SCPI de bureau : un modèle en transition face aux nouveaux défis

Pierre Papier
Jean-François Degait
scpi bureaux

Longtemps perçues comme une valeur sûre de l’investissement immobilier collectif, les SCPI de bureau traversent aujourd’hui une phase de mutation profonde. Ce placement, qui reposait sur la stabilité des loyers et la croissance continue des grandes métropoles, est désormais confronté à des bouleversements structurels. La généralisation du télétravail, la pression réglementaire liée aux critères ESG et la hausse des taux d’intérêt depuis 2022 rebattent les cartes. Ce contexte a causé un recul de 10 à 15% de la valeur des parts de certaines SCPI en 2024, selon Le Monde. Pourtant, des opportunités émergent pour les acteurs capables de s’adapter et de réinventer leur modèle.

SCPI de bureau : un socle longtemps solide, désormais fragilisé

Depuis plusieurs décennies, les SCPI de bureau occupent une place majeure dans l’épargne immobilière française. Conçues pour mutualiser les risques locatifs, elles ont permis à des milliers d’épargnants d’investir dans des immeubles de bureaux loués à long terme à des entreprises solides. Fin 2021, les bureaux représentaient encore près de 60 % des actifs des SCPI françaises, soit plus de 50 milliards d’euros (Aspim, 2022). Leur promesse était d’atteindre des rendements réguliers autour de 4,5 % nets annuels et une valorisation continue des biens.

Ce modèle a toutefois été durement éprouvé par une conjonction de chocs. La flambée de l’inflation a conduit la BCE à relever brutalement ses taux, faisant mécaniquement baisser la valeur des actifs. Dans le même temps, le télétravail s’est ancré dans les usages, poussant les entreprises à réduire leurs surfaces et à privilégier la flexibilité. Enfin, la montée des exigences énergétiques a rendu obsolètes de nombreux immeubles anciens, mal isolés ou mal situés.

Ces évolutions se sont traduites par une baisse inédite de la valeur des patrimoines. Selon Le Monde (novembre 2024), les parts de certaines SCPI ont chuté de 5 à 15 %. La correction a principalement touché les actifs vieillissants et énergivores, tandis que les immeubles récents, performants et idéalement situés ont mieux résisté. Désormais, toutes les SCPI ne jouent plus dans la même catégorie : la sélectivité est devenue la règle.

Des mutations structurelles du marché du bureau

La crise sanitaire a accéléré une tendance de fond, les bureaux ne sont plus occupés de manière uniforme et permanente. Désormais, les entreprises recherchent des espaces hybrides, modulables, technologiques et centrés sur le bien-être des salariés. Une étude EY–Aspim (2025) rappelle que 14 % des salariés franciliens travaillent dans des immeubles détenus par des SCPI, soulignant l’importance du secteur mais aussi l’urgence de s’adapter à ces nouveaux usages.

Au-delà des pratiques, les contraintes réglementaires et environnementales redessinent le marché. Les immeubles mal classés énergétiquement pourraient perdre toute liquidité locative d’ici 2030, avertit France SCPI (2025). À l’inverse, les bâtiments certifiés HQE, BREEAM ou conformes à la taxonomie européenne s’imposent comme les nouveaux standards recherchés. L’investissement vert n’est plus une option, mais une condition de survie.

Les entreprises, désormais attentives à leur image et à la qualité de vie au travail, privilégient des bureaux modernes, bien desservis, intégrés dans leur environnement urbain. Comme le souligne La Tribune (2024), les immeubles obsolètes voient leur vacance croître, tandis que les actifs premium continuent d’attirer. Ce basculement transforme les locataires en véritables arbitres de valeur.

Les stratégies d’adaptation des SCPI

Face à ce nouvel environnement, les SCPI se recentrent sur des immeubles récents, situés dans les centres urbains ou les grands hubs tertiaires, offrant des services modernes et une haute performance énergétique. Ce repositionnement vers des actifs premium constitue une réponse structurelle aux attentes des locataires comme des investisseurs.

Certaines SCPI choisissent aussi la diversification, tant sectorielle que géographique. Logistique urbaine, immobilier de santé ou locaux d’activité gagnent en attractivité car moins sensibles aux effets du télétravail. Sur le plan géographique, des villes européennes comme Barcelone, Amsterdam ou Milan attirent les capitaux grâce à leur dynamisme et à des prix encore compétitifs.

C’est dans cette logique que le groupe Advenis REIM a développé deux SCPI spécialisées à l’international. Eurovalys, lancée en 2015, est une SCPI ISR à capital variable investie majoritairement dans des bureaux en Allemagne. Avec une capitalisation proche du milliard d’euros, elle bénéficie du savoir-faire local de la filiale Advenis Germany à Francfort, active depuis plus de 15 ans. Parmi ses investissements marquants figure l’extension d’un bâtiment de 4 400 m² à Plattling, sécurisée par un bail ferme de 20 ans. Elialys, créée en 2019, se concentre sur l’Europe du Sud, avec un fort ancrage en Espagne. Elle a obtenu le label ISR et se conforme à l’article 8 du règlement SFDR. Ses acquisitions récentes témoignent de sa stratégie : un hôtel 4 étoiles à Grenade pour environ 12,6 M€, et un portefeuille de quatre immeubles commerciaux pour près de 9 M€, tous loués à la chaîne Basic-Fit. Ces choix permettent de capter la croissance des métropoles ibériques tout en diversifiant les risques au-delà du marché français.

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Aux côtés d’acteurs comme Corum Origin ou Novaxia Neo, Advenis illustre ainsi la capacité des SCPI à se réinventer grâce à la diversification et à l’ancrage européen.

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La digitalisation transforme aussi le modèle. Les SCPI développent des plateformes permettant aux épargnants d’accéder en temps réel aux indicateurs clés : taux d’occupation, revenus locatifs, bilan énergétique… Certaines vont plus loin en intégrant des dispositifs participatifs ou des objectifs ESG mesurables dans leur gouvernance, dessinant un modèle plus transparent et interactif.

Vers un renouveau fondé sur agilité et durabilité

Désormais, les SCPI doivent concilier performance financière et responsabilité sociétale. Réduction de l’empreinte carbone, confort des utilisateurs, transparence de la gouvernance : ces critères deviennent déterminants pour attirer une nouvelle génération d’investisseurs soucieux d’impact.

Les SCPI les plus agiles qu’elles soient diversifiées, ISR ou innovantes affichent déjà de meilleures performances. Novaxia Neo, Corum Origin, Remake Live ou encore Eurovalys démontrent qu’une stratégie axée sur la diversification, la réhabilitation d’actifs ou l’investissement vert peut préserver, voire améliorer, les rendements.

L’avenir des SCPI de bureau reposera sur un triptyque de rentabilité, durabilité et adaptabilité. Les acteurs capables de moderniser leurs portefeuilles, d’intégrer la digitalisation et de renforcer la transparence envers les épargnants pourront redevenir des piliers de l’épargne immobilière en France. Loin d’annoncer leur déclin, ces mutations ouvrent la voie à une nouvelle ère, où agilité et engagement durable feront la différence.

Conclusion

Entre contraintes et opportunités, les SCPI de bureau se trouvent à un tournant historique. Si plus de 30 % d’entre elles ont révisé le prix de leurs parts à la baisse entre 2023 et 2024 (Aspim, 2025), celles qui parviennent à se recentrer sur des immeubles prime, diversifier leurs portefeuilles et accélérer leur transition ESG restent attractives. La digitalisation et la transparence viennent compléter ce nouveau cadre.

En somme, les SCPI de bureau peuvent encore s’imposer comme un pilier solide de l’investissement collectif, à condition d’embrasser pleinement la mutation en cours. L’avenir reposera moins sur l’héritage d’un modèle passé que sur la capacité à conjuguer rendement, responsabilité et flexibilité. Les initiatives d’acteurs comme Advenis, avec Eurovalys et Elialys, montrent la voie d’une nouvelle génération de SCPI, plus internationales, sélectives et durables.

Par Jean-François Degait, Adeo Patrimoine

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