Dans quels cas le démembrement de propriété est-il intéressant ? Jonathan Rosen (Etsa Patrimoine)


Qu’est-ce que le démembrement de propriété et comment l’appréhender ? Quel est l’intérêt patrimonial du démembrement de propriété ? Les éléments à prendre en considération lorsqu’on parle de démembrement.
Qu’est-ce que le démembrement de propriété et comment l’appréhender ?
Définition du démembrement de propriété
Le démembrement de propriété est un concept juridique qui permet de séparer la pleine propriété d’un bien en deux droits distincts : la nue-propriété et l’usufruit. Cette dissociation ouvre la porte à de nombreuses stratégies patrimoniales, notamment en matière de succession et de fiscalité.
Le démembrement peut être temporaire ou viager, c’est-à-dire qu’il peut prendre fin à une date prédéterminée ou au décès de l’usufruitier. Les droits des deux parties sont indépendants, ce qui signifie qu’aucun des deux ne peut seul vendre la pleine propriété du bien, l’accord des deux parties reste obligatoire.
Que représente la nue-propriété ?
La nue-propriété est le droit de propriété dépouillé de l’usufruit. Le nu-propriétaire détient la propriété du bien mais n’a pas le droit de l’utiliser ni d’en percevoir les revenus. Cependant, il récupère l’usufruit à la fin du démembrement, retrouvant ainsi la pleine propriété. Ce mécanisme est souvent utilisé dans les donations afin de transmettre un bien tout en conservant certains droits sur celui-ci mais nous y reviendrons plus tard. Le calcul de la valeur fiscale de la nue-propriété est déterminé en fonction de l’âge du donateur, ce qui permet d’optimiser les droits de succession.
À quoi correspond l’usufruit ?
L’usufruit correspond au droit d’utiliser un bien et d’en percevoir les fruits comme les loyers d’un investissement locatif. L’usufruitier a donc la jouissance du bien, mais il n’en est pas le propriétaire. À la fin du démembrement, l’usufruit s’éteint et le nu-propriétaire devient pleinement propriétaire.
La différence entre valeur économique et valeur fiscale
Dans le cadre du démembrement de propriété, il est essentiel de distinguer la valeur économique de la valeur fiscale. La valeur économique représente la réalité de l’usage et des revenus du bien, tandis que la valeur fiscale est celle prévue par l’article 669 du Code Général des Impôts pour le calcul des droits de succession ou de donation. Le barème fiscal, établi en fonction de l’âge de l’usufruitier, permet de déterminer la part de la valeur du bien attribuée à l’usufruit et à la nue-propriété.
Quel est l’intérêt patrimonial du démembrement de propriété ?
Le démembrement subi lors de la succession
Lorsqu’une succession intervient sans dispositions préalables, le Code civil offre au conjoint survivant deux options principales :
• Recevoir un quart de la succession en pleine propriété.
• Recevoir l’usufruit de l’ensemble des biens de la succession.
Ces choix sont souvent contraignants, car ils ne prennent pas en compte les besoins spécifiques du conjoint survivant et la situation familiale globale. Par exemple, le choix du quart en pleine propriété pourrait ne pas suffire à garantir le maintien du niveau de vie du conjoint, tandis que l’usufruit total peut parfois être une solution difficile à gérer en présence d’enfants, qui deviendront nus-propriétaires. Le démembrement ainsi subi peut générer des conflits familiaux ou des difficultés de gestion des biens immobiliers.
Pour éviter les écueils du démembrement subi, la donation entre époux, ou "donation au dernier vivant", est un outil de planification patrimoniale très efficace. Elle permet de sécuriser la situation du conjoint survivant en lui offrant une gamme de choix plus large et mieux adaptée :
• Toute la succession en usufruit.
• Un quart en pleine propriété et les trois autres quarts en usufruit.
• La pleine propriété de la quotité disponible (à savoir la part qui n’est pas réservée de droit aux enfants et qui dépend de leur nombre)
Ces options permettent au conjoint de choisir la solution qui correspond le mieux à ses besoins économiques et patrimoniaux, en fonction des circonstances. Par exemple, si le conjoint survivant souhaite continuer à résider dans le logement familial, il peut opter pour l’usufruit de la totalité des biens, permettant ainsi de vivre dans le logement tout en laissant les enfants devenir nus-propriétaires. Cela assure la protection du conjoint tout en facilitant la transmission du patrimoine aux enfants.
Mettre en place un démembrement de son vivant
Opter pour un démembrement de propriété de son vivant peut être une stratégie gagnante, notamment au décès de l’usufruitier. En effet, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété sans frais supplémentaires, ce qui permet une transmission efficace et optimisée du patrimoine. Cette approche est souvent associée à une donation avec réserve d’usufruit, permettant de maintenir le contrôle et les revenus du bien jusqu’au décès. L’intérêt du démembrement de propriété de son vivant est aussi bien fiscal que lié à la transmission.
Anticiper sa succession via la donation de la nue-propriété avec réserve d’usufruit
Anticiper sa succession en donnant la nue-propriété d’un bien tout en en conservant l’usufruit est une stratégie pertinente. L'un des principaux intérêts de celle-ci réside dans la réduction significative de l'assiette des droits de succession. En effectuant une donation de la nue-propriété tout en conservant l'usufruit, seule la valeur de la nue-propriété est soumise aux droits de donation au moment de la transmission. Cette valeur est calculée selon un barème fiscal dépendant de l'âge de l'usufruitier au moment de la donation. Plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de l’usufruit est élevée, et donc la valeur de la nue-propriété est faible. Cette valorisation avantageuse permet de transmettre des biens à moindre coût fiscal.
En se réservant l'usufruit, le donateur conserve le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les revenus, tels que les loyers pour un bien immobilier locatif, ou les dividendes pour des actions. Cela permet au donateur de maintenir son niveau de vie et sa sécurité financière tout en ayant déjà transmis une partie de son patrimoine. Cette stratégie s’avère donc pertinente pour un client qui souhaiterait percevoir des revenus complémentaires à sa retraite par exemple.
Ainsi, au décès de l’usufruitier, sa part s’éteint naturellement et les nus-propriétaires deviennent automatiquement pleins propriétaires du bien, sans avoir à payer de droits supplémentaires. Cette transmission de l’usufruit est gratuite, ce qui constitue un avantage fiscal considérable. L'ensemble du bien (en pleine propriété) revient donc aux héritiers sans nouvelle imposition, ce qui représente une économie substantielle par rapport à une transmission en pleine propriété lors de la succession.
Quel est l’intérêt patrimonial de l’usufruit temporaire ?
L’usufruit temporaire est une solution patrimoniale intéressante pour les parents qui souhaitent soutenir financièrement leurs enfants. Par exemple, un parent, encore en activité et lourdement fiscalisé, pourrait transférer l’usufruit d’un bien immobilier à son enfant étudiant, qui a besoin de revenus pour financer un logement en province. Cette stratégie permet de répondre aux besoins immédiats de l’enfant tout en optimisant la fiscalité des parents, sans grever son propre budget. Par ailleurs, si ce client dispose d’un patrimoine taxable à l’IFI, ce bien en question en serait exonéré car les parents n’en détiendraient que la nue-propriété.
L’achat d’un bien immobilier en nue-propriété
L’acquisition d’un bien immobilier en nue-propriété temporaire présente de nombreux avantages, bien que souvent méconnus du grand public.
Tout d’abord, ce type d’achat permet de se constituer un patrimoine immobilier sans alourdir sa masse imposable au calcul de l’IFI. En effet, la nue-propriété seule d’un bien immobilier n’intègre pas la base imposable pour le calcul de l’IFI. Par ailleurs, les intérêts d’emprunt sont déductibles des revenus fonciers préexistants, ce qui signifie que l’investisseur peut continuer à développer son patrimoine immobilier sans alourdir sa fiscalité au titre de l’impôt sur le revenu. Cette déduction des intérêts d’emprunt revêt aussi l’avantage de pouvoir éponger des revenus perçus via d’autres actifs immobilier tels que des biens en direct ou encore des SCPI. La problématique de la pression fiscale émerge souvent dans le cahier des charges des investisseurs. Cette dernière peut donc également être traiter via l’investissement en démembrement temporaire de propriété.
Percevoir des revenus complémentaires à la retraite fait régulièrement partie des réflexions menées par nos clients. L’acquisition d’un bien en nue-propriété temporaire constitue à ce titre également un puissant levier. Ce véhicule permet aux clients de capitaliser dans le temps et in fine de pouvoir percevoir un capital en cas de revente mais aussi et surtout de tirer des revenus de cet actif lorsqu’il est mis en location. Rappelons que cette location peut tout à fait être meublée…
Enfin, le client aura sûrement en amont pu anticiper sa transmission avec cet investissement, soit par le biais d’une donation de ladite nue-propriété soit via la possibilité également de donner un usufruit temporaire sur ce même actif. Il reste préférable de se rapprocher de son conseil notariale pour ces actes.
Les éléments à prendre en considération lors d’un démembrement
La donation en nue-propriété
La donation en nue-propriété doit être effectuée par acte notarié, ce qui engendre des frais de et potentiellement des droits de succession/donation. Toutefois, ces coûts peuvent être largement compensés par les avantages fiscaux à long terme. Le démembrement de propriété nécessite un accord clair entre les parties, afin de définir les droits et devoirs de chacun, notamment en ce qui concerne l’entretien du bien et la répartition des charges.
Les intérêts opposés entre nu-propriétaire et usufruitier
Le démembrement de propriété peut entraîner des tensions entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, leurs intérêts peuvent être divergents. Par exemple, l’usufruitier pourrait être tenté de maximiser les revenus d’un bien au détriment de sa préservation, alors que le nu-propriétaire est davantage concerné par la conservation de la valeur du bien. Ces divergences peuvent être résolues par des clauses précises dans l’acte notarié, mais elles représentent un inconvénient potentiel du démembrement.
Pour aller plus loin ...
Démembrer la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-Vie
Le démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est une stratégie patrimoniale sophistiquée qui permet de répondre à plusieurs objectifs : protéger le conjoint survivant, optimiser la transmission du patrimoine aux enfants, et bénéficier d’un cadre fiscal avantageux.
Le démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie repose sur le même principe que le démembrement de la propriété d’un bien immobilier. Dans ce cas, le capital versé par l’assurance-vie au décès de l’assuré est réparti en deux droits distincts :
• L’usufruit, attribué au conjoint survivant (en règle générale), lui confère le droit de jouir du capital perçu. Concrètement, cela peut par exemple se traduire par la perception des intérêts ou des revenus issus de placements réalisés avec ce capital.
• La nue-propriété, attribuée aux enfants ou autres héritiers désignés, leur confère le droit de récupérer l'intégralité du capital au décès de l’usufruitier, c’est-à-dire le conjoint survivant (dans notre exemple).
Ce mécanisme permet d’assurer au conjoint survivant un niveau de vie confortable, tout en préparant la transmission du patrimoine aux descendants. En attribuant la nue-propriété aux enfants, on leur permet de bénéficier, à terme, de l'intégralité du capital sans qu'ils aient à attendre de longues procédures de succession ou à subir une lourde imposition. Ce capital leur reviendra en pleine propriété au décès du conjoint survivant, sans qu’ils aient à payer de droits de succession supplémentaires.
Le démembrement de la clause bénéficiaire nécessite une gestion intelligente entre l’usufruitier et les nus-propriétaires, surtout si le capital est investi dans des produits financiers ou immobiliers. Il est important que les deux parties s'entendent sur la manière de gérer le capital pour que cela soit avantageux pour l’usufruitier, tout en préservant la valeur pour les nus-propriétaires.
Donner la nue-propriété sur des titres de société
Pour anticiper la transmission d’une entreprise, il est possible de donner la nue-propriété des titres de société à ses enfants tout en conservant l’usufruit. Cette méthode est une stratégie patrimoniale couramment utilisée par les dirigeants d’entreprises pour anticiper la transmission de leur société tout en conservant un certain contrôle et les revenus générés par celle-ci. En effet, l’un des principaux avantages de cette stratégie réside dans la possibilité de transmettre progressivement l’entreprise à ses enfants. En tant que nus-propriétaires, les enfants deviennent titulaires des droits de propriété sur les titres, mais sans pouvoir en disposer immédiatement (c'est-à-dire sans pouvoir vendre les titres ou en percevoir les dividendes). Cette transmission graduelle permet aux enfants de se familiariser progressivement avec la gestion de l’entreprise et d’en comprendre les enjeux, tout en laissant au dirigeant le temps de préparer la relève.
Ce dispositif est particulièrement intéressant dans le cadre d'entreprises familiales, où le dirigeant souhaite transmettre progressivement l’entreprise à ses descendants tout en restant aux commandes pendant encore plusieurs années. Cela assure une transition en douceur, avec une transmission des connaissances et des compétences aux héritiers.
Le démembrement de la propriété des titres de société présente un avantage fiscal significatif. La valeur de l'usufruit, qui reste entre les mains du donateur, est déterminée selon un barème fixé par l’administration fiscale, qui prend en compte l’âge du donateur. Plus l’usufruitier est jeune, plus l'usufruit est valorisé, ce qui diminue d'autant la valeur de la nue-propriété et, par conséquent, les droits de donation à acquitter.
Il pourrait également être intéressant se pencher sur le mécanisme de la donation avant cession. Ce sujet fera l’objet d’un prochain article.
La clause de réversion intégrale de l’usufruit
La clause de réversion intégrale de l’usufruit au conjoint survivant constitue un outil permettant de renforcer la protection de celui-ci. Cette clause stipule que l’usufruit du bien donné ou légué revient intégralement au conjoint survivant, lui assurant ainsi une sécurité financière jusqu’à son propre décès. Ce mécanisme peut s’avérer crucial lors de la donation de parts de Société Civile ou encore d’un bien immobilier. Cette clause doit bien évidemment être prévue dans les statuts ou actes notariés.
En conclusion, le démembrement de propriété est un outil patrimonial aux multiples facettes, permettant de couvrir l’ensemble des réflexions patrimoniales des investisseurs. De la constitution de patrimoine à l’anticipation de sa retraite, en passant par la maîtrise de sa pression fiscale ou encore par la préparation de sa transmission, le démembrement de propriété permet réellement de répondre aux enjeux primordiaux des clients patrimoniaux.
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