Tech et IA : encore du potentiel en bourse ? David Wierzba (Varenne Capital) et Edouard de Nagourski (Thematics AM)

À l’occasion du MidSommar 2025, organisé par la CNCGP, nous avons interrogé David Wierzba, le Directeur du développement de Varenne Capital et Edouard de Nagourski, Porte-parole de la gestion de Thematics AM. Entre volatilité des marchés, percée des modèles chinois d’intelligence artificielle, évolution des usages, IA au service de la sélection de titres, dispersion croissante des valorisations, recentrage sur des acteurs rentables comme TSMC ou ASML, les sociétés de gestion affinent leurs positions.
Des valeurs technologiques sous pression dans un contexte incertain
On a vu certaines grandes tech américaines s’essouffler boursièrement parlant, à mesure d’ailleurs que les indices européens reprenaient l’avantage sur les indices américains. D’après vous, est-ce que les valeurs techno peuvent encore briller ?
Edouard de Nagourski : Merci Vincent pour cette question. Je pense qu’elle traduit plus largement l’anxiété des marchés, l’inquiétude des investisseurs et au niveau du sentiment global de marché sur l’avenir des marchés, du marché américain, du marché de la tech. Dans ce contexte-là, il faut se poser la question : qu’est-ce qui s’est passé ? Donc on a bien évidemment eu Donald Trump, la guerre tarifaire qu’il a menée depuis le début de l’année, qui a apporté son lot d’anxiété. En plus de ça, pour les valeurs technologiques, on a eu l’événement DeepSeek. DeepSeek, qu’est-ce que c’est ? C’est le LLM chinois, l’équivalent de ChatGPT pour la Chine. Et DeepSeek, c’est un modèle spécialisé qui est, dans certaines mesures, aussi efficient que les modèles américains, mais moins consommateur en énergie, moins gourmand. Et dans ce contexte-là, le marché s’est posé une question, il s’est dit : est-ce que, finalement, on va vendre autant de puces aux Chinois avec la barrière tarifaire ? Et deuxième point : est-ce que, si les systèmes sont moins gourmands en énergie, on ne va pas moins consommer en puces ? Et c’est là où on voudrait prendre un peu de distance par rapport à tout ça et se dire : c’est le paradoxe de Jevons, de se dire que quand une technologie est moins consommatrice en termes d’énergie, on a tendance à beaucoup plus l’utiliser. Donc, à court terme, les marchés sont inefficients, mais à long terme, il y a encore énormément de potentiel.
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La fin d’un cycle boursier ou un nouvel essor technologique ?
Est-ce qu’on est arrivé à une sorte de fin de cycle sur ce type de valeur, en termes de valorisation boursière ?
David Wierzba : Oui, alors il faut séparer ce qui se passe sur le marché et ce qui se passe en bourse. On pense, nous, que c’est une industrie qui est encore en plein essor. On n’arrête pas de lire et d’entendre que la révolution de l’intelligence artificielle est peut-être encore plus grande que ce qu’on a connu avec Internet dans les années 2000. Donc, nous, on pense qu’il y a encore énormément de choses à construire, qu’il va se passer beaucoup de choses. Simplement, il y avait des effets globaux de marché à la hausse comme à la baisse. Aujourd’hui, on constate qu’il y a un peu plus de dispersion entre les entreprises. Tu as cité le cas de NVIDIA, qui est un très bon exemple : il y avait des marges absolument colossales sur les produits qui ne sont peut-être plus les mêmes aujourd’hui.
Nous, on pense que c’est un sentiment global, cette dispersion sur les marchés. Dans le marché en général, c’est à nous d’aller sélectionner les bons titres, et sur la partie technologique c’est la même chose, avec beaucoup de dispersion. Donc à nous, en tant que gérants actifs, d’aller chercher les bons titres qui ont encore du potentiel, et on pense qu’il y en a beaucoup. Un dernier mot en complément, c’est que nous, aujourd’hui, on regarde plutôt les entreprises qui ont un effet sur le consommateur. Je pense à Meta, par exemple, où l’intelligence artificielle a un impact sur le consommateur final. C’est ça qu’on va regarder.
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Une réduction naturelle de l’exposition technologique
Globalement, je crois que vous avez réduit votre expo quand même au technologique.
DW : Oui, ça s’est fait assez naturellement. On a eu une exposition technologique qui a grossi parce que notre sélection entreprise chez Varenne nous a amenés à en sélectionner plus, notamment l’année dernière. Assez naturellement, ça s’est un petit peu réduit, même si on a encore quelques titres. Je cite NVIDIA, qu’on n’a plus, mais qui a été remplacé par TSMC. Je cite Meta. Donc on a quand même des industries dans l'univers de la tech. Simplement, ça a été un petit peu réduit. Également au profit de l'Europe. Il y a beaucoup de nos investisseurs qui nous demandaient, dans nos fonds en fin d'année dernière, de ne mettre que des États-Unis. Il y a eu un mouvement post-élection Donald Trump pro-US. Nous, assez naturellement, nos indicateurs nous ont fait sélectionner des entreprises plutôt en Europe, et ça a été un bon pari depuis le début de l'année.
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L’intelligence artificielle irrigue toutes les thématiques chez Thematics
Comment adressez-vous les sujets de l'IA et de la tech chez Thematics ? Avec quelle approche ?
EDN : Alors, l'IA chez nous, c'est central. On le retrouve bien évidemment dans notre fonds thématique IA et Robotics, c'est un des gros moteurs de cette stratégie. Mais plus généralement, l'IA, on la retrouve dans toutes les autres thématiques. Dans le domaine de la sécurité par exemple, dans la cybersécurité 2.0, l'étude du comportement des utilisateurs nécessite beaucoup d'intelligence artificielle. On va aussi la retrouver dans la thématique de l'eau, peut-être contre-intuitivement, mais dans les liquides de refroidissement des centres de données, également dans la santé pour la recherche de nouvelles protéines, de nouvelles molécules pour accéder à de nouveaux traitements, et bien évidemment dans le modèle de l'abonnement où l'on va retrouver toutes ces sociétés qui fournissent des logiciels indispensables aux entreprises comme NVIDIA, AMD, Intel, pour concevoir ces processeurs. Ce qu'on remarque aussi, c'est qu'il y a une augmentation exponentielle du nombre de mentions des termes « intelligence artificielle » dans les publications, dans les commentaires des entreprises. Dans ce contexte-là, où le marché se disperse un peu, quand il y a pléthore d'offres d'intelligence artificielle sur le marché, ce qui est important, ce n’est pas de se diriger vers les chercheurs d'or, mais plutôt de se concentrer sur ceux qui vendent les pelles et les pioches.
Des entreprises technologiques rentables, à l’image de la période Internet
Ça rappelle la période de l'Internet.
EDN : Exactement. Ce qui est complètement différent aujourd'hui, c'est qu'on a des sociétés qui sont rentables. On n’est plus du tout dans le même paradigme que celui qu’on a connu dans les années 2000.
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Une sélection rigoureuse de titres technologiques en portefeuille
Quelques exemples à nous donner de valeurs que vous avez en portefeuille, justement ?
EDN : Oui, bien sûr. Je pense qu’on revient un petit peu sur des valeurs un peu communes. Pour les auditeurs, pour les investisseurs : TSMC, qui est le fondeur par excellence, le leader mondial dans la fabrication des semi-conducteurs. Mais on peut citer aussi de très belles boîtes européennes comme ASML, qui fait des machines de lithographie pour le gravage des puces. Et on a aussi, bien évidemment, des sociétés comme Cadence ou Synopsys, qui sont de très bons exemples de ce qu’on peut faire en EDA, donc Electronic Design Automation, qui sont des sociétés permettant de concevoir les jumeaux numériques dont le gouvernement Macron a parlé pour l’océan, par exemple, lors de la dernière conférence, créer un jumeau numérique de l’océan comme on l’a fait avec celui de la Terre, et pour utiliser et observer de façon digitale le comportement d’un écosystème.
Une gestion hybride entre analyse fondamentale et puissance algorithmique
La tech, l’IA chez Varenne Capital, j’ai cru comprendre que c’était aussi un outil au service de votre gestion. Expliquez-nous.
DW : Oui, absolument. Je me voyais mal parler de technologie aujourd’hui sans parler de l’impact que ça a eu dans notre gestion. On est des gérants, à la base, fondamentaux. Depuis plus de 20 ans, on sélectionne des entreprises grâce à du fondamental. Et depuis quelques années, on a développé des algorithmes qu’on a développés chez nous grâce à la technologie. On étudie un petit peu l’intelligence artificielle aujourd’hui, mais surtout ce sont des algorithmes qu’on utilise, qui permettent de sélectionner les entreprises de façon différente de ce qu’on faisait sur le fondamental. 6000 indicateurs sont utilisés chez nous, une quinzaine de fournisseurs de données. Et on se rend compte que cette sélection d’entreprises dans nos fonds, qui est le mélange de la partie fondamentale et plus algorithmique, a beaucoup de valeur. Et notre sentiment chez Varenne, c’est qu’aujourd’hui, on ne peut plus gérer exactement comme il y a 20 ans. Et le fait d’allier le fondamental et le comportemental apporte beaucoup de valeur dans la performance de nos fonds.
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