Hausse de la CSG : le faux débat autour de l’exclusion du PER

Un PLFSS 2026 marqué par une hausse de la CSG de 1,4 %
Le PLFSS 2026 a été entériné par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2025. Il prévoit une augmentation du taux de CSG de 9,2 % à 10,6 %.Si certains revenus et produits sont expressément visés par cette hausse, d’autres en sont explicitement exclus, ce qui soulève la question de son champ d’application et, en particulier, de l’éventuelle exclusion du Plan d’Épargne Retraite (PER).
À cette occasion, Club Patrimoine donne la parole à Benoît Berchebru, directeur national de l’ingénierie patrimoniale au sein du groupe Astoria, expert reconnu de la fiscalité patrimoniale et de l’épargne retraite, auteur du Guide pratique « Tout savoir sur le PER individuel », pour décrypter le PLFSS 2026, l’augmentation de la CSG de 1,4 % et ses conséquences concrètes pour les détenteurs de PER.
Les produits expressément visés par la hausse de la CSG dans le PLFSS 2026
Club Patrimoine : Quels sont les produits expressément visés par la hausse de la CSG dans le PLFSS 2026 ?
Benoît Berchebru : Le PLFSS a été voté et sera publié d’ici fin d’année. Nous sommes donc certains que la hausse de la CSG s’appliquera sauf si le gouvernement souhaite recourir au 49.3, ce qui est à date, peu probable ;
Les produits qui subiront la hausse seront notamment :
- les comptes titres,
- les PEA dans toutes ses formes (bancaire et assurantielle),
- les PEE,
- La crypto monnaie,
- Les biens meubles (or,…),
- L’immobilier locatif meublé,
- le PER dans toutes ses formes (bancaire et assurantielle),
- les rentes…
Seront exclus de cette hausse :
- Les revenus fonciers,
- Les plus-values immobilières,
- Les contrats d’assurance vie et de capitalisation ,
- Les PEL,
- Les PEP.
Club Patrimoine : Vous indiquez que le PER subira la hausse de la CSG de 1,4 %, notamment lorsqu’il est ouvert sous forme assurantielle. Or certains commentateurs estiment que les PER assurantiels seraient exclus de cette hausse. Qu’en dites-vous ?
B.Berchebru : La nouvelle rédaction de l’article L. 136-8 du Code de la sécurité sociale, même si elle n’est pas d’une parfaite clarté, conduit à inclure le PER, y compris sous forme assurantielle, dans le champ de la hausse de la CSG.
Le texte raisonne non par enveloppe juridique, mais par nature de revenus. Or les sommes issues d’un PER, qu’elles soient versées sous forme de capital ou de rente, constituent des revenus de remplacement ou assimilés, expressément visés par l’article L. 136-8.
Le fait que le PER soit logé dans un contrat d’assurance est donc sans incidence, en soi, sur son assujettissement à la CSG.
L’argument consistant à assimiler le PER assurantiel à l’assurance-vie afin de l’exclure de la hausse me paraît juridiquement très fragile. Il méconnaît le fait que le PER relève d’un régime fiscal et social autonome, distinct de celui des contrats d’assurance-vie, et qu’aucune exclusion expresse n’a été prévue par le législateur en faveur des PER assurantiels.
Dans ces conditions, et en l’absence de précision contraire dans le texte, la lecture la plus cohérente, rigoureuse et sécurisée consiste à considérer que la hausse de CSG s’applique aux revenus issus des PER, quelle que soit leur forme — bancaire ou assurantielle.
L’inclusion du PER assurantiel dans la hausse de la CSG
Club Patrimoine : Pourquoi le PER assurance ne peut-il pas être assimilé à une assurance-vie classique et bénéficier de l’exclusion de la hausse de la CSG ?
B.Berchebru : Il faut d’abord comprendre le fonctionnement des contrats assurantiels servant de support à des enveloppes fiscales spécifiques (PER, PEA, PEP, etc.).
Pour loger une enveloppe d’épargne sous forme assurantielle, il n’existe en pratique que deux véhicules juridiques :
• le contrat d’assurance-vie,
• ou le contrat de capitalisation.
Ces contrats n’ont alors aucune autonomie fiscale propre : ils ne sont que le réceptacle juridique d’une enveloppe qui, elle, impose sa fiscalité.
L’exemple du PEA assurance
Un PEA assurantiel est juridiquement logé dans un contrat de capitalisation.
Mais tant que l’enveloppe PEA existe :
• le contrat de capitalisation ne peut pas vivre seul,
• sa fiscalité propre ne peut jamais s’appliquer,
• c’est exclusivement la fiscalité du PEA qui s’impose lors d’un rachat.
Il y a donc une primauté totale de l’enveloppe fiscale sur le contrat support.
Application au PER assurance
Le raisonnement est strictement identique pour le PER assurance.
Même s’il prend la forme technique d’un contrat d’assurance-vie, celui-ci :
• n’a aucune autonomie,
• ne peut être racheté ou dénoué en dehors des règles du PER,
• et supporte exclusivement la fiscalité propre à l’épargne retraite.
C’est pour cette raison que :
• lors d’une sortie en capital,
• lors du service d’une rente,
• ou en cas de décès,
ce sont toujours les règles du PER qui s’appliquent, et jamais celles de l’assurance-vie classique.
L’inapplicabilité de l’article 125-0 A du CGI au PER
Affirmer que le PER assurance entrerait dans les exceptions prévues par le nouvel article L. 136-8 du Code de la sécurité sociale, au motif qu’il serait assimilable à un contrat d’assurance-vie via l’article 125-0 A du CGI, revient à faire dire au texte ce qu’il ne dit pas.
D’une part :
• l’article 125-0 A du CGI concerne exclusivement la fiscalité des rachats des contrats d’assurance-vie et de capitalisation,
• il ne régit en aucun cas la fiscalité des PER.
D’autre part :
• la CSG relève du Code de la sécurité sociale, et non du Code général des impôts.
Enfin, le rattachement correct en matière de CSG concernant les sommes issues d’un PER (rentes ou capitaux) relèvent :
• des produits de placement visés aux I, 4° et II, 7° bis de l’article L. 136-7 du CSS,
• et non du II, 3° du nouvel article L. 136-8, lequel exclut expressément les contrats d’assurance-vie et de capitalisation de la hausse de CSG.
Or le PER n’est ni un contrat d’assurance-vie, ni un contrat de capitalisation, mais un contrat d’épargne retraite à régime autonome.
Et ce n’est certainement pas parce que l’article 125-0 A du CGI dispose que « les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu’aux placements de même nature souscrits auprès d’entreprises d’assurance » qu’il faudrait y faire entrer tout et n’importe quoi.
Les contrats visés par l’article 125-0 A sont strictement déterminés :
Il s’agit des contrats d’assurance-vie, des contrats de capitalisation et, plus largement, des placements de même nature, c’est-à-dire des contrats assimilables économiquement et fiscalement à l’assurance-vie, souscrits auprès d’une entreprise d’assurance.
L’article 125-0 A ne dit pas que « tout contrat ouvert auprès d’un assureur » relève de ce régime.
Il repose au contraire sur deux conditions cumulatives :
1. être un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation (ou de même nature au sens strict),
2. être souscrit auprès d’une entreprise d’assurance.
Or, si le PER assurance satisfait bien à la seconde condition, il échoue à la première.
Le PER n’est pas un contrat d’assurance-vie.
C’est avant tout un contrat d’épargne retraite, régi par un régime fiscal et social autonome, qui prime sur l’habillage assurantiel.
C’est précisément pour cette raison que :
• la fiscalité des sorties,
• la fiscalité en cas de décès,
• et les règles sociales applicables
sont celles du PER, et jamais celles de l’assurance-vie.
Dès lors, vouloir faire bénéficier le PER assurance de l’exclusion de la hausse de la CSG prévue pour les contrats d’assurance-vie en se fondant sur l’article 125-0 A du CGI revient à détourner le sens du texte.
Le PER n’étant ni un contrat d’assurance-vie, ni un contrat de capitalisation, il ne peut pas entrer dans le champ de l’exclusion, quand bien même il serait souscrit auprès d’une compagnie d’assurance.
Le PER assurance, parce qu’il est d’abord un contrat retraite, subit la hausse de la CSG, et ne peut en aucun cas être assimilé à une assurance-vie pour en avoir exonéré. Il n’est donc pas juridiquement possible de se fonder sur l’article 125-0 A du CGI pour assimiler le PER assurance à un contrat d’assurance-vie et lui faire bénéficier d’une exclusion que le législateur n’a jamais prévue.
Lire aussi : PER : un plafond fiscal plus souple et la liberté de conserver son contrat
Club Patrimoine : Est-ce même raisonnement qu’il convient d’appliquer concernant l’exclusion des PER assurances du mécanisme des prélèvements sociaux au fil de l’eau sur le fonds euro ?
B.Berchebru : Vous avez parfaitement raison. Le PER assurance, n’étant pas un contrat d’assurance-vie classique, ne subit pas le mécanisme des prélèvements sociaux au fil de l’eau sur le fonds euro.
C’est parfaitement logique : le réceptacle assurantiel ne peut s’exprimer tant que le sous-jacent épargne retraite existe. En conséquence, le PER assurance ne peut être assimilé à un contrat d’assurance-vie et est donc naturellement exclu de l’exception relative à l’absence de hausse de la CSG.
Le régime du PER en cas de décès confirme son autonomie
Il est également possible de confirmer cette autonomie du PER assurance en observant l’assiette de taxation en cas de dénouement pour cause de décès :
1. Dès avant 70 ans
Assurance-vie classique : assiette = primes + intérêts (article 990 I CGI).
PER assurance : assiette = dernière année de cotisations seulement en cas de dénouement en phase d’épargne (conformément au rescrit fiscal et au BOFiP).
2. Après 70 ans
Assurance-vie : seules les primes versées après 70 ans sont soumises à taxation.
Lire aussi : Assurance-vie après 70 ans : quelles opportunités en matière de transmission ?
PER assurance : assiette = primes + intérêts, selon l’article 757 B “dégradé”.
Ces différences montrent clairement que le PER fonctionne avec un régime fiscal et juridique parfaitement autonome, distinct de l’assurance-vie.
Le PER assurance est donc autonome fiscalement, juridiquement et socialement, et ne peut en aucun cas être assimilé à un contrat d’assurance-vie classique, ni bénéficier des exceptions prévues pour ces contrats.
Lire aussi :
PER Assurance et fiscalité décès : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
L’absence d’exclusion expresse du PER dans le texte de loi
Club Patrimoine : Peut-on alors dire que si le législateur avait souhaité exclure le PER de la hausse de la CSG, il l’aurait prévu expressément au IV du nouvel article L. 136-8 du CSS ?
B. Berchebru : En effet, une simple mention supplémentaire visant le PER en référence à l’article L.224-1 du code monétaire et financier aurait suffi à exclure le PER de cette hausse. Ne l’ayant pas fait, cela signifie bien que le PER doit être inclus dans cette hausse.
Et là où la loi ne distingue pas, (et elle ne distingue pas), il n’y a pas lieu de distinguer.
Et ce ne serait pas la première fois qu’il existe un écart entre ce que voulait écrire le législateur et ce qu’il a écrit. Mais finalement, seul le texte publié compte et s’applique… jusqu’au changement de loi.
L’absence de distinction entre PER bancaire et PER assurantiel
Club Patrimoine : Certains soutiennent que le PER sous forme assurantielle uniquement devrait être exclu de la hausse de la CSG, et qu’il convient de faire une distinction entre PER assurance et PER bancaire. Cet argument vous paraît-il fondé ?
B. Berchebru : Pas vraiment. Exclure le PER assurance sur ce fondement reviendrait à créer une distinction artificielle entre le PER bancaire et le PER assurantiel. Or, ni la nouvelle rédaction de l’article L. 136-8 du Code de la Sécurité sociale, ni les débats parlementaires ne laissent entendre qu’une telle différenciation ait été voulue par le législateur.
La loi ne distingue pas entre les deux formes de PER et n’établit aucune exclusion spécifique. Introduire une exception implicite pour le PER assurance reviendrait donc à faire dire au texte ce qu’il ne dit pas.
De manière pragmatique, si l’objectif de la hausse de la CSG est bien d’accroître les recettes publiques, il serait paradoxal de ne taxer que le PER bancaire, marginal en termes d’encours, tout en excluant le PER assurance, qui concentre l’essentiel des sommes investies.
Au final, faute de distinction dans la loi et d’exclusion expresse, la lecture la plus cohérente et rigoureuse est que les deux types de PER — bancaire et assurantiel — sont concernés par la hausse de la CSG.
Le parallèle avec le PEA ouvert sous forme assurantielle
Club Patrimoine : Vous avez indiqué que le PEA entrait dans le champ d’application de la hausse de la CSG. Ne se heurte-t-on pas à la même difficulté d’analyse que pour le PER sous forme assurantielle ?
B. Berchebru : Vous avez parfaitement raison. Il existe un parallèle évident. Tout le monde s’accorde pour considérer que le PEA est concerné par la hausse de la CSG.
Dès lors, si l’on retenait l’argument consistant à assimiler le PER assurantiel à un contrat d’assurance-vie pour en déduire qu’il serait exclu de la hausse, il faudrait, par cohérence, appliquer le même raisonnement au PEA ouvert sous forme assurantielle et l’exclure également.
Or personne ne soutient sérieusement une telle exclusion. Le PEA entre bien dans le champ de la hausse de la CSG, précisément parce qu’il est expressément visé par le texte, lequel ne distingue à aucun moment selon que le plan est ouvert sous forme bancaire ou assurantielle.
Ce raisonnement constitue un argument supplémentaire pour considérer que le PER, qu’il soit bancaire ou assurantiel, est lui aussi concerné par la hausse de la CSG, faute de distinction et d’exclusion prévues par la loi dans la version du texte qui vient d’être adoptée.
Club Patrimoine : En synthèse, que faut-il retenir de ces débats ?
B. Berchebru : La loi raisonne par nature de revenus et non par enveloppe juridique. En l’absence de distinction explicite dans le texte, ni le PER bancaire ni le PER assurantiel ne peuvent être exclus de la hausse de la CSG. Toute lecture inverse reviendrait à créer une exception que le législateur n’a ni prévue ni justifiée. En pratique, les deux formes de PER subiront donc la hausse de la CSG dans la version du texte telle qu’elle a été adoptée.
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