« Le marché européen de l’immobilier repart, mais la reprise sera lente » (Advenis REIM, Magnacarta Group, EMD Patrimoine)

Pierre Papier
Eve-Marie Dyon
Jean-François Chaury (Advenis REIM), Julie Compagnon (Magnacarta Group) et Eve-Marie Dyon (EMD Patrimoine), Patrimonia 2025, Club Patrimoine

À l’occasion de Patrimonia 2025,  Jean-François Chaury, Directeur Général d'Advenis REIM a répondu aux questions de Julie Compagnon Présidente de Magnacarta Group et Eve-Marie Dyon Dirigeante et Fondatrice, EMD Patrimoine. Quels signaux de reprise sur le marché immobilier européen ? Quelles perspectives suite au mouvement sur les taux ? Quel bilan pour la SCPI Elialys qui à 6 ans ?

Présentez-nous Advenis REIM.

Jean-François Chaury : Advenis REIM est une société de gestion spécialisée dans l'épargne immobilière pan-européenne. Elle gère aujourd'hui environ 1,5 Md d'actifs sous gestion. Elle est plutôt perçue dans le marché comme une société de gestion qui investit en Europe, puisque nous avons 3 SCPI aujourd'hui en commercialisation, qui investissent pour chacune d'entre elles sur des zones géographiques européennes différentes. Une dizaine d'années d'expérience et un groupe aussi solide, puisque nous avons un peu plus de 300 collaborateurs avec des métiers en Property, Facility, Brokerage en France et en Europe, puisque nous sommes présents en Allemagne, Madrid, Lisbonne et maintenant Londres depuis un an.

Une reprise immobilière tirée par les marchés européens

Eve-Marie Dyon : Alors, le marché de l'immobilier, et particulièrement des SCPI, a été chahuté ces dernières années. Est-ce que vous voyez actuellement des signaux de reprise par rapport notamment à des ajustements de prix de part ? Et est-ce que cette tendance de reprise peut être durable ?

JFC : Alors, il y a des signaux de reprise, oui, ne serait-ce que par la collecte. Les chiffres de l'ASPIM sont sortis il y a quelques semaines maintenant, sur le premier semestre, où il y avait une croissance légère. Mais c'est tout de même une croissance de la collecte des SCPI, donc en termes de pierre-papier. Donc ça, ce sont plutôt de bons signaux. Après, elle se concentre pas mal sur certains acteurs. Il y a une diversification qui n'est peut-être pas forcément au rendez-vous. Donc peut-être que nous n'apprenons pas toujours du passé. Mais ça, c'est une autre question que nous aborderons peut-être un autre jour. Et par contre, sur l'immobilier, on va dire que c'est assez disparate. Il y a des marchés qui vont très bien. Elialys, notre SCPI qui est en Espagne, va plutôt très bien, dans le sens où le marché ibérique est très porteur, avec une belle croissance, avec une croissance des volumes de transactions, avec des chiffres d'affaires qui sont très importants aujourd'hui. Certainement une année record en 2025, ce qui n'est pas le cas de la France. Nous allons encore avoir une année un peu compliquée. Plutôt une reprise sur le marché européen que franco-français et puis aussi un peu l’arc Nord-Europe qui a redémarré. Maintenant, ce ne sont pas de gros redémarrages, ce sont des progressions lentes, c’est une reprise immobilière. L'immobilier, en règle générale, évolue sur des mouvements assez longs. Nous parlons de 15 ans tout le temps. Donc là, nous sommes dans un phénomène de crise depuis 2-3 ans avec la remontée des taux. Nous risquons d’avoir quand même un marché qui va être encore un peu apathique pendant un an ou deux, avec une reprise qui reviendra un petit peu plus tard, je pense.

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Julie Compagnon : Apathique et compliqué en France en particulier, c’est le risque politique qui veut ça ?

JFC : Oui, risque économique aussi, mais qui est certainement lié, dans le sens où nous avons une remontée des taux à court terme. Nous avons, depuis la semaine dernière, des taux supérieurs aux fameux pays du "Club Med". Les ex-pays du Club Med, parce que nous risquons de faire partie de ce Club Med, bientôt. Donc ça fait partie des éléments qui sont importants à prendre en compte quand nous investissons en immobilier en Europe.

Des parts en attente de retrait qui pèsent sur les SCPI

JC : Nous avons beaucoup de SCPI qui ont des parts en attente de retrait. D’abord, est-ce que ça freine le marché selon vous ? Et qu’en est-il chez vous, de ce sujet-là ?

JFC : Oui, il y a des SCPI, notamment les historiques, qui ont des parts en attente de retrait, qui vont avoir ce problème-là pendant un certain temps parce que la collecte n’est plus au rendez-vous sur ces véhicules. Donc ça crée quand même des interférences sur le monde des SCPI et de la pierre-papier en général, même si certaines SCPI vont bien et collectent. Nous l'avons chez nous.

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JC : Ça vous impacte ?

JFC : Ça impacte la collecte en général, forcément, puisque les meilleures années de collecte étaient à 12 Mds. Et là, cette année, nous allons être entre 4 et 5 Mds, je pense, sur les volumes de transactions pierre-papier. Ce qui est déjà bien. Quand nous enlevons la partie assurancielle qui n’est plus très présente dans les allocations des conseillers, et quand nous enlevons le crédit, puisque le crédit est assez cher et n’est plus non plus très présent, ça reste une enveloppe de collecte assez importante dans la pierre-papier en cash. Donc c’est toujours un bon moyen de diversification, de retraite complémentaire et de revenus complémentaires. Par contre, effectivement, oui, ça impacte les clients aussi, puisque là, nous en parlons depuis 2 jours à Patrimonia. Il y a des clients qui, aujourd’hui, aimeraient sortir de certaines SCPI, mais ne le peuvent pas, puisqu’il y a des listes d’attente de plus de 12 mois. Et comme il n’y a pas de collecte, ça risque de durer encore un petit moment. Donc ça, ce sont forcément des signaux qui ne sont pas très bons pour les investisseurs aussi, pas que pour les distributeurs. Et après, en ce qui nous concerne, nous avons deux véhicules qui collectent et un autre qui, aujourd’hui, est en équilibre entre des parts en attente et collecte. Nous collectons toujours et donc nous avons deux mois d’attente, ce qui n’est pas non plus très important.

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Une crise immobilière atténuée par la réglementation et l’épargne élevée des Français

VT : Advenis REIM a 10 ans. Les années 90, c’était un peu loin. Vous diriez que la crise que nous connaissons depuis 2-3 ans est plus dure que celle des années 90 ?

JFC : Alors, je mettrais un bémol par rapport à la pierre-papier, parce que la pierre-papier s’en sort pas si mal que ça, parce que ça reste de l’épargne. Les Français épargnent. Nous sommes en crise et le taux d’épargne des Français est passé à plus de 18 %, ce qui n’a jamais été aussi élevé. Donc forcément, il y a un bout de cette épargne qui vient sur la pierre-papier, puisqu’ils ont aussi besoin de revenus complémentaires. Il est probable, dans les années qui viennent, que nous ayons encore plus besoin de revenus complémentaires. Donc la SCPI a une vraie valeur ajoutée. Par contre, le marché de l’immobilier, oui, est en pleine crise. Nous en parlions encore avec pas mal de promoteurs immobiliers et pas mal d'opérateurs immobiliers. Il y a eu beaucoup de dégâts, et il risque d’y en avoir encore sur le monde de l’immobilier en termes de développement et de construction. Mais peut-être que par rapport aux années 90, il y a une réglementation qui a favorisé aussi, finalement, le lissage de cette crise du prix de part. Aujourd’hui, en termes réglementaires, je crois que vous devez analyser votre portefeuille deux fois par an, et je pense que c’est quand même une bonne chose pour l’épargnant et sa protection. Oui, par rapport aux années 90, en tout cas, il y a la réglementation AMF, le contrôle de l’AMF, des régulateurs. Je pense que les Sociétés de Gestion se sont aussi beaucoup professionnalisées. Donc ça, c’est plutôt un bien pour les distributeurs et les associés. Et effectivement, il y a un environnement qui est un peu plus transparent, ce qui n’était pas forcément le cas dans les années 90. Donc ça, c’est plutôt un avantage. Maintenant, quand il y a un marché immobilier qui se retourne avec des baisses significatives de volumes liées à des remontées de taux, ce que nous avons connu, nous ne pouvons pas aller contre un marché. Et ça, c’est valable aussi pour les marchés financiers.

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Des rendements sous pression avec la remontée des taux longs

JC : J’aimerais justement revenir sur les taux, parce qu’ils ont été fortement bousculés ces dernières années. Ça a bousculé le marché. Quelles vont être les perspectives de rendement pour les investisseurs dans ces prochaines années, 3 à 5 ans ?

JFC : Alors, tout va dépendre effectivement de cette évolution de taux. Les taux longs, pas les taux courts, puisque l'immobilier est plutôt impacté par les taux longs. Pour l'instant, les taux ont plutôt eu tendance à se maintenir, voire à remonter ces dernières semaines par rapport aux tensions géopolitiques. Ça va impacter forcément le marché de l'immobilier. Typiquement, les gros institutionnels qui achètent plutôt des produits core... Quand on parle de produits core, c'est l'immobilier QCA parisien, c'est les mêmes choses à Londres, à Madrid, à Francfort. Ces investisseurs-là, aujourd'hui, sont en attente. Pourquoi ? Parce que quand vous achetez des immobiliers dans ces villes-là, c'est autour de 4-4,5 %. Quand vous avez des OAT ou des équivalents OAT, bond ou autre, dans les pays européens qui sont autour de 3,5, vous vous posez sérieusement la question : s'il vaut mieux investir dans de l'immobilier avec des travaux, avec des contraintes ESG ou aller chercher de l'obligataire à 10 ans ? Donc les gros investisseurs, pour l'instant, ne sont pas présents. Et donc ça ne va normalement pas revenir encore sur des volumes de transactions très importants.

Une concentration de la collecte sur quelques acteurs du marché

JC : On a une collecte, on l'a dit, qui se concentre sur quelques acteurs. Du coup, il y a des parts en attente. Donc forcément, ça se concentre. Est-ce que c'est une situation que vous estimez saine pour le marché, cette concentration sur certaines SCPI ?

JFC : Je crois que j'en ai un petit peu parlé tout à l'heure. Non, je pense que nous n'apprenons pas toujours de nos erreurs. Et aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est que ça concentre encore beaucoup sur certains acteurs qui collectent beaucoup, tant mieux pour eux. Par contre, avec une forte pression sur l'investissement aussi de leur part. Et donc, forcément, quand nous avons beaucoup de collecte à un instant T et à très court terme, nous ne sommes pas toujours très sélectifs. En tout cas, ce n'est pas moi forcément qui le dis. C'est ce qu'on apprend avec l'histoire et l'expérience. Et donc, ce n'est pas toujours très bon que la collecte se concentre trop sur les acteurs. Au même titre dans l'immobilier, mais dans d'autres classes d'actifs, c'est pareil. Donc, en ce moment, il y a beaucoup d'argent qui arrive sur une certaine classe d'actifs. Et donc, du coup, voilà, ce n'est jamais très bon. Donc, ce qu'on essaye, en tout cas, nous, au niveau d'Advenis REIM et par rapport à nos SCPI, c'est d'essayer de ne pas forcément travailler sur les taux de distribution, parce que mes taux de distribution ne sont pas forcément les plus hauts du marché. Par contre, nous essayons d'expliquer comment nous travaillons, quelles sont nos convictions, pourquoi nous allons dans telle typologie d'actifs, pourquoi nous allons dans telle géographie d'actifs. J'expliquais tout à l'heure : il y a des zones en Europe qui fonctionnent très bien. Et c'est plutôt le rôle, pour moi, des CGP, de travailler leur allocation d'actifs, plutôt que d'aller chercher forcément un fonds diversifié qui est tellement diversifié qu'il devient compliqué à gérer.

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Une stratégie différenciante fondée sur la présence locale en Europe

EMD : Oui, on parlait justement du fait d'apprendre de ses erreurs. La SCPI Elialys a 6 ans. Quel est votre bilan aujourd'hui ?

JFC :Est-ce que vous pouvez nous dire un mot de votre stratégie différenciante ? Alors, l'ADN d'Advenis REIM, c'est d'être présent dans des pays sur lesquels il y a une certaine volumétrie d'actifs, une certaine volumétrie de transactions, un marché assez profond pour permettre d'être assez sélectif à l'achat, mais aussi avoir la possibilité de revendre l'actif une fois que nous voulons nous en séparer. Et donc, nous sommes plutôt sur des marchés qui concentrent des volumes importants. Donc, Elialys, c'est plutôt sur Espagne, Portugal, Italie. Quand vous faites la somme des trois, en règle générale, c'est plus important que le marché français. Donc, c'est ça que nous regardons aussi dans la diversification. Et après, sur notre approche des métiers, ou en tout cas des pays, c'est d'être présents localement. En Allemagne, quand nous l'avons fait il y a 10 ans, nous avons 20 personnes qui sont présentes en Allemagne depuis plus de 15 ans. Sur l'Espagne et le Portugal, nous sommes présents à Madrid et à Lisbonne, parce que nous considérons effectivement que de négocier avec des brokers, de négocier avec des vendeurs, de négocier avec des avocats d'affaires d'un côté ou de l'autre, que ce soit côté acheteur ou vendeur, c'est plus simple quand nous avons des personnes locales, et des collaborateurs du groupe qui sont présents localement. Donc ça, c'est notre ADN. Et après, en termes de diversification, nous essayons d'être présents plutôt dans les grandes métropoles, donc plutôt dans le top 10 des villes espagnoles, et au Portugal, ce sera uniquement Lisbonne et Porto, parce que nous cherchons effectivement des marchés suffisamment profonds pour pouvoir avoir une liquidité.

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Une force de groupe au service d’une gestion européenne agile

EMD : Comment faites-vous concrètement pour être autant présent et analyser les marchés en étant une société de gestion de taille moyenne ?

JFC : Nous appuyons sur le groupe. C’est ça notre force aussi, c’est que nous avons un groupe qui est aujourd’hui national et européen avec plus de 300 personnes. Et donc, nous nous appuyons sur des collaborateurs du groupe et aussi sur nos partenaires locaux. Et en même temps, nous avons des Gérants qui se déplacent très fréquemment. Moi-même, je me déplace aussi très fréquemment pour aller voir les actifs. Et donc ça, ça fait partie du maillage que nous tissons sur les différents pays européens et notamment sur la zone ibérique.

Une réglementation renforcée mais à adapter à la nature de l’investissement immobilier

JC : Est-ce que vous estimez que les remparts qui sont mis en place aujourd’hui par l’AMF, par la réglementation au sens large, sont suffisants pour redonner confiance, en tout cas, aux investisseurs ?

JFC : On va dire que c’est un minimum déjà. Je pense que la réglementation a aussi du bon par rapport à ce que nous faisons sur la transparence. Après, dans certains cas, elle n’est pas forcément tout le temps bénéfique, dans le sens où d’aller trop vers des schémas de liquidité, par exemple, comme l’AMF nous le propose aujourd’hui sur certains véhicules, ça peut être une solution de liquidité à court terme. Mais ce n’est pas forcément une bonne solution sur de l’investissement immobilier à long terme. Et donc, l’immobilier, ce sont des temps longs, comme je le disais tout à l’heure. Donc, chercher à avoir des véhicules très liquides pour permettre justement aux associés d’avoir des allers-retours, ça peut avoir tendance à produire des effets inverses. Ça tord le modèle et ce n’est pas forcément très bon pour la finalité, que sont les associés. De temps en temps, c’est bien d’avoir des discussions aussi avec les autorités de marché, avec l'ASPIM, avec lesquelles nous discutons, pour pouvoir essayer de protéger aussi les modèles, parce qu’ils ne sont pas forcément mal pensés.

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