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Lombard International Assurance : démembrement et assurance-vie, quelles utilisations et mises en garde ?

23
Jun
2023

Figure incontournable de la gestion de patrimoine en France, le démembrement de propriété est régulièrement utilisé en matière de gestion de patrimoine. Si le succès du démembrement de propriété en France est en partie dû aux gains fiscaux qu’il peut permettre de réaliser, d’autres atouts civils expliquent et justifie également largement son utilisation.

Tout comme le démembrement de propriété, le contrat d’assurance vie est plébiscité en France. Cadre favorable à la gestion d’un patrimoine à long terme, le contrat d’assurance vie permet également de bénéficier d’un différé d’imposition durant la détention du contrat ainsi que d’un régime fiscal dérogatoire au moment de la transmission.

Aussi, au regard de l’intérêt suscité aussi bien par le démembrement de propriété que par l’assurance vie, il est opportun de s’intéresser à l’utilisation conjointe de ces deux figures incontournables de la gestion de patrimoine. L’analyse ici effectuée aura également pour objectif de mettre en avant les spécificités françaises du démembrement par rapport à d’autres pays voisins comme la Belgique ou le Luxembourg ainsi que les difficultés pouvant en résulter dans le cas de situations transfrontalières.

La notion de démembrement de propriété. Le démembrement de propriété consiste à diviser les différents droits/utilisations d’un bien qui peuvent être effectués et d’attribuer chacun de ces droits à des personnes différentes. Le démembrement de propriété se distingue ainsi de l’indivision qui est pour sa part la répartition d’un même droit entre plusieurs personnes qui doivent ainsi s’accorder sur l’utilisation d’un bien. Prenons l’exemple d’un appartement. Il est possible d’utiliser cet appartement pour vivre, se loger dans celui-ci. Ce droit d’usage est appelé l’usus. Mais il est aussi possible de recevoir des revenus de cet appartement en le louant par exemple. C’est le fructus ou droit de recevoir des fruits. Lorsqu’une même personne possède à la fois le droit d’utiliser un bien – usus – et le droit de louer ce même bien – fructus – la personne est appelée l’usufruitier. Mais, l’appartement peut appartenir à une autre personne – abusus. Cette personne est nommée pour sa part le nu-propriétaire.

Les motivations liées à l’utilisation du démembrement. Si l’une des motivations du recours au démembrement est souvent fiscale, les spécificités civiles de ce concept ne sont pas à négliger. Prenant acte des différentes utilisations pouvant résulter d'un bien, l’administration fiscale française accepte de ne taxer que la valeur du droit effectivement transmis. Le plus souvent, il s’agit de la nue-propriété dont la valeur est généralement déterminée de manière forfaitaire selon les dispositions de l’article 669 du Code Général des Impôts « CGI ». Cet article détermine forfaitairement la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété en se basant sur l’âge de l’usufruit au moment de la transmission. Or, l’article 1133 du CGI dispose que « (…) la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à aucun impôt ou taxe lorsque cette réunion a lieu par l'expiration du temps fixé pour l'usufruit ou par le décès de l’usufruitier. » Il en résulte ainsi une exonération de la valeur de l’usufruit ainsi transmise au nu-propriétaire au moment du décès de l’usufruit.

La motivation fiscale qui peut amener à instaurer un démembrement en France, ne se retrouve pas en Belgique où, en cas de transmission à titre gratuit uniquement de la nue-propriété, le nu-propriétaire est taxé sur la valeur intégrale du bien et non uniquement sur la valeur de la nue-propriété.

Mais les motivations à l’utilisation du démembrement ne sont pas exclusivement fiscales. Ces motivations peuvent résulter également des effets de la répartition même des droits entre différentes personnes. Un conjoint souhaitant à son décès permettre à sa conjointe de continuer à bénéficier de revenus peut ainsi choisir de mettre en place un démembrement de propriété. Le démembrement peut être aussi utilisé pour effectuer un saut de génération. Prenons le cas, par exemple, de parents qui souhaiteraient s’assurer qu’un enfant prodigue ne porte pas atteinte au capital transmis. Les parents pourraient ainsi transmettre à cet enfant l’usufruit d’un bien, ce qui lui permettrait de bénéficier de revenus sa vie durant, et transmettre à leurs petits-enfants la nue-propriété pour s’assurer qu’il ne soit pas porté atteinte au capital. Une telle structuration aurait ainsi pour effet de permettre un saut de génération tout en assurant des revenus aux descendants directs du couple.

Le démembrement effectué, il convient encore de trouver un cadre optimal de gestion pour les fonds démembrés. C’est là que l’utilisation du contrat de capitalisation ou du contrat d’assurance vie est susceptible de trouver un intérêt certain.

La souscription d’un contrat de capitalisation ou d’assurance vie en démembrement. Alors que la souscription d’un contrat de capitalisation en démembrement ne pose pas de difficultés particulières, la souscription d’un contrat d’assurance vie nécessite ici de prendre pleinement en compte le caractère du contrat souscrit et notamment l’impossibilité de modifier la position de souscripteur.

Afin d’éviter le blocage éventuel du contrat, il est ici primordial que la vie assurée soit impérativement le nu-propriétaire. Dans le cas inverse, en cas de prédécès du nu-propriétaire, les droits dévolus à celui-ci ne pourraient être retransmis à une tierce personne. Dans le même temps, un certain nombre d’opérations qui nécessitent l’accord du nu-propriétaire (modification de la clause bénéficiaire, mise en garantie du contrat, rachat qui viendrait à faire passer la valeur du contrat en dessous du montant des primes versées,…) ne seraient plus possible entraînant un blocage partiel du contrat.

Afin d’éviter également que le dénouement du contrat en cas de prédécès du nu-propriétaire n’amène l’usufruitier à perdre ses droits, il peut sembler opportun de nommer celui-ci comme bénéficiaire, au moins pour l’usufruit dans la clause bénéficiaire. Toutefois, cette désignation ne sera pas neutre car aussi bien l’article 990 I du CGI que l’article 757 B du CGI prévoit que la taxation d’une prestation décès s’effectue sur la base de l’assuré entraînant le dénouement du contrat. En d’autres termes, alors même que le bénéficiaire était usufruitier du contrat, il existe un fort risque que celui-ci soit taxé sur la valeur de l’usufruit qu’il recevra. Ce point devra nécessairement être porté à l’attention des souscripteurs ! Le cas échéant, l’usufruitier pourra toujours renoncer à ses droits s’il n’a pas le besoin de garder la jouissance des fruits de la prestation décès.

Le démembrement d’un contrat de capitalisation ou d’assurance vie en cours de vie. Pour les mêmes raisons qui doivent nous forcer à encadrer la souscription d’un contrat d’assurance vie, il n’est pas possible d’effectuer un démembrement du contrat d’assurance vie durant la vie. En effet, même s’il existe un débat sur la possibilité de modifier la position de souscripteur, en pratique, la doctrine est excessivement divisée sur le sujet. Aussi convient-il de rester prudent.

A l’inverse, s’il est en théorie possible de transmettre la nue-propriété d’un contrat de capitalisation, cette opération n’est pas nécessairement souhaitable au niveau fiscal. En effet, suite à la modification de la doctrine administrative le 20 décembre 2019, il convient de noter qu’« en cas d'acquisition à titre gratuit du bon ou contrat, le prix d'acquisition s'entend de la valeur vénale retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit. » Il existe ainsi un risque non négligeable qu’au décès de l’usufruitier, l’administration fiscale française considère que le prix d’acquisition retenu soit la valeur de la nue-propriété au jour de la transmission à titre gratuit et non pas la valeur de la pleine propriété du contrat. Dans un tel contexte, le gain en matière de droits de donation sera repris au moment du rachat.


Prenons le cas d’une personne ayant souscrit un contrat de capitalisation dont la prime initiale est de 1.000.000€

Le souscripteur décide de donner la nue-propriété de son contrat. La valeur de la nue-propriété au jour de la donation est de 50%. La valeur du contrat, au jour de la donation, est de 1.100.000€. Pour le nu-propriétaire, le prix d’acquisition du contrat est ainsi de 550.000€ (1.100.000€ x 50%). Au jour du décès de l’usufruitier, la valeur du contrat est de 1.400.000€. L’usufruit rejoint la nue-propriété sans qu’aucun impôt soit exigible. Pour le nu-propriétaire devenu plein propriétaire, le prix d’acquisition est donc de 550.000€.

Si le contrat n’avait pas été donné en démembrement, celui-ci aurait été soumis aux droits de succession sur la valeur du contrat au jour de la succession 1.400.000€. 1.400.000€ aurait ainsi été le prix d’acquisition du contrat.

Deux ans plus tard, la valeur du contrat est de 1.500.000€. A ce moment, le souscripteur décide de racheter totalement son contrat. La plus-value est ainsi déterminée par la différence entre la valeur du contrat au jour du rachat 1.500.000€ et son prix d’acquisition 550.000€ soit une base taxable de 950.000€. Si le contrat n’avait pas été transmis en démembrement mais en pleine propriété au jour du décès du souscripteur, le prix d’acquisition aurait été de 1.400.000€ et la plus-value taxable aurait ainsi été seulement de 100.000€ (1.500.000€ - 1.400.000€).

Autrement dit, la donation en démembrement a eu pour effet d’augmenter artificiellement la base taxable. En d’autres termes, on troque des droits de donation/succession contre de l’impôt sur le revenu.


Les limites de ce type de montage dans un contexte international au moment de la souscription. Si, dans un cadre franco-français, le cumul du démembrement avec un contrat de capitalisation ou d’assurance vie peut être particulièrement pertinent, dans un cadre international, cette structuration doit être dans une grande majorité de cas évitée.

Dans certains cas cette solution peut être simplement impossible à mettre en œuvre. Prenons le cas d’un usufruitier de nationalité marocaine vivant en France et d’un nu-propriétaire également de nationalité marocaine vivant en Belgique. Le règlement Rome I article 7 offre la possibilité de souscrire un contrat du pays de résidence du souscripteur ou du pays de sa nationalité à condition que ce soit la nationalité d’un État membre de l’Union Européenne. Dans le cas présent, la personne résidant en France pourra seulement souscrire un contrat de droit français alors que la personne résidant en Belgique pourra seulement souscrire un contrat de droit belge. La seule loi commune aurait pu être la loi de leur nationalité, la loi marocaine, mais le Maroc n’appartenant pas à l’Union Européenne cette option leur est refusée. Il n’est ainsi légalement pas possible d’opter pour une telle solution.

Dans d’autres cas, même s’il est possible de trouver une loi commune, le cumul des obligations pré-contractuelles ou post-contractuelles devront amener l’assureur à refuser une telle souscription. Prenons le cas d’un usufruitier résident en France de nationalité italienne. Le nu-propriétaire également de nationalité italienne réside en Belgique. En théorie, il sera alors possible pour l’usufruitier et le nu-propriétaire de souscrire un contrat de droit italien, droit de leur nationalité commune dans la mesure où il s’agit de la nationalité d’un pays membre de l’Union Européenne. Toutefois, en pratique, une telle souscription va nécessiter de cumuler les obligations pré-contractuelles de trois pays au moment de la souscription, à savoir les obligations pré-contractuelles italiennes mais également françaises et belges. Durant la vie du contrat, il y aura également lieu de faire application des règles impératives italiennes mais également françaises et belges.

A la souscription, le droit des assurances et les obligations pré-contractuelles pesant sur l’assureur doivent dissuader d’accepter une telle souscription au risque de voir celle-ci frappée de nullité. Une telle souscription poserait en outre une difficulté pour l’application de la taxe sur prime en Belgique. Faudrait-il appliquer la taxe uniquement sur la valeur de la nue-propriété au regard du fait que seul le nu-propriétaire est belge ou bien au contraire sur l’intégralité des primes versées ?

Les potentielles difficultés durant la vie du montage en cas de changement de résidence d’un souscripteur. Prenons le cas d’un usufruitier et d’un nu-propriétaire de nationalité française ayant souscrit en France un contrat d’assurance vie en démembrement. Le nu-propriétaire, pour des raisons professionnelles, décide de se délocaliser au Luxembourg.

Si d’un point de vue français en cas de rachat, l’usufruitier est supposé recevoir les revenus et donc être taxé sur ceux-ci, au Luxembourg, l’article 108 bis (1) de la Loi sur l’Impôt sur le Revenu dispose pour sa part que « Le nu-propriétaire est réputé acquérir les revenus du bien qui est grevé de l’usufruit et les céder à l’usufruitier ». Il en résulte que selon les modes de mise en œuvre du démembrement, la charge mise sur le nu-propriétaire de reverser le revenu à l’usufruitier sera totalement, partiellement ou pas du tout déductible.

Dans le cas présent, le recours au contrat d’assurance vie souscrit en démembrement sera positif et viendra régler une éventuelle double taxation pouvant résulter de cette spécificité fiscale luxembourgeoise. En effet, le rachat effectué sur un contrat d’assurance vie sera exonéré d’impôt sur le revenu par application de l’article 115 de la Loi sur l’Impôt sur le Revenu mais tel n’est pas le cas dans tous les pays ! Une analyse au cas par cas doit être effectuée.

Si l’assurance vie et le contrat de capitalisation peuvent intégrer le démembrement, un certain nombre de points d’attention devront néanmoins être pris en compte afin d’associer ces deux outils de gestion de patrimoine. Ainsi, sous réserve de cumuler harmonieusement les spécificités de chacun de ces deux produits, l’équation peut s’avérer particulièrement gagnante en permettant d’additionner les avantages de ces deux figures incontournables de la gestion de patrimoine en France.

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