, ce qui fait de l’assurance-vie un outil de transmission attractif comparé au barème des droits classiques sur successions.

L’amendement en question – déposé par le député Jean-Paul Mattei – a semé la panique chez de nombreux détenteurs de contrats. On ne parlait rien de moins que d’un « séisme » fiscal pour le placement préféré des Français, fort de près de 1 900 milliards d’euros (à l’époque) d’encours et détenu par près de 42 % des ménages. Toutefois, la menace n’a pas dépassé le stade du débat : le 25 octobre 2024, en séance plénière, l’amendement a été massivement rejeté par l’Assemblée nationale. Sous la pression conjuguée des assureurs et des épargnants – inquiets de l’impact économique d’un choc fiscal sur un tel montant d’épargne – et face au risque de retraits massifs, le Parlement a fait marche arrière. Le régime fiscal avantageux de l’assurance-vie a donc été maintenu en l’état pour 2025, évitant de justesse une remise en cause brutale.

Ce recul parlementaire n’a toutefois pas refermé définitivement le dossier. Comme le soulignaient alors certains analystes, le simple fait que cet amendement ait été débattu illustre la volonté de nombreux élus de réformer la fiscalité de l’assurance-vie, au nom de l’équité ou des besoins budgétaires. Et même si le durcissement n’a pas été acté en 2025, le sujet pourrait bien ressurgir lors de prochains projets de loi de finances… Autrement dit, l’assurance-vie a gagné du temps, mais la question de sa fiscalité reste pendante.

2025 : une pression fiscale sur l’épargne et l’assurance-vie

Un contexte budgétaire tendu, l’épargne dans le viseur

Si les débats de l’année dernière (qui ont duré jusqu’au 14 février 2025…) se sont conclus sur un statu quo pour l’assurance-vie, l’horizon 2025-2026 s’annonce beaucoup plus incertain. Rappelons-nous que le gouvernement actuel, dirigé par François Bayrou, fait face à un défi budgétaire colossal : trouver 40 milliards d’euros d’économies ou de recettes supplémentaires en 2026 pour ramener le déficit public vers 4,6% du PIB. Dans ce contexte, l’épargne des ménages est devenue une cible affichée. Dès le projet de budget 2025, le ton a été donné : le Premier ministre François Bayrou a proposé un tournant fiscal sans précédent en s’attaquant aux « ressources dormantes » que représentent les placements financiers des Français.

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La proposition phare du mois de janvier 2025, soit le relèvement du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) sur les revenus du capital, de 30% à 33% pourrait à nouveau refaire surface… Cette hausse de la « flat tax » concernait directement des produits prisés comme les livrets bancaires fiscalisés, les plans épargne logement et bien sûr les contrats d’assurance-vie. L’objectif officiel affiché par Bercy était de générer environ 4,7 milliards d’euros de recettes fiscales annuelles supplémentaires grâce à ce coup de vis. En pratique, pour de nombreux épargnants, cela signifiait une baisse du rendement net de leurs placements, dans un contexte où l’inflation rogne déjà la rémunération réelle des épargnes à taux fixe.

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Parallèlement, souvenons-nous également que la loi de finances 2025 a introduit une autre disposition illustrant la volonté du gouvernement de faire contribuer les contribuables fortunés : la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR). Ce mécanisme instaure un taux d’imposition minimum de 20% sur le revenu pour les foyers fiscaux déclarant plus de 250 000 € (personne seule) ou 500 000 € (couple). En pratique, ce “plancher” revient à relever la taxation effective des revenus du capital à 37,2% (impôt sur le revenu + prélèvements sociaux) pour les contribuables concernés, au lieu de 30% auparavant. Environ 25 000 foyers aisés sont visés par cette mesure qui devrait rapporter 2 milliards € et qui ne garantit qu’aucun très haut revenu ne puisse profiter d’une fiscalité trop douce sur ses dividendes ou plus-values.

Ces orientations – hausse de la flat tax et impôt minimal pour les plus riches – témoignent d’une ligne budgétaire claire : solliciter davantage l’épargne et le patrimoine pour renflouer les caisses de l’État. Dès lors, on comprend que l’assurance-vie, forte de son stock considérable et de son régime fiscal dérogatoire, attise toutes les convoitises. À l’approche de la loi de finances 2026, la question se pose crûment : le gouvernement Bayrou ira-t-il plus loin en s’attaquant cette fois aux avantages fiscaux historiques de l’assurance-vie ?

2026 : vers un durcissement fiscal de l’assurance-vie dans la loi de finances ?

L’assurance-vie de nouveau dans la ligne de mire ?

Les inquiétudes des épargnants ne sont pas purement spéculatives. Plusieurs signaux laissent à penser que la fiscalité de l’assurance-vie pourrait être revisitée dans le budget 2026. D’abord, le débat avorté de 2024 a laissé des traces : nombre de parlementaires (de la majorité centriste comme de l’opposition de gauche) estiment qu’il n’y a pas de raison que les gros contrats d’assurance-vie restent ad vitam en dehors du champ des droits de succession classiques. L’idée de « mettre à contribution les gros patrimoines » fait son chemin, d’autant que politiquement, toucher aux avantages d’une niche perçue comme profitant surtout aux plus aisés peut sembler plus acceptable que d’augmenter des impôts grand public. Le barème proposé en 2024 (20% – 30% – 40% – 45% sur la part taxable, comme détaillé plus haut) constitue à cet égard un précédent tout trouvé qui pourrait resservir de base de discussion lors de l’examen du budget 2026.

Ensuite, le gouvernement lui-même n’a pas exclu de nouvelles mesures ciblant l’épargne et le patrimoine. Certes, François Bayrou a assuré qu’il n’y aurait pas de « hausse généralisée des impôts » ni de nouveau prélèvement caché, mais son plan pour 2026 envisage explicitement de poursuivre des pistes fiscales ciblées, parmi lesquelles la reconduction de la surtaxe sur les très hauts revenus (la CDHR évoquée plus haut), la réduction de certaines niches fiscales et un renforcement de la fiscalité écologique. Dans les cartons figure aussi une réflexion sur un impôt sur le patrimoine des ultra-riches (une sorte de « super-ISF » à 0,5% au-delà d’un certain seuil), comme l’a révélé la presse économique. Autant de signes que le gouvernement cherche des ressources un peu partout, et que l’assurance-vie n’a rien d’un sanctuaire intouchable.

Il faut cependant nuancer ces menaces par les précautions politiques qu’impose le contexte. Le traumatisme des 49.3 et des motions de censure plane sur la majorité relative de M. Bayrou. Toute mesure impopulaire risque d’être instrumentalisée par l’opposition et de compliquer l’adoption du budget. En 2024, l’amendement Mattei avait d’ailleurs été désavoué y compris par la majorité présidentielle qui craignait d’ouvrir un front social supplémentaire. En outre, toucher frontalement à l’assurance-vie pourrait apparaître contradictoire avec la volonté affichée de ne pas « multiplier les fronts sociaux ». Le Premier ministre lui-même qualifie la situation de la dette de « piège dangereux » mais affirme vouloir éviter les solutions de facilité comme les hausses d’impôts généralisées. Autrement dit, le gouvernement avance sur une ligne de crête : il a besoin d’argent, mais il doit choisir ses batailles fiscales prudemment.

Un pilier de l’épargne nationale aux répercussions économiques majeures

Une épargne populaire vitale pour le financement de l’économie française

Si la fiscalité de l’assurance-vie demeure un sujet aussi sensible, c’est que ce placement occupe une place à part dans l’économie française. Avec les 2000 milliards d’euros d’encours franchis en janvier dernier et près de 42% des foyers en possession d’au moins un contrat, l’assurance-vie est non seulement un outil d’épargne populaire, mais aussi un rouage essentiel du financement national. Les fonds collectés sur les contrats alimentent en effet largement l’achat d’obligations d’État, le financement des entreprises et de l’immobilier via les fonds en euros, ou l’investissement en actions via les unités de compte. Enfreindre l’équilibre fiscal de ce secteur pourrait donc avoir un effet domino redouté sur l’économie réelle : moins de flux vers les contrats en unités de compte, c’est potentiellement moins de capitaux pour les entreprises françaises ; des retraits massifs encouragés par la peur fiscale, c’est un risque de déstabilisation des marchés obligataires ou boursiers si les assureurs doivent vendre en urgence des actifs pour rembourser les épargnants.

Un pacte fiscal fragile entre l’État, les épargnants et le secteur

Les professionnels de l’assurance et de la gestion de patrimoine ne manquent pas de faire valoir ces arguments. Ils rappellent que l’assurance-vie est un « pacte de confiance » tacite entre l’État et les épargnants : en échange d’un traitement fiscal avantageux sur la durée, les Français y laissent leur argent fructifier sur le long terme, ce qui soutient l’investissement national. Y toucher brutalement risquerait de briser ce pacte. Lors de la tentative de réforme avortée, le lobby de l’assurance avait clairement fait pression, et il est acquis que toute nouvelle initiative pour alourdir la taxation de l’assurance-vie provoquerait une levée de boucliers similaire. Les législateurs devront donc arbitrer entre l’appât d’une recette fiscale ponctuelle et le danger de fragiliser un pan entier de l’épargne populaire.

Des épargnants fortunés déjà prêts à réorienter leur stratégie patrimoniale

Il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité d’adaptation des épargnants fortunés. En cas de durcissement fiscal, les détenteurs des plus gros contrats chercheront des parades plutôt que de subir passivement. Cela pourrait passer par une délocalisation des capitaux vers des places plus accueillantes (Luxembourg, Suisse, etc., où la fiscalité de l’épargne est plus douce). Ou plus légalement, par un arbitrage vers d’autres enveloppes fiscales avantageuses : contrats de capitalisation, sociétés civiles patrimoniales, démembrement de propriété… Autant de stratégies d’ingénierie patrimoniale qui permettent de transmettre son capital avec une fiscalité allégée ou différée. Les experts anticipent d’ailleurs qu’en cas de nouvelle alerte, les épargnants les plus aisés seraient bien avisés de consulter leur conseiller en gestion de patrimoine pour ajuster leur stratégie et exploiter ces alternatives le cas échéant. En somme, une surtaxation de l’assurance-vie pourrait au final se révéler contre-productive : elle pousserait les capitaux vers des cibles moins taxées, en France ou à l’étranger, et mettrait en péril l’énorme manne financière stable que représente l’encours actuel placé majoritairement sur des fonds en euros. Un vrai cas d’école d’arbitrage entre rendement fiscal immédiat et intérêt économique de long terme.

Entre vigilance et sérénité : encore une fois, le futur reste à écrire

Faut-il alors redouter la loi de finances 2026 comme le cauchemar des détenteurs d’assurance-vie ? À ce stade, la menace est réelle mais pas inéluctable. Le besoin de recettes de l’État est avéré, et aucun secteur n’est tabou – pas même ce placement chéri des Français. Pour autant, plusieurs éléments incitent à la prudence avant de sonner l’alarme générale :

Un précédent politique dissuasif : le désaveu cuisant infligé en 2024 à la tentative de réforme montre qu’il existe une forte résistance parlementaire à l’idée de casser le cadre fiscal de l’assurance-vie. Ni la majorité ni l’opposition classique n’avaient envie de porter le chapeau d’une telle mesure impopulaire. Ce contexte pourrait se répéter en 2025 si une proposition similaire surgissait.

Des alternatives fiscales explorées : le gouvernement Bayrou, pour boucler son budget 2026, ne mise pas tout sur l’épargne. Il planche aussi sur des taxes écologiques et sectorielles moins directement sensibles pour les ménages. Par exemple, il envisage d’alourdir la fiscalité des billets d’avion (fin de l’exemption de taxe kérosène sur les vols intérieurs, doublement de la TVA sur les vols domestiques, nouvelle « taxe passager » dans les aéroports parisiens) pour récolter quelques centaines de millions d’euros. De même, une surtaxe exceptionnelle sur les « super-profits » des très grandes entreprises a été évoquée. Ces pistes alternatives suggèrent que l’assurance-vie ne sera pas nécessairement la première cible mise à contribution dans le prochain budget, surtout si d’autres gisements de recettes peuvent être mobilisés sans s’aliéner 42% des foyers français d’un coup.

Un impact économique potentiellement dissuasif : enfin, le gouvernement devra peser le rapport coût-bénéfice d’une réforme de la fiscalité de l’assurance-vie. Les gains espérés – quelques milliards tout au plus si l’on impose davantage les très gros contrats – pourraient être annulés par les effets collatéraux : fuite de capitaux, baisse de la consommation (si les ménages épargnent moins par précaution), et signal négatif envoyé aux investisseurs domestiques. À l’heure où la dette française inquiète et où chaque point de croissance compte, prendre le risque de déstabiliser un vecteur clé de l’investissement national serait un pari risqué.

En définitive, les épargnants en assurance-vie ont raison de suivre de près l’actualité budgétaire des mois à venir, mais sans céder à la panique. La loi de finances pour 2025 a finalement préservé les atouts fiscaux de l’assurance-vie, et il n’est pas certain que le cru 2026 y change quoi que ce soit – du moins pas dans les proportions redoutées initialement. Le gouvernement sait qu’il joue une partie fine, entre nécessité de renflouer les caisses et obligation de ménager un placement populaire et utile à l’économie.

La vigilance reste donc de mise : chacun aura intérêt à décortiquer le projet de loi de finances 2026 lorsqu’il sera présenté, pour voir si la vieille recette fiscale de l’assurance-vie est au menu. Mais d’ici là, pas de mouvement précipité. Les conseillers en gestion de patrimoine que nous sommes doivent d’ailleurs inviter leurs clients à garder leur calme tout en préparant éventuellement des plans B (donations anticipées, multiplication des bénéficiaires pour optimiser les abattements, contrats de capitalisation, etc.) au cas où le vent tournerait. Car si « gouverner, c’est prévoir », en matière de patrimoine aussi « mieux vaut prévenir que guérir »… Et quoi qu’il arrive, l’assurance-vie dispose encore de solides atouts qui la rendent difficile à détrôner dans le cœur (et le portefeuille) des Français. Le rendez-vous est donc pris cet automne pour savoir si 2026 viendra conforter ou bousculer cette exception française de l’épargne. En attendant, bel été à tous !

Par Christophe Tunica, Axesscible

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