Bilan et perspectives marchés de Mars 2025 (Natixis IM)

Analyses de marchés
perspectives macro mars 2025

Faits marquants - Février 2025    

• Taux : Baisse des taux longs américains sur fond d’incertitude macro.

• Actions : Poursuite de la surperformance des actions européennes vs actions américaines.

• Guerre tarifaire : L’indice Bloomberg Global Trade Policy Uncertainty à un plus haut historique.

Perspectives macro  

• Derrière la chute de confiance des Américains, l’heure du ralentissement économique sonne-t-elle aux Etats-Unis ?

• Réveil de l’Europe, face au défi de sa propre sécurité.

• Guerre commerciale mondiale, bis repetita ?

L’Allemagne Défense sans compter  

• Un double objectif : relancer l'économie, se renforcer militairement  

• Une manne allemande à même d'adoucir M. Trump

• Un enjeu de souveraineté allemande, un élément de disparité européenne ?

Les données mentionnées reflètent l’opinion de Mirova et la situation à la date du présent document et sont susceptibles d’évoluer sans préavis. Toutes les valeurs mobilières mentionnées dans ce document, le sont à titre illustratif uniquement et ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation ou une sollicitation d’achat ou de vente.

Récap de Février 2025 : Trump fatigue (les autres)

Comme un air de déjà-vu : le mois de février a débuté sur des annonces américaines de relèvement de tarifs douaniers contre le Canada, le Mexique et la Chine, repoussé d’un mois à la dernière minute en ce qui concerne les deux premiers, et s’est terminé sur des menaces de tarifs similaires, cette fois à l’encontre de l’Union européenne. De quoi amplifier la volatilité de marché, alimentée par les divers coups d’éclat de Donald Trump sur la scène internationale ainsi qu’une certaine perplexité, pour ne pas dire crainte des investisseurs, quant aux effets négatifs de sa politique sur l’économie américaine.  

Pour l’instant ces annonces ont eu pour effet une hausse des anticipations d’inflation pour l’année à venir ainsi qu’une perte de confiance qui tend à se généraliser parmi les ménages et les entreprises comme en témoigne la baisse des PMI ou des indicateurs de confiance des consommateurs tels que le Conference Board ou l’indice de sentiment de l’Université du Michigan. Aussi l’indice de surprise économique est-il passé en territoire négatif pour la première fois depuis cinq mois, même si un certain nombre de données demeurent solides, telles que les créations d’emplois. Autre effet de ces annonces, une accélération du déficit commercial avec un record d’importations relativement aux exportations, en anticipation d’une hausse du coût des intrants, engendrant un impact négatif sur la croissance du PIB au premier trimestre.

Bref, des premiers signes de méfiance envers la politique de Trump apparaissent çà et là, et cela se ressent sur les marchés. D’autant que les investisseurs se détournent également de la thématique de l’IA aux Etats-Unis. L’arrivée de l’entreprise chinoise spécialisée dans l’IA – DeepSeek - a rebattu les cartes et les plans d’investissement dans les infrastructures posent question. Dans ce contexte, les 7 Magnifiques1 ont été lourdement sanctionnés, perdant 9 % sur le mois de février, leur plus forte baisse mensuelle depuis plus de deux ans. La société américaine Nvidia, leader mondial de l’IA, n’y coupe pas malgré de bons résultats. Le repli des taux américains paraît également notable, avec un retour de l’aversion au risque. Le taux à 10 ans a baissé de -33 pb sur le mois à 4,21 %. Il s'agit de la plus forte baisse mensuelle des taux américains depuis plus de 18 mois, et ce via la composante réelle des rendements du fait de craintes sur un rabaissement du potentiel de croissance.

Des craintes qui se répercutent sur les actions américaines, en baisse de l’ordre de -2 %, et sur le bitcoin, en forte chute, alors que l’or atteint un sommet historique en fin de mois.  

Lire aussi : Bitcoin face au dollar : l’hégémonie monétaire américaine est-elle menacée ?

Les actions européennes, en revanche, ont largement surperformé, en hausse de l’ordre de 3 à 4 % sous le coup de plusieurs bonnes nouvelles. L’horizon s’éclaircit en Allemagne, avec une victoire de la CDUCSU2 et la formation d’une coalition bipartite avec le SPD3. Les taux allemands ont d’ailleurs résisté au mouvement de baisse des taux américains tout au long du mois dans l’anticipation d’un plan de relance budgétaire et de dépenses de défense à la suite des élections. Les négociations entre les Etats-Unis et la Russie sur un potentiel cessez-le feu en Ukraine ont évidemment occupé le centre de l’actualité, et ont contribué à faire baisser le prix du gaz ainsi que le risque géopolitique, avec un effet bénéfique sur la confiance et l’activité en Europe. Même si le clash entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky en toute fin de mois a semé le doute chez les investisseurs.  

Aussi les marchés se sont-ils ensuite focalisés sur la saison des résultats d’entreprises, et leurs prévisions pour 2025, globalement encourageantes, avec nettement moins de révisions baissières que lors des trimestres précédents. Le momentum semble plus favorable aux entreprises européennes pour l’instant ; des secteurs cycliques tels que l’industrie, la consommation discrétionnaire ou les financières contribuant aux bonnes surprises, là où les valeurs technologiques américaines semblent décevoir le consensus.

Perspectives macro

Un équilibre fragile

Comme pressenti fin 2024, le potentiel de bonnes surprises économiques et politiques se trouve du côté européen en ce début d’année et c’est finalement Trump et sa politique décousue qui en auront constitué le principal instigateur. Attention néanmoins à ce que ce moment favorable pour l’Europe ne se voit pas entravé à court terme par une résurgence du risque politique/géopolitique ou d’un potentiel trou d’air en provenance des Etats-Unis.

Etats-Unis : L’impossible équation ?  

Comment délivrer la croissance attendue par les acteurs du privé sans faire dérailler le déficit public, d’ores et déjà à des niveaux records hors période de récession ? Voici le délicat équilibre auquel Trump et son administration vont devoir s’atteler. Leur objectif : tenir la promesse de campagne de réduire les impôts, avec une prorogation des allègements fiscaux de 2017. Un enjeu de taille, car l’absence de réforme fiscale pourrait entailler de 1,5 point la croissance du PIB4. Mais reste à trouver, en face, de quoi compenser ces absences de recettes, et c’est bien là que les difficultés s’annoncent.  Si douloureux soient-ils pour les autres nations, les tarifs douaniers ne rapporteront pas aux Etats-Unis une manne suffisante, pas plus que les coupes du DOGE5 dans les dépenses. Celui-ci est parvenu à sabrer 100 milliards de dollars de dépenses pour l’instant, soit 0,3 point de PIB, mais les réelles économies passeront par la suppression ou réduction d’avantages sociaux, tels que le Medicare6 ou le financement des retraites. De quoi déplaire aux ménages, déjà inquiets des hausses de prix causées par la politique tarifaire de Trump. Les anticipations d’inflation repartent à la hausse, avec un impact direct sur les dépenses des consommateurs et les investissements des entreprises. Point notable car peu coutumier, les Américains ont recommencé à épargner. Faut-il y voir une respiration dans leurs dépenses, ou une nouvelle tendance de fond ?  La menace sur la croissance, et sur le déficit américain, semble en tout cas bien réelle. En rythme annualisé, la dette fédérale – 120 % du PIB – se place sur une trajectoire haussière de quasiment 7 %. Le poids des intérêts dépassera bientôt celui du budget de la Défense. Trump a donc besoin d’abaisser les dépenses, de rassurer les ménages et les entreprises, et de trouver de nouveaux relais pour alimenter les gains de productivité. Il peut néanmoins compter sur un marché de l’emploi encore robuste d’autant plus que les effets des licenciements de fonctionnaires ou des départs « volontaires » dans le cadre du DOGE ne se voient pas encore et qu’il parie sur un transfert des effectifs publics vers le secteur privé. Dans cet exercice d’équilibriste, il faudra suivre les prochaines publications économiques, pour savoir si les inquiétudes des ménages et des entreprises palpables à travers les données d’enquête (soft data7), reflètent un réel ralentissement de l’économie avec des impacts sur l’emploi, la consommation, la production, les investissements, ou si elles restent résilientes. La FED8 se trouve également face à un scénario complexe du fait du manque de visibilité liée à la politique tarifaire et migratoire de Trump. Néanmoins le président de la FED Jerome Powell a souligné qu’il aurait besoin de voir des progrès convaincants sur l’inflation et/ou un affaiblissement plus fort qu’attendu du marché de l’emploi pour continuer sa détente monétaire.

Europe : le réveil

Le réveil européen porte sur plus d’un sujet. Et il est brutal, tout d’abord, face au potentiel retrait du parapluie militaire américain et à une nécessaire reprise en main de la défense. L’illustration la plus emblématique vient d’Allemagne. La nouvelle coalition au pouvoir entre le CDU/SCU et le SPD a dévoilé un plan de relance budgétaire sans précédent, correspondant à un vrai changement de paradigme via :  

1) Une exemption de l’application du ‘frein à l'endettement’ sur les dépenses de défense en excès de 1 % du PIB ;  

2) Le lancement d’un fonds de 500Mds€ (12 % du PIB 2024) destiné aux infrastructures qui s’étalerait sur dix ans ;  

3) Une hausse des déficits structurels autorisés pour les Landers, aujourd’hui à 0 %, et qui passerait à 0,35 % du PIB.

Pour faire passer ce projet, le futur Chancelier Merz devra reconvoquer le Bundestag sortant, élu en 2021, et obtenir le soutien des Verts, avant le 25 mars, date à laquelle le nouveau parlement siègera et au sein duquel l’AfD9 et Die Linke10 disposent collectivement d’une minorité de blocage…  Si l'ancien parlement n'adopte pas le projet, ou si la Cour constitutionnelle s'y oppose, Merz et son nouveau gouvernement pourront toujours invoquer la clause d'urgence du frein à l'endettement, probablement en avril, mais selon des bases revues à la baisse. Cela s’accompagne presque simultanément d’un nouveau dispositif de la Commission Européenne de 800Mds€, soit quasiment 5 % du PIB de l’UE, qui comprend lui-même deux composantes : un fonds de prêt de défense de 150Mds€ ainsi qu’un assouplissement des règles budgétaire de l’UE pour permettre un financement supplémentaire de 650Mds€ de la part des États membres. En l’état, ces plans de relance budgétaire, nettement plus ambitieux et rapides que ce que les marchés anticipaient, impliquent un sérieux potentiel de révision de croissance, déficit et niveau de dette de l’Allemagne et dans une moindre mesure des pays européens (de l’ordre de 0,5 % à 1 % de croissance de PIB par an supplémentaire pour l’UE et davantage pour l’Allemagne). D’où la réaction des marchés actions et obligataires de la zone euro début mars avec une hausse de plus de 40bp sur une semaine pour le Bund, une appréciation de quasiment 5 % de l’Euro vs Dollar ou une accélération de la surperformance des actions européennes, notamment allemandes.  Il y a toutefois un bémol à court terme : le multiplicateur des dépenses budgétaires dans le secteur des dépenses militaires est limité en Europe, celle-ci ayant un nombre restreint d’entreprises dans le secteur, d’où des contraintes d’offre sur les prochaines années. Nous pensons toutefois que cette fois, l’enjeu porte en partie justement sur la constitution d’une industrie de Défense couvrant un spectre plus exhaustif des matériels et systèmes à concevoir et produire. Il s’agit d’un chantier long (voir ci-dessous : The Long View : l’Allemagne Défense sans compter).  Autre point positif : un cessez-le-feu en Ukraine, perspective qui demeure crédible malgré la rudesse des négociations, viendrait également soulager le Vieux Continent, notamment sur les coûts des matières premières énergétiques. Cela devrait jouer favorablement sur la prime de risque de l’UE par rapport à celle des Etats-Unis.  Le réveil est également économique, avec un indice de surprise économique qui passe positif en février, à l’inverse de ce qui s’observe outre-Atlantique. On note une amélioration sur plusieurs plans : la consommation, la dynamique d’investissement, les nouvelles commandes manufacturières ou encore les indices PMI11 composites de la France et de l’Allemagne, en berne ces derniers mois. La dynamique de crédit pour les ménages et les entreprises rebondit légèrement alors que la décélération progressive de l’inflation dans les services et la baisse des prix de l’énergie devraient permettre à la BCE12 de réaliser deux nouvelles baisses de taux en juin et septembre et tendre ainsi vers son niveau cible de 2 %. Un ciel qui s’éclaircit, même si le rebond de la croissance restera progressif.  La relation commerciale avec les Etats-Unis, qui semblent manifester leur intention de porter les droits de douane à 25 % sur certains produits demeure néanmoins problématique. En fonction de leur ampleur, cela pourrait coûter quelques dixièmes de points de PIB à la zone euro. Nous pensons que la politique de relance de Merz a en partie pour objectif de s’en prémunir.  

La Chine desserre les verrous

Le Parti communiste chinois tient son Congrès jusqu’à la fin du mois de mars. Une occasion de voir se dessiner de légères inflexions dans la politique de Xi Jinping, qui cherche lui aussi de nouveaux ressorts pour alimenter sa croissance. Et cela passera par un souffle de liberté accordé au secteur privé et aux entrepreneurs. Le pays compte aussi sur l’innovation dans le domaine de l’IA et pousse la technologie, porté par le succès de DeepSeek, pour réhausser ses gains de productivité.  Réitérant ses objectifs 2025 d’une croissance à 5 % largement dopée à la dépense publique, Xi Jinping privilégie également la relance de la consommation, avec des hausses de salaire des fonctionnaires ou des pensions de retraites, une relance du crédit… Cela pourrait commencer à porter ses fruits. Voitures, voyages, logements : les Chinois consomment davantage d’autant plus que l’effet de richesse dont certains bénéficient grâce à la reprise de la Bourse commence à jouer favorablement, compensant pour certains types de ménage l’impact de la chute de l’immobilier Comme l’Europe, au milieu de ces signaux encourageants, la Chine va devoir jouer avec les nouveaux droits de douane américains. Si le géant asiatique n’a dans un premier temps pas tellement réagi aux annonces de relèvement, il se montre désormais prêt à riposter. La hausse des tarifs douaniers devrait toutefois avoir un impact limité sur l’économie chinoise. Les activités touchées ne pèsent que 3 % du PIB, et sont concernées à hauteur de 20 %. Sous réserve d’annonces contraires de la part de Trump, bien entendu…

Sources : Mirova, Bloomberg. Lire l'analyse complète

1 Les 7 Magnifiques : désignent un groupe de sept entreprises technologiques américaines qui se distinguent par leur performance exceptionnelle sur les marchés financiers (Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet, Meta, Nvidia, Tesla).
2 CDU-CSU : partis conservateurs allemands de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de l’Union chrétienne-sociale (CSU).
3 SPD : parti social-démocrate allemand.
4 PIB (Produit Intérieur Brut) : valeur totale des biens et services produits dans un pays au cours d'une période donnée, généralement une année.
5 DOGE (Department of Government Efficiency ») : Département de l'efficacité gouvernementale des Etats-Unis.  
6 MEDICARE : système d'assurance-santé géré par le gouvernement fédéral des États-Unis au bénéfice des personnes de plus de 65 ans, ainsi qu'à certaines personnes plus jeunes avec des handicaps ou des maladies spécifiques.
7 Soft data : désigne des informations qui ne sont pas quantitativement mesurables et qui reposent souvent sur des observations subjectives, des avis, des impressions ou des expériences individuelles. Contrairement aux “hard data”.
8 FED : Réserve fédérale des Etats-Unis
9 AfD (Alternative für Deutschland) : parti politique allemand d'extrême droite.
10 Die Linke : parti politique de la gauche radicale allemande.
11 Indice PMI (Purchasing Manager’s Index) : Indicateur permettant de connaître l’état économique d’un secteur 12 BCE : Banque centrale européenne

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