Quelle taxation pour les espaces de coworking ?

Fiscalité
Caroline Benhamou
fiscalité coworking

À l’heure du télétravail et des espaces partagés, de nombreux professionnels ont fait le choix d’exercer en « coworking », autrement dit dans des locaux privilégiant des postes de travail ouverts afin de faciliter des échanges d’idées ou de projets entre des utilisateurs de profils distincts et promouvoir l’entraide voire le réseautage. Le caractère mixte de ces espaces, notamment lorsqu’ils proposent des services annexes, pose la question de leur imposition.

Principe général : une taxe applicable à certains espaces de travail

Un champ limité Lorsqu’ils sont situés en Île-de-France, ces espaces de coworking sont soumis en principe à la taxe annuelle sur les bureaux prévue à l’article 231 ter du Code général des impôts. Cette taxe existe également dans d’autres départements, à savoir les Bouches‑du‑Rhône, le Var et les Alpes‑Maritimes.

L’assiette de cette taxe concerne notamment les locaux à usage de bureaux et leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité professionnelle y compris libérale ou utilisés par exemple par les établissements publics, les organismes professionnels ou les associations privées poursuivant ou non un but lucratif. Ainsi, sur un même plateau, et dans un esprit d’économie collaborative, peuvent se retrouver des programmateurs informatiques, l’équipe d’une start-up dans le domaine de la mode, un organisme de formation parapublique, un cabinet d’architectes et une association de protection animale.

Elle s’applique également aux locaux commerciaux en retenant la destination des locaux au 1er janvier de l’année d’imposition comme critère déterminant de qualification, y compris pour départager bureaux et locaux commerciaux ou artisanaux.

Un critère d’utilisation effective des locaux

Seule doit être prise en compte l'utilisation effective des locaux au 1er janvier de l'année d'imposition. Ces locaux doivent être utilisés en qualité de bureaux à titre principal et les éventuelles prestations de services fournies par la société exploitante en complément de la mise à disposition des espaces de travail ne peuvent revêtir qu’un caractère accessoire. La taxe est due pour l'année entière, même en cas de cession ou de changement d'affectation des locaux en cours d'année.

La qualification retenue par les parties dans leur contrat de bail portant sur les locaux cotisés ne sera pas déterminante, l’utilisation effective, appréciée à la date du fait générateur de l’imposition, pouvant très bien différer de celle envisagée dans le contrat.

Qui est redevable ?

Aux termes de l'article 231 ter ou 231 quater du CGI, sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel portant sur de tels locaux. La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable.

Quel est le montant de cette taxe ?

Il est égal au produit de la superficie, exprimée en mètres carrés, des locaux visés par un tarif unitaire actualisé annuellement. Ces tarifs varient selon la nature des locaux et selon leur situation géographique.

Quelles sont les modalités de règlement de cette taxe ?

La taxe doit être acquittée avant le 1er mars de chaque année auprès du comptable public du lieu de situation des locaux. Le paiement, spontané, est accompagné du dépôt d'une déclaration n° 6705 B-SD.

Et en cas de vacance forcée de ces locaux ?

L'état d'inutilisation, même pour une cause étrangère à la volonté du propriétaire, est sans incidence sur l'assujettissement à la taxe. Ainsi en cas de travaux, sauf ayant pour objet un changement de destination de ces locaux, la taxe sur les bureaux demeurera due.

Une application jurisprudentielle clé

Une destination déterminante

Sont notamment exonérés de cette taxe les locaux dont la superficie est inférieure à certains seuils. Ce seuil est fonction de la catégorie dont relève le bien, soit 100 m² pour les bureaux et locaux professionnels et 2 500 m² pour les locaux commerciaux.

Tout l’enjeu est donc de savoir si un espace à usage de coworking, comportant des services annexes, doit être considéré comme un local à usage de bureaux ou à usage commercial. Il est en effet plus intéressant d’être assimilé à des locaux à usage commercial en cas de surface intermédiaire.

Une décision récente du Conseil d’Etat du 12 novembre 2025 (n°494253) a clarifié la qualification devant être retenue pour les espaces de coworking.

Les faits

Les prestations par la société propriétaire de la surface de coworking ne se limitaient pas à la mise à disposition d'espaces de travail, mais incluaient des prestations complémentaires : des services de type hôtelier, notamment un service d’accueil et de conciergerie, des prestations de standard téléphonique et de réception du courrier, des services de bien-être, incluant des cours de yoga, l’accès à un service « communauté », incluant une cuisine commune et un réseau social interne, ainsi que l’accès à des événements sociaux et professionnels : cocktails  «after[co]work », lundi « open breakfast », mardi conseil spécial « boost your SEO » (améliorez votre référencement sur internet), « christmas party », « ateliers Arty » pour s’améliorer en dessin ou en chant, etc.  

Toutefois, les locaux en litige, étaient munis de tous les équipements et abonnements nécessaires à leur utilisation, et n'en demeuraient pas moins utilisés effectivement comme bureaux par les clients à la disposition desquels ils étaient mis par cette société.

Ce qu’il faut retenir

Cette décision confirme l’arrêt de la Cour administrative de Paris du 15 mars 2024 (n° 23PA00132). Des locaux affectés à une activité de « coworking » doivent être qualifiés de « bureaux » si les prestations de services fournies en complément de la mise à disposition d’espaces de travail revêtent un caractère accessoire au regard de l’activité principale de fourniture de postes de travail et que la preuve de l’importance quantitative de ces prestations n’est pas apportée par la documentation contractuelle et commerciale, ce qui conduit à la qualification de locaux à usage de bureaux.

Cette solution s’inscrit en faux avec le jugement rendu en première instance par le Tribunal administratif de Paris du 29 novembre 2022 (n° 2113114) qui, au contraire, avait qualifié le même type d’espaces de « locaux commerciaux » au regard de l’étendue des services proposés (accès salles de réunion, internet, cuisine/restauration, événements, cours de yoga, etc.), des contrats de prestations facturés selon des formules et de l’accès direct du public pour visiter, obtenir un devis ou souscrire.

Ainsi, la qualification des espaces de coworking au regard de l’article 231 ter du CGI ou de l’article 231 quater du même code dépend de l’utilisation effective au 1er janvier et de l’offre proposée par l’exploitant du site. Il s’agira de locaux commerciaux si celui-ci propose un ensemble de services substantiels et commercialise des prestations à une clientèle pouvant accéder librement aux locaux pour souscrire. En revanche, la qualification de bureaux sera retenue si ces services annexes restent accessoires par rapport à la mise à disposition de postes de travail.

Par Caroline BENHAMOU, avocat associé du cabinet CBV Avocats

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