Succession : l’acceptation devient définitive en l’absence de réponse dans le délai légal

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Absence de réponse dans le délai successoral : pourquoi l’héritier devient acceptant pur et simple

L’affaire concernant M. B offre un éclairage particulièrement instructif sur les conséquences juridiques d’un silence dans le cadre d’une succession à passif élevé. Son père est décédé le 24 janvier 2018 en laissant d’importantes dettes fiscales. Quelques mois plus tard, le 18 juin 2018, le comptable du service des impôts des particuliers lui a fait signifier, par voie d’huissier, une sommation de prendre parti. À compter de cet acte, la loi lui accordait deux mois pour opter. Le délai a expiré le 18 août 2018 sans qu’aucun choix ait été formalisé.

Ce simple silence a suffi à produire un effet déterminant. Conformément aux textes, l’héritier est alors réputé avoir accepté purement et simplement la succession. M. B invoquait pourtant avoir accepté à concurrence de l’actif net en décembre 2018, puis renoncé en avril 2019. Ces démarches intervenaient hors délai et ne pouvaient plus remettre en cause la qualification juridique déjà acquise. Elles se heurtaient au caractère automatique et définitif de l’acceptation réputée.

Le cadre légal de l’option successorale : l’acceptation irrévocable

Le mécanisme appliqué dans ce dossier repose sur un ensemble de dispositions précises du Code civil. L’article 771 interdit que l’héritier soit contraint d’opter avant quatre mois à compter du décès. Passé ce délai, un créancier ou l’État peut provoquer son choix par une sommation. L’article 772 impose ensuite un délai de deux mois pour se prononcer ou solliciter une prolongation. À défaut, l’héritier est réputé acceptant pur et simple. La loi ne laisse aucun espace d’interprétation.

L’effet rétroactif prévu par l’article 776 renforce encore l’inflexibilité du dispositif. L’option, qu’elle soit expresse ou tacite, s’applique au jour de l’ouverture de la succession. Cette rétroactivité empêche toute tentative d’acceptation à concurrence de l’actif net ou de renonciation formulée ultérieurement. L’article 786 parachève l’ensemble en interdisant toute modification d’une acceptation pure et simple, qu’elle soit volontaire ou réputée.

Dans la situation de M. B, ces dispositions rendaient inexploitable la renonciation tardive. L’acceptation tacite était acquise, rétroactive et définitive.

Comment la jurisprudence confirme le caractère définitif de l’acceptation

Le Tribunal administratif de Versailles a été saisi par M. B à plusieurs reprises. Ses demandes visaient la décharge d’obligations de payer portant sur des mises en demeure de décembre 2018, des poursuites du pôle spécialisé des Yvelines datant de juillet 2019 et des avis à tiers détenteur émis en octobre 2019. Les montants cumulés dépassaient trois millions d’euros. Les juges ont rejeté l’ensemble des requêtes en considérant que l’intéressé avait conservé la qualité d’héritier, faute d’avoir exercé son option dans les délais.

La cour a confirmé ce raisonnement. Elle a relevé que l’héritier était réputé acceptant pur et simple dès l’expiration du délai de deux mois. Le caractère définitif de l’acceptation réputée a été réaffirmé, conformément à l’interprétation judiciaire constante. La juridiction administrative s’aligne sur les solutions dégagées par la Cour de cassation, qui a déjà jugé que l’acceptation présumée ne peut être combattue par une renonciation tardive et qu’elle constitue un choix irrévocable.

Cette convergence jurisprudentielle renforce la sécurité juridique de l’option successorale. Elle rappelle que l’héritier ne peut invoquer une volonté postérieure pour échapper aux conséquences du silence initial.

Les conséquences fiscales : responsabilité intégrale de l’héritier face aux dettes successorales

La qualification d’héritier acceptant pur et simple entraîne des effets patrimoniaux immédiats. En se trouvant réputé avoir accepté la succession depuis le 18 août 2018, M. B devenait redevable des dettes fiscales de son père. Les mises en demeure adressées fin 2018, les poursuites engagées en 2019 et les avis à tiers détenteur notifiés ultérieurement s’inscrivaient dans cette logique.

La renonciation intervenue en avril 2019 ne pouvait plus effacer les obligations du passif successoral. Le dispositif légal et jurisprudentiel vise à garantir la stabilité des relations entre l’héritier, l’administration fiscale et les créanciers. Il montre que, face à un passif important, la maîtrise du délai d’option constitue un élément déterminant de la protection patrimoniale.

La maîtrise du délai, essentielle dans les successions à risque

Cette affaire met en lumière la nécessité pour tout héritier de se saisir rapidement de son droit d’option, en particulier lorsqu’un passif fiscal substantiel est envisagé. Le délai de deux mois fixé après la sommation ne doit pas être perçu comme une simple formalité. Il conditionne directement la responsabilité financière de l’héritier et l’étendue de ses obligations futures.

La succession à concurrence de l’actif net peut constituer un outil de protection opérationnel et pertinent, mais elle exige une action rapide et encadrée. Une renonciation tardive, même sincère, n’a aucun effet lorsque l’héritier est déjà réputé acceptant. La jurisprudence récente confirme que l’option tacite impose une irréversibilité essentielle à l’ordre public successoral.

Sources : LégiFiscal · EFL · CAA Versailles 19-9-2024 n° 22VE00909 · CE 2-10-2025 n° 503143 · Cass. 1re civ. 5-2-2025 n° 22-22.618.

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